L’élection sans précédent de Netanyahu présage de sa survie politique
Le parti du Likud est le premier depuis la création d'Israël à remporter plus d'un million de voix - un record qui, espère Benjamin Netanyahu, lui évitera des problèmes juridiques
Les élections de 2019 sont terminées. Si les autorités sont encore en train de recompter les votes, rien ne changera le fait que Benjamin Netanyahu a bel et bien battu les généraux, les sondeurs et les grincheux. Avec 1 138 772 voix pour le Likud, le parti de Netanyahu est le premier dans l’histoire d’Israël à franchir le seuil du million de voix.
Mais les vrais défis du Premier ministre commencent maintenant, alors que tous les regards sont tournés vers Washington, en prévision du plan de paix du président Donald Trump.
Le Premier ministre réélu pourra-t-il conserver son siège même s’il est accusé de corruption, de fraude et d’abus de confiance ? Sa coalition de droite renouvelée sera-t-elle en mesure de bloquer le processus de paix ou le plan de Washington va-t-il menacer la stabilité de sa coalition ? Et Netanyahu réussira-t-il à devenir un Premier ministre pour tous les citoyens d’Israël – comme il l’a promis dans son discours de victoire plutôt conciliant – alors qu’il dépend tant d’une coalition composée de partis d’extrême droite et ultra-religieux ?
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En fin de compte, Netanyahu comprend la valeur de son million d’électeurs et sait exactement où les investir : dans sa propre survie politique.
La coalition de mise en accusation
Le Premier ministre est en train de former une coalition qui saura se montrer loyale tout au long du processus judiciaire et même – si un acte d’accusation est signifié – lorsqu’il sera jugé par le tribunal de district de Jérusalem.
Après sa victoire sans précédent, et avec les députés Likud rebelles Benny Begin et Oren Hazan sur la touche, Netanyahu a les 36 membres du parti à sa disposition – aucun n’osera lui désobéir ou le défier.
Les partis ultra-orthodoxes sont aussi étroitement liés à Netanyahu – qu’importent les difficultés ou les restrictions budgétaires – lui garantissant 15 sièges supplémentaires de loyauté inconditionnelle. L’Union des partis de droite, avec cinq sièges, est également alliée au Premier ministre, lequel peut être considéré comme l’un de ses fondateurs.
Pendant ce temps, le parti Yisrael Beytenu d’Avigdor Liberman, comptant également cinq sièges, n’est peut-être pas aussi redevable à Netanyahu, mais Liberman déteste suffisamment les autorités judiciaires pour soutenir le suspect.
Quant à Koulanou, et ses quatre sièges uniquement, Netanyahu est susceptible de profiter de la faiblesse du parti et de la situation précaire de Moshe Kahlon pour offrir une carotte et un bâton à l’ancien député Likud : le maintenir au ministère des Finances et fusionner Koulanou dans le vaisseau amiral Likud, assurant ainsi au Premier ministre une obéissance politique. Kahlon est très bien placé pour savoir à quel point son ancien chef de parti peut être exigeant ; après tout, il a déjà été président du comité central du Likud.
La dissuasion des contrôleurs d’accès
Le discours de victoire de Netanyahu a délivré un message clair aux autorités chargées de l’application de la loi : il a obtenu un soutien national écrasant, malgré des allégations détaillées et graves d’actes répréhensibles de sa part publiées par le procureur général Avichai Mandelblit quelques semaines seulement avant les élections.
« Un million de personnes ont voté pour nous, donc un seul fonctionnaire n’influencera pas l’opinion publique », a déclaré jeudi au Times of Israel une source proche du Premier ministre. Ce ne sera pas une bataille facile pour les contrôleurs – tant avant qu’après l’audience préliminaire imminente.
Un million de personnes ont voté pour nous, donc un seul fonctionnaire n’influencera pas l’opinion publique
Netanyahu, soit dit en passant, est persuadé qu’il dispose de pouvoirs extraordinaires et qu’il n’aura donc aucun problème à être jugé pendant qu’il dirige le pays – et pourrait même continuer à officier comme ministre de la Défense.
La disparition de Kakhol lavan
Benny Gantz a brûlé les étapes lorsqu’il s’est vanté de « l’exploit historique » de son parti dans un discours de victoire prématurée. Désormais, le seul « exploit » qu’il puisse revendiquer est la décimation de la gauche sioniste, et éventuellement toute opposition à Netanyahu.
Gantz et ses partenaires de Kakhol lavan n’ont pas réussi à briser le bloc de droite et n’ont pas réussi à obtenir de sièges de ce côté-là de l’échiquier. Ils ont cependant détruit le parti travailliste, son esprit et sa direction, ne lui laissant que six sièges – une force insignifiante même dans l’opposition déjà réduite d’Israël.
Et comme si cela ne suffisait pas, Kakhol lavan a également nui à Meretz, ignorant complètement les partis arabes et n’offrant aucune alternative à la loi de l’État-nation, contribuant ainsi à une participation électorale arabe extrêmement faible.
Le partenaire de Gantz, Yair Lapid, parle maintenant de construire une opposition qui « rendra la vie de ce gouvernement impossible », mais en réalité, Kakhol lavan est une alliance politique ad hoc, composée de trois partis différents, qui tôt ou tard se dissoudra durant ce nouveau mandat gouvernemental. Dans mes plus de quatre décennies de couverture de l’actualité politique, j’ai vu beaucoup de partis centristes aller et venir. Aucun n’a survécu.
En 1977, c’était le parti Dash de Yigal Yadin, puis le parti Merkaz et le Shinui de Tomi Lapid, et enfin Kadima et plusieurs autres, tous oubliés depuis longtemps. Comme Shimon Peres l’a dit un jour, il n’y a pas de troisième option. Et Netanyahu, qui a réussi à démanteler ses rivaux Kadima et le parti travailliste au cours de la décennie précédente, n’est pas très préoccupé par la menace que représentent ses nouveaux rivaux inexpérimentés.
Et puis il y a Trump
Selon des sources proches de Netanyahu, Trump est sur le point de proposer un plan de paix pratique pour Israël. Le plan stipulera que la zone A en Cisjordanie (que l’Autorité palestinienne contrôle déjà entièrement) deviendra la terre de l’État palestinien, ainsi que certains quartiers de Jérusalem-Est qui seront excisés des frontières municipales de la capitale israélienne.
Les Palestiniens n’accepteront probablement pas une telle offre, mais Netanyahu pourrait jouer la carte de l’unité et demander à l’opposition de l’appuyer dans le processus de paix. Dans un tel cas, il constatera que l’opposition réelle se trouve au sein de son propre bloc, et ses partenaires de la coalition s’opposeront à toute mesure de ce genre.
Cela nous ramène à la bataille juridique de Netanyahu : il s’est tellement investi avec sa coalition contre la mise en accusation qu’il y a peu de chances de promouvoir un plan de paix – même si c’est probablement la plus accommodante des solutions qu’Israël aura jamais eues entre les mains, du président américain le plus accommodant qu’Israël aie jamais connu.
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