Netanyahu donne la priorité à Philadelphi sur les otages, horrifiant Gallant – média
Seule une position ferme permettra de parvenir à un accord : le ministre de la Défense dit à ses collègues qu'en soutenant le Premier ministre, ils condamnent les otages à mourir
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré jeudi au ministre de la Défense Yoav Gallant qu’il donnait la priorité à sa position de maintenir les troupes israéliennes le long du couloir stratégique dit de « Philadelphi », qui sépare l’Égypte de la bande de Gaza, plutôt que de sauver la vie des derniers otages retenus à Gaza.
Cette position a été partagée lors d’une réunion animée du cabinet de sécurité jeudi soir, au cours de laquelle le Premier ministre a fait voter par l’organe ministériel suprême l’approbation d’une série de cartes établies par l’armée israélienne, qui montrent comment Israël entend maintenir le déploiement de ses troupes dans le couloir étroit de quinze kilomètres au cours de la première phase de six semaines de l’accord de « trêve contre libération d’otages » actuellement en cours de pourparlers.
Il s’agit de la dernière illustration en date du fossé qui sépare Netanyahu de l’establishment de la Sécurité. Gallant et les chefs de la sécurité ont à maintes reprises poussé Netanyahu à faire davantage de compromis dans les pourparlers, notamment en ce qui concerne le corridor Philadelphi, craignant que les positions rigides du Premier ministre ne fassent échouer un éventuel accord.
Selon une transcription de la réunion divulguée à la Douzième chaîne vendredi, les ministres n’avaient pas été informés en amont de la tenue d’un vote sur les cartes de Tsahal et Gallant a exigé de savoir pourquoi il était nécessaire de le faire.
« L’importance de ce vote est que le Hamas ne l’acceptera pas, il n’y aura donc pas d’accord et il n’y aura pas de libération d’otages », a déclaré Gallant aux ministres.
« Telle est la décision », a répondu Netanyahu.
Le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, a alors insisté pour que l’on procède à un vote sur les cartes que l’armée a présentées la semaine dernière aux médiateurs du Caire, mais Gallant a affirmé que Netanyahu avait imposé sa position à l’establishment de la Sécurité et que les cartes présentées par l’armée allaient à l’encontre de cette position.
« J’ai imposé ? J’ai imposé ? » a répondu Netanyahu.
« Bien sûr que oui. Ils avaient leur propre plan. Depuis la dissolution du cabinet de guerre [en juin], vous dirigez seul les pourparlers. Nous ne prenons connaissance des décisions qu’après coup. Les négociateurs ont dessiné les cartes comme vous le souhaitiez, mais ils avaient une position différente », a affirmé Gallant.
Netanyahu a alors tapé du poing sur la table, exigeant un vote immédiat sur ses cartes de Philadelphi.
Le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, a pris la parole pour exprimer ses propres inquiétudes quant à la stratégie du Premier ministre : « Tsahal saura comment entrer et revenir dans le corridor Philadelphi à la fin des six premières semaines de trêve. Il y a suffisamment de contraintes dans les pourparlers, il n’est pas nécessaire d’en ajouter une autre. »
« Il n’y a aucune logique à ce vote en ce moment. De toute façon, les négociations se concentrent actuellement sur [d’autres questions] et non sur le corridor Philadelphi », a ajouté David Barnea, directeur de l’agence de renseignement du Mossad, qui a dirigé l’équipe de négociation israélienne.
Gallant s’en prend à Netanyahu et plaide auprès des ministres
Gallant a ensuite déclaré aux ministres que leur vote signifiait que si Israël était confronté à « deux possibilités – soit maintenir le déploiement de Tsahal dans le corridor Philadelphi, soit ramener les otages à la maison – vous décidez de rester dans le corridor Philadelphi ». « Cela vous semble-t-il logique ? », a lancé Gallant.
« Il y a des [otages] vivants là-bas ! » s’est exclamé Gallant.
« Le Premier ministre peut faire ce qu’il veut », a répondu Dermer.
« Le Premier ministre peut effectivement prendre toutes les décisions, et il peut aussi décider de faire tuer tous les otages », a rétorqué Gallant.
