Israël en guerre - Jour 368

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Le verdict de la CIJ donne une marge de manœuvre à Rafah – officiels israéliens

"Nous n'avons pas commis de génocide et nous n'en commettrons pas un", déclare le conseiller à la Sécurité nationale ; les États-Unis devraient faire payer à Israël un prix pour leur droit de veto à l'ONU si cela devait s'avérer nécessaire

Les journalistes photographient l'équipe juridique israélienne à la Cour internationale de Justice de la Haye avant l'entrée des juges, aux Pays-Bas, le 24 mai 2024. (Crédit : AP Photo/Peter Dejong)
Les journalistes photographient l'équipe juridique israélienne à la Cour internationale de Justice de la Haye avant l'entrée des juges, aux Pays-Bas, le 24 mai 2024. (Crédit : AP Photo/Peter Dejong)

L’interprétation, par Jérusalem, de l’ordre ambigu qui a été donné par la plus haute instance judiciaire des Nations unies concernant l’offensive militaire actuellement en cours à Rafah, dans le sud de Gaza, offre une marge de manœuvre s’agissant des actions des soldats sur le terrain, ont expliqué samedi des responsables israéliens.

Dans un jugement qui a été rendu en urgence dans le cadre d’une requête déposée par l’Afrique du sud – Pretoria accuse Israël de génocide – les magistrats siégeant à la Cour internationale de Justice (CIJ) ont indiqué, vendredi, qu’Israël « doit immédiatement stopper son offensive militaire et toute autre action entreprise dans le gouvernorat de Rafah, avec des actions qui pourraient infliger au groupe palestinien, dans la bande de Gaza, des conditions de vie susceptibles d’entraîner sa destruction physique en totalité ou en partie »

Ce jugement important – quoique flou – a été interprété par quatre juges de la CIJ comme un ordre limité sommant l’État juif de se conformer à la Convention sur le génocide sans pour autant réclamer l’arrêt total des opérations militaires en cours. Le juge sud-africain, en contraste, a estimé que le verdict exigeait l’arrêt immédiat de toute campagne militaire entreprise à Rafah. Les dix autres juges n’ont pas rédigé d’opinion ou de déclaration accompagnant le verdict.

Les officiels israéliens, pour leur part, ont adopté la première interprétation.

« Ce qu’ils nous demandent, c’est de ne pas commettre de génocide à Gaza. Nous n’avons pas commis de génocide à Gaza et nous n’en commettrons pas un », a asséné le Conseiller à la Sécurité nationale Tzachi Hanegbi devant les caméras de la Douzième chaîne, samedi.

Alors qu’il lui était demandé si l’offensive à Rafah continuerait, Hanegbi a répondu que « selon le droit international, nous avons le droit de nous défendre et l’évidence est que la Cour ne nous a pas interdit de continuer à nous défendre ».

Tzachi Hanegbi à une conférence de presse le 14 octobre 2023 (Crédit : capture d’écran)

La Cour internationale de Justice, qui est basée à La Haye, n’a pas réagi aux propos tenus par Hanegbi. Le Hamas n’a pas non plus fait de commentaire.

Un autre responsable israélien a aussi souligné la formulation du jugement de la CIJ – qui est aussi appelée la Cour mondiale – soulignant qu’elle était conditionnelle.

« L’ordonnance qui a été rendue à l’égard de l’opération à Rafah n’est pas de nature générale », a-t-il dit à Reuters, s’exprimant sous couvert d’anonymat et affirmant que, telle qu’elle a été rédigée, elle n’exclut pas l’action militaire.

« Nous n’avons jamais mené – et nous ne mènerons jamais – une action militaire à Rafah ou ailleurs qui serait susceptible d’entraîner des conditions de vie qui pourraient causer la destruction physique de la population civile de Gaza en totalité ou en partie », a-t-il continué.

Si le tribunal n’a pas les moyens de faire appliquer son ordonnance, ce verdict pourrait amener le Conseil de sécurité à imposer des sanctions à Israël si une résolution accusant le pays de ne pas se conformer au jugement devait être adoptée.

