Le projet de loi de censure des médias étrangers critiqué par la conseillère juridique de la Knesset
Loin de faire l'unanimité pour des questions de droit, ce projet de loi est d'ores et déjà passé en première lecture à la Knesset
La conseillère juridique de la Knesset, Sagit Afik, a qualifié de « problématique sur le plan constitutionnel » le projet de loi autorisant le gouvernement à censurer les médias étrangers, suite à la tentative des députés de supprimer une clause exigeant une autorisation judiciaire pour la fermeture de médias présumés constituer « un préjudice réel à la sécurité de l’État ».
Au cours d’un débat au sein de la commission de la Sécurité de la Knesset, Afik s’est opposée au projet du ministre des Communications, Shlomo Karhi, et des députés de droite de modifier la clause exigeant qu’un juge autorise la fermeture des médias étrangers installés en Israël et n’accorde in fine au pouvoir judiciaire que le pouvoir d’examiner les appels contre les décisions du gouvernement en la matière.
La conseillère juridique de la commission, Miri Frenkel-Shor, s’y est elle aussi opposée, déclarant que la fermeture d’un média était « une question d’équilibre entre liberté d’expression et sécurité de l’État, et qu’il convenait donc d’être extrêmement prudents ».
Le ministre des Communications, M. Karhi, a balayé leurs objections d’un revers de main, déclarant qu’il n’y avait « aucune raison dans la jurisprudence » pour exiger qu’un juge autorise une décision gouvernementale « et que cela ne devait pas se passer comme ça ».
« Trop peu de gens comprennent que les médias sont aujourd’hui une arme, et que si nous ne neutralisons pas ces armes, elles risquent bien de nous tuer », a ajouté le président de la commission, le député Zvika Fogel (Otzma Yehudit). « Cette loi est bonne et la responsabilité doit incomber à ceux qui sont responsables. »
En vertu de ce projet de loi, le ministre des Communications serait habilité à fermer des médias étrangers opérant en Israël et confisquer leur équipement si le ministre de la Défense estimait que leurs émissions causaient « un préjudice réel à la sécurité de l’État ».
S’il venait à être adopté, ce projet de loi – qui permettrait également de censurer le site Internet d’un média jugé problématique – ouvrirait la voie au ministre des Communications, Shlomo Karhi, pour mettre à exécution sa menace de fermer la chaîne d’information qatarie Al Jazeera, qui, selon lui, va à l’encontre des intérêts de défense israéliens et alimente le sentiment anti-israélien.
Le projet a d’ores et déjà été adopté en première lecture lors d’une séance plénière de la Knesset, en février, et s’apprête à faire l’objet de ses deuxième et troisième lectures en commission.
Un amendement précédent proposé par Fogel – qui aurait donné au ministre de la Sécurité intérieure Itamar Ben Gvir, en concertation avec le Comité de sécurité nationale, le pouvoir de prendre la décision finale d’interdiction d’un média – a été rejeté avec force par le parti Kakhol Lavan du ministre Benny Gantz, qui a menacé d’opposer son veto sur la question.
Karhi s’en est également pris aux médias nationaux, menaçant de cesser toute forme de publicité officielle dans « l’abomination bolchevique » que serait selon lui le journal Haaretz et promouvant une réforme de la communication qui, selon les critiques, serait de nature à sapper les fondements de la liberté de la presse.