À ce moment-là, d’autres ministres présents dans la salle ont reproché à Gallant de s’adresser ainsi au Premier ministre.
Gallant a alors dit à Netanyahu qu’il finirait de toute façon par céder aux exigences du chef du Hamas, Yahya Sinwar.
Netanyahu a répondu qu’il ne cédait pas aux diktats de qui que ce soit.
Gallant s’est à nouveau adressé avec amertume à ses collègues ministres, les accusant d’abandonner les otages en votant en faveur de la position de Netanyahu, ajoutant qu’il voterait contre. « Vous prenez une décision qui, si le Hamas ne l’accepte pas, signifiera que vous abandonnez les otages », a-t-il déclaré.
Il s’est à nouveau tourné vers le Premier ministre et lui a demandé : « Si Sinwar vous place devant le dilemme suivant : ou vous quittez Philadelphi, ou vous rendez les otages, que ferez-vous ? »
Netanyahu a répondu que l’impératif de maintenir l’armée dans le corridor était d’une importance cruciale pour l’État hébreu.
Gallant a déclaré que c’était une bonne chose s’il s’agissait d’une décision prise de manière isolée. Mais, a-t-il demandé, « qu’en est-il lorsque trente vies sont en jeu ? Que faites-vous ? »
« Je reste sur la ligne Philadelphi. Seules des négociations résolues contraindront [Sinwar] à plier », lui a répondu le Premier ministre.
Les ministres ont ensuite marqué une courte pause, puis sont revenus pour approuver le texte soumis par Netanyahu.
Gallant a ensuite reconnu qu’il avait perdu cette fois-ci, mais il a prédit que les ministres se rallieraient à sa position.
« Il faut espérer que cela se produira le plus tôt possible », a déclaré le ministre de la Défense.
Un ministre a déclaré à Ynet, sous couvert d’anonymat, que contrairement aux querelles précédentes entre les deux hommes, personne n’a pris la défense de Gallant jeudi soir, estimant qu’il était allé trop loin dans ses critiques.
« C’était la querelle la plus intense dont je me souvienne entre Netanyahu et Gallant », a déclaré l’un des ministres. « Netanyahu a complètement isolé Gallant. Dans de telles situations, un ministre de la Défense peut tout aussi bien rendre son tablier. »
Le vote à huit voix contre une, avec une abstention, semble symbolique et vise essentiellement à faire connaître la position d’Israël sur le corridor Philadelphi, puisque les cartes ont déjà été soumises au Hamas et aux médiateurs que sont l’Égypte, les États-Unis et le Qatar.
Gallant a voté contre et le ministre d’extrême-droite de la Sécurité nationale , Itamar Ben Gvir, a été le seul à s’abstenir. Une source proche de Ben Gvir, citée par les médias israéliens, a expliqué que cette abstention était due au fait que la proposition prévoyait une diminution progressive du nombre de soldats le long du corridor Philadelphi en cas d’accord, alors que Ben Gvir est favorable au maintien d’une présence militaire complète dans le corridor et dans l’ensemble de la bande de Gaza.
Les cartes ont déjà été validées par les États-Unis, a déclaré jeudi soir un fonctionnaire du bureau du Premier ministre, faisant vraisemblablement référence à la « proposition de compromis » que la Maison Blanche avait soumise au début du mois.
Le quotidien Israel Hayom a rapporté vendredi que le contenu de la décision prévoit en pratique que l’armée réduise progressivement sa présence le long du corridor pendant la première phase de six semaines d’un éventuel accord de « trêve contre otages », à la fin de laquelle il ne restera plus que des soldats dans des tours de guet le long du corridor Philadelphi.
Un haut fonctionnaire a déclaré au quotidien que même si la présence de Tsahal est réduite, Israël conservera le contrôle effectif du corridor, ajoutant que le retrait progressif ne commencera que lorsque l’armée aura détruit tous les tunnels transfrontaliers dans la région et placé des capteurs capables de détecter la construction de nouveaux tunnels.
