L’Egypte s’oppose à un déplacement des Palestiniens au Sinaï et en Jordanie
Abdel Fattah al-Sissi a tenu son discours le plus virulent depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas

Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, s’est dit mercredi opposé au « déplacement » massif de Palestiniens de Gaza vers l’Egypte, y voyant le risque d’ « un déplacement similaire de la Cisjordanie vers la Jordanie » et « la fin de la cause palestinienne ».
En recevant le chancelier allemand Olaf Scholz au Caire, le chef d’Etat a tenu son discours le plus virulent depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas déclenchée après une attaque sans précédent du mouvement terroriste islamiste le 7 octobre.
Le 7 octobre, une horde de quelque 2 000 terroristes du Hamas au moins ont pénétré par groupe dans des localités israéliennes proches de la bande de Gaza, massacrant des hommes, des femmes et des enfants de tous âges dans leurs maisons et lors d’une grande fête en plein air. Les images de ces scènes – d’une barbarie insoutenable qui ont horrifié Israël, le monde entier, jusqu’à faire craquer des grands reporters de guerres – ont été comparées par les dirigeants israéliens aux pires atrocités nazies.
Les victimes ont été abattues, poignardées, torturées, violées et brûlées vives. La mort de plus de 1 400 Israéliens a été confirmée, dont au moins 1 200 qui étaient des civils non armés. Le processus d’identification des morts se poursuit. Au moins 210 autres civils ont été enlevés à Gaza, certains vivants et d’autres morts, dont de nombreux enfants et personnes âgées.
Pousser les Palestiniens à quitter leur terre est « une façon d’en finir avec la cause palestinienne aux dépens des pays voisins », a lancé M. Sissi, faisant référence à son pays et à la Jordanie qui craint aussi un déferlement de Palestiniens.
« L’idée de forcer les Gazaouis à se déplacer vers l’Egypte mènera à un déplacement similaire des Palestiniens de Cisjordanie », « et cela rendra impossible l’établissement d’un Etat de Palestine », a-t-il estimé.
Avant de prévenir : « si je demande au peuple égyptien de sortir dans les rues, ils seront des millions pour soutenir la position de l’Egypte », qui a décrété trois jours de deuil pour les centaines de personnes tuées dans un hôpital de Gaza suite à un tir de roquette manqué du Jihad islamique palestinien.
Peu après, des milliers d’Egyptiens sortaient dans différentes villes du plus peuplé des pays arabes en solidarité avec Gaza, selon des images diffusées par des médias locaux et sur les réseaux sociaux. En temps normal, manifester est illégal en Egypte.
L’Université d’Al-Azhar, la plus haute autorité sunnite, a d’ailleurs appelé l’ensemble des musulmans à « investir leur richesse dans le soutien à la Palestine et à son peuple opprimé », les enjoignant à « revoir leur dépendance à l’Occident arrogant ».
M. Scholz a appelé à éviter une « conflagration au Moyen-Orient », exhortant l’Iran et son allié terroriste libanais, le Hezbollah, à s’abstenir de « toute intervention ».
M. Sissi veut, lui, une « intervention internationale immédiate » pour arrêter une « escalade militaire dangereuse qui pourrait échapper à tout contrôle ».
Alors que le monde réclame l’ouverture du terminal de Rafah entre l’Egypte et Gaza, M. Sissi a redit que son pays ne l’avait « pas fermé ». L’aide est bloquée par « les bombardements israéliens », a-t-il assuré.
Son chef de la diplomatie, Sameh Choukri, a affirmé mardi à la chaîne américaine CNN que quatre frappes israéliennes en une semaine avaient blessé « quatre employés égyptiens qui participaient à des réparations ».
Depuis des jours, des centaines de camions sont bloqués dans le désert égyptien du Sinaï alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme désormais qu’à « chaque seconde où nous attendons l’aide médicale, nous perdons des vies » parmi les 2,4 millions de Gazaouis.
Au poste-frontière, les humanitaires qui attendent d’entrer se sont rassemblés pour la prière des morts en mémoire des victimes de l’hôpital gazaoui.
L’Egypte est face à un dilemme : laisser sortir les Palestiniens avec le risque qu’Israël interdise tout retour ou fermer leur unique ouverture sur le monde non tenue par Israël et les laisser sous les frappes incessantes.
Le Caire accepte de « recevoir les Gazaouis les plus vulnérables, ceux qui ont besoin de soins », comme c’était le cas jusqu’avant la guerre, « mais on ne transférera pas la responsabilité d’Israël à l’Egypte ».
« En tant que force occupante, c’est à Israël de garantir la sécurité des civils » de Gaza, a jugé mardi à la BBC Choukri.
A la question de créer de nouveaux réfugiés palestiniens – 760 000 ont fui ou ont été expulsés lors de la création d’Israël en 1948 -, s’ajoute pour l’Egypte la question sécuritaire.
« En déplaçant les Palestiniens dans le Sinaï, on déplace la résistance et le combat en Egypte », a dit M. Sissi. Et si des attaques des groupes armés palestiniens sont lancées depuis l’Egypte, « Israël aura alors le droit de se défendre (…) et frappera le sol égyptien », a-t-il prévenu.
Alors, la paix signée entre Israël et l’Egypte en 1979 – faisant du Caire le premier pays arabe à reconnaître Israël et donc l’un des plus grands bénéficiaires de l’aide militaire américaine – « va fondre entre nos mains ».
Récemment, un ex-responsable israélien avait appelé l’Egypte à « jouer le jeu » en montant des camps de tentes « temporaires » pour les Palestiniens dans « l’espace presque infini » du Sinaï.
« Si l’idée, c’est le déplacement forcé, il y a le Negev », un désert du sud d’Israël, a rétorqué mercredi M. Sissi. « Et Israël pourra les renvoyer ensuite (à Gaza) s’il le veut ».