Ayman Safadi, le ministre des Affaires étrangères jordanien, a demandé, entre autres, au Conseil « de prendre ses responsabilités » pour amener l’État juif à stopper sa campagne militaire à Rafah.

Le 19 mai, il avait déclaré que le royaume exigeait une enquête internationale sur ce qu’il considère comme de nombreux crimes de guerre commis lors de la campagne militaire israélienne contre le Hamas à Gaza.

Dans des remarques faites lors d’une conférence de presse avec le chef de l’agence controversée des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, Safadi a déclaré que les responsables de crimes documentés devraient être traduits en justice.

Les médias israéliens ont signalé, samedi, que les États-Unis pourraient monnayer leur droit de veto dans un tel cas de figure.

Le quotidien Maariv – qui n’a pas cité ses sources – a indiqué qu’Israël attendait des États-Unis qu’ils utilisent leur droit de veto si une telle résolution devait être envisagée par le Conseil de sécurité, mais qu’il faudrait des concessions de la part de Jérusalem sur des problématiques où les deux gouvernements sont en désaccord, comme c’est le cas, par exemple, de l’accord de normalisation avec l’Arabie saoudite – un sujet que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a évité d’aborder frontalement jusqu’à présent.

La Maison Blanche et d’autres alliés mettent en garde depuis longtemps l’État juif contre l’offensive à Rafah, où environ un million de Palestiniens étaient venus se réfugier après avoir fui le nord et le centre de la bande. La majorité d’entre eux ont depuis rejoint des zones humanitaires désignées.

L’Égypte, dont la frontière est adjacente à Rafah et qui s’inquiète de la possibilité d’une entrée massive de réfugiés palestiniens sur son territoire, a aussi fait savoir que le traité de paix entre les deux pays, qui avait été signé il y a 45 ans, pourrait être remis en jeu si une incursion à grande échelle devait avoir lieu au sein de la localité.

Un Palestinien et ses enfants assis dans une pièce détruite d’un bâtiment lourdement endommagé, par une frappe aérienne imputée à Israël, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 mai 2024. (Crédit : Eyad al-Baba/AFP)

La Maison Blanche est largement restée muette sur la question du jugement rendu par la CIJ, se contentant de rappeler que le positionnement du président Joe Biden face à l’offensive à Rafah était toujours resté « clair et constant ».

L’administration Biden a établi, de manière répétée, qu’elle s’opposait à une opération d’envergure à Rafah – une campagne qui est nécessaire pour vaincre le Hamas, affirme de son côté Israël – et elle a récemment suspendu la livraison de bombes, inquiète à l’idée qu’elles ne soient utilisées dans le cadre d’une telle offensive. Le Conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan a toutefois déclaré, cette semaine, que les activités militaires d’Israël étaient, jusqu’à présent, restées dans ce que Washington considère encore comme entrant dans les limites de l’acceptable.

Le président américain Joe Biden s’exprime pendant une cérémonie de remise de diplômes à l’Académie militaire de West Point, dans l’état de New York, qui était organisée au Michie Stadium, le 25 mai 2024. (Crédit : AP Photo/Julia Nikhinson)

De son côté, le secrétaire d’État Antony Blinken a répété vendredi le positionnement de Biden face à « une opération majeure à Rafah » lors d’un entretien téléphonique avec Benny Gantz, ministre du cabinet de guerre, la cellule de commandement militaire gouvernementale, a indiqué le Département d’État dans un communiqué émis après le verdict rendu par la CIJ.

Un porte-parole du Foreign Office britannique a critiqué, samedi, ce jugement, y décelant l’ordre donné d’arrêter immédiatement la campagne militaire.

« La raison expliquant qu’il n’y ait pas de pause dans les combats est que le Hamas a refusé un accord très généreux sur les otages qui était proposé par Israël », a dit un porte-parole.

« L’intervention des tribunaux – notamment celle de la Cour internationale de justice, aujourd’hui – renforcera le Hamas et sa conviction qu’il sera en mesure de conserver les otages en captivité et de rester à Rafah », a-t-il continué, ajoutant que « si cela arrive, il n’y aura ni paix, ni solution à deux États ».

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