Le RN « héritier de Pétain » selon Borne ; Macron prend ses distances
"Le combat contre l'extrême droite ne passe plus par des arguments moraux", a plaidé le président, selon lequel "il faut décrédibiliser" le RN "par le fond et les incohérences"
Emmanuel Macron a affirmé mardi en Conseil des ministres qu’il ne fallait pas combattre l’extrême droite « par des arguments moraux », se démarquant ainsi d’Elisabeth Borne qui avait estimé que le Rassemblement national était « l’héritier de Pétain ».
« Le président de la République ne recadre jamais la Première ministre en Conseil des ministres », a assuré l’Elysée à l’AFP, pour minimiser cette nouvelle dissonance entre les deux têtes de l’exécutif alors que les spéculations vont bon train sur un prochain remaniement gouvernemental.
Et pourtant ses propos, rapportés par des participants, peuvent apparaître comme une mise au point.
« Le combat contre l’extrême droite ne passe plus par des arguments moraux », a plaidé le chef de l’État. Selon lui, « il faut décrédibiliser » le RN « par le fond et les incohérences », « par le concret », plutôt que par des « postures morales » ou des « mots des années 90 qui ne fonctionnent plus ».
« Vous n’arriverez pas à faire croire à des millions de Français qui ont voté pour l’extrême droite que ce sont des fascistes », a-t-il encore lancé.
Emmanuel Macron est intervenu alors que les échanges portaient sur les élections locales de dimanche en Espagne, où l’extrême droite s’est imposée comme troisième force politique et pourrait gouverner avec la droite dans de nombreuses régions.
S’il n’y a pas fait référence directement, ils interviennent juste après l’entretien diffusé dimanche par Radio J, dans lequel Elisabeth Borne s’est attaquée au RN.
« Il ne faut pas banaliser ses idées, ses idées sont toujours les mêmes. Alors maintenant, le Rassemblement national y met les formes, mais je continue à penser que c’est une idéologie dangereuse », a jugé la cheffe du gouvernement.
« Incompétence » et « amateurisme »
Elle a estimé que le parti était « héritier » de Philippe Pétain, chef du régime de Vichy qui collabora avec l’Allemagne nazie, et prévenu qu’une victoire de Marine Le Pen à la présidentielle de 2027 était « une réelle menace ».
Ces critiques, dénoncées comme « infâmes et indignes » par la patronne des députés RN, ont été diversement appréciées au sein de la Macronie.
« Les piqûres de rappel sont toujours utiles », a estimé mardi le député Renaissance Marc Ferracci devant la presse. « Maintenant, il y a d’autres manières de combattre » l’extrême droite, notamment en relevant « l’incompétence » et « l’amateurisme » de ses propositions, a-t-il ajouté.
Tous, autour de la table du Conseil des ministres, n’ont pas vu dans les propos d’Emmanuel Macron une « attaque frontale » contre Elisabeth Borne. « On a un déficit d’arguments » pour contrer le RN, estime une source gouvernementale, déplorant le recours aux « mêmes arguments qu’en 2002 », lorsque Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, avait pour la première fois mené son camp au second tour de la présidentielle.
Le chef de l’État avait estimé par le passé que la meilleure manière de faire reculer l’extrême droite était d’obtenir des résultats concrets.
« Marine Le Pen arrivera » au pouvoir « si on ne sait pas répondre aux défis du pays et si on installe une habitude du mensonge ou du déni du réel », avait-il dit fin avril dans Le Parisien. « Si on arrive à gagner le chantier de la réindustrialisation, on sortira des gens du désespoir, de la misère et de la colère. Si on arrive à gagner le chantier de l’écologie, de l’ordre, du combat pour nos services publics, on aura des gens qui reviendront dans le champ républicain », avait-il avancé.
Cette apparente divergence sur la meilleure manière de contrer l’extrême droite intervient alors qu’Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ont déjà eu des messages contradictoires sur l’attitude à adopter à l’égard des syndicats après l’adoption de la réforme des retraites.
Elle survient surtout au milieu des « cent jours » décrétés par le président pour relancer son quinquennat. Il a promis d’en dresser un bilan le 14 juillet, semblant ne concéder qu’un sursis à sa Première ministre, à laquelle il n’a renouvelé sa confiance que du bout des lèvres.
Après le Conseil des ministres, ils ont déjeuné ensemble à l’Elysée, pour leur tête-à-tête hebdomadaire.