« Dans tous les cas, il sera interdit de s’approcher du périmètre », a déclaré le fonctionnaire à Israel Hayom. « Il n’est pas nécessaire qu’une division et demie de l’armée soit présente sur le terrain en permanence. Des soldats et des Israéliens circuleront en permanence sur toute la largeur du périmètre, que ce soit pour des besoins opérationnels ou logistiques. Le contrôle israélien sera substantiel et pas seulement symbolique. »
Le Forum des familles des otages et disparus horrifié par les citations du cabinet
Le Forum des familles des otages et disparus a réagi aux citations divulguées de la réunion du cabinet de sécurité en exigeant que Netanyahu déclare publiquement qu’il a renoncé à la vie des otages en faveur du maintien de la présence de Tsahal dans le corridor Philadelphi.
« Les propos rapportés de la réunion du cabinet devraient faire perdre le sommeil à tous les citoyens israéliens », a déclaré le forum dans un communiqué.
« Chaque citoyen devrait savoir que s’il est kidnappé dans son lit en pyjama un samedi matin, son Premier ministre fera tout pour conserver son siège, même au prix de le laisser mourir dans les tunnels du Hamas à Gaza. »
Netanyahu a insisté sur le fait qu’il était essentiel pour Israël de rester dans le corridor Philadelphi afin d’empêcher le groupe terroriste palestinien du Hamas de reprendre la contrebande d’armes à travers la frontière et de reconstituer progressivement ses effectifs. La demande spécifique de maintien de Tsahal sur la route frontalière ne figurait pas dans la proposition israélienne du 27 mai, qui a servi de base aux récentes négociations.
Les États-Unis ont exhorté Israël à faire preuve de souplesse sur cette question, tout en offrant une proposition de transition, acceptée publiquement par Netanyahu, qui permet à un nombre limité de soldats de rester dans le corridor, ce à quoi le Hamas et le médiateur égyptien se sont opposés jusqu’à présent, avaient déclaré deux responsables arabes au Times of Israel en début de semaine.
Selon ces responsables, la proposition américaine répondait de manière excessive aux exigences d’Israël.
Les agences de sécurité ont poussé le gouvernement à faire preuve de plus de souplesse sur la question de Philadelphi, craignant que la position de Netanyahu ne torpille l’accord et ne fasse encore plus traîner les pourparlers, mettant en danger la vie des otages. Les chefs de la sécurité ont fait valoir qu’Israël serait en mesure de revenir dans le corridor en cas de besoin.
La Douzième chaîne a rapporté jeudi que lors de la réunion au cours de laquelle le vote avait finalement eu lieu, Gallant avait présenté un document exposant l’opinion de l’establishment de la sécurité selon laquelle sans un accord de « trêve contre libération d’otages », Israël serait confronté à une « imminente guerre sur plusieurs fronts ».
Selon le haut fonctionnaire du bureau du Premier ministre qui a rendu compte du vote, Netanyahu a déclaré aux ministres, au cours de la réunion, que le Hamas avait pu mener son pogrom le 7 octobre parce qu’Israël ne contrôlait pas le corridor Philadelphi.
Netanyahu a souligné qu’en maintenant le contrôle sur le corridor, Israël serait en mesure d’empêcher une autre attaque de cette nature de se produire puisque le groupe terroriste palestinien ne serait pas en mesure de se réarmer.
Il a également affirmé que sa position rendrait plus probable la conclusion d’un accord pour les otages, car le Hamas comprendra qu’il n’a pas d’autre choix que de faire un compromis sur cette question, tout comme il l’a fait lorsqu’il avait accepté de renoncer à sa demande de fin permanente de la guerre comme condition préalable à la conclusion d’un accord.
Dans une proposition soumise par le Hamas au début du mois, le groupe terroriste avait accepté un cessez-le-feu de six semaines seulement, au cours duquel les parties négocieraient les termes des phases suivantes. Si l’offre prévoit que les médiateurs maintiennent Israël et le Hamas à la table des négociations, elle semble donner à Israël la possibilité de reprendre les combats si le groupe terroriste palestinien est considéré comme violant les termes de l’accord et ne négociant pas de bonne foi.