L’embargo turc de certaines exportations vers Israël, nouveau coup dur pour le bâtiment
De crainte de voir d'autres pays suivre l'exemple d'Ankara, des experts israéliens préconisent d'investir plus dans la production locale pour réduire la dépendance à l'égard des importations
L’interdiction par la Turquie de certaines exportations vers Israël risque de frapper durement l’industrie israélienne de la construction, à un moment où le secteur a déjà été gravement ébranlé par la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas.
Les restrictions commerciales imposées, qui touchent principalement les produits dont dépendent les constructeurs israéliens, obligeront les importateurs à chercher d’autres fournisseurs dans d’autres pays, ce qui entraînera des coûts supplémentaires qui se traduiront par une hausse des prix pour les consommateurs et les entreprises.
« Il s’agit d’une mesure importante de la part de la Turquie et d’un changement de politique, car jusqu’à présent, la Turquie ne touchait pas aux relations économiques avec Israël. Même pendant les périodes de fortes tensions politiques, les relations économiques se sont poursuivies presque sans interruption », a déclaré Gallia Lindenstrauss, chercheuse principale à l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS), au Times of Israel. « L’action crée de l’incertitude dans le monde des affaires, ce qui n’est jamais bon pour les relations commerciales. »
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« On craint que d’autres acteurs internationaux boycottent silencieusement Israël et qu’il ne s’agisse pas seulement d’une crise bilatérale entre pays, mais qu’elle puisse également avoir des ramifications sur les relations commerciales d’Israël en général », a mis en garde Lindenstrauss.
Lindenstrauss a fait remarquer qu’Israël et la Turquie avaient conclu des accords de libre-échange depuis le milieu des années 1990, accords qui sont aujourd’hui violés. Étant donné que les restrictions affectent les contrats entre les entrepreneurs privés en Turquie et les importateurs en Israël, il est probable qu’il y ait des ramifications économiques et juridiques. Au-delà de la Turquie, on craint que les critiques croissantes sur la manière dont la guerre à Gaza est menée n’incitent d’autres pays, comme la Norvège ou l’Irlande, à suivre l’exemple en lançant des actions de boycott.
Cette semaine, la Turquie a annoncé des restrictions commerciales à l’exportation vers Israël de 54 produits, dont le ciment, l’acier, l’aluminium, les matériaux de construction en fer et les équipements, en réponse à la guerre qui fait rage dans la bande de Gaza depuis plus de six mois.
Israël importe de Turquie environ 70 % des matériaux de construction en fer et un tiers de ses besoins en ciment, principalement pour l’industrie locale de la construction et du bâtiment, ainsi que des produits sanitaires pour les salles de bains, selon l’Association des constructeurs israéliens (IBA). Israël est également l’une des principales destinations de la Turquie pour l’acier.
« La Turquie n’est pas le seul producteur de matériaux de construction manufacturés de base, mais ils sont moins chers, notamment en raison de la proximité géographique », a déclaré Shay Pauzner, directeur-général adjoint de l’IBA. « Les importateurs israéliens devront désormais chercher d’autres fournisseurs, ce qui rendra le coût de la construction encore plus élevé. »
« En effet, 40 % du secteur de la construction est à l’arrêt depuis le début de la guerre, le 7 octobre, et doit faire face à une pénurie massive de main-d’œuvre en raison de l’absence de travailleurs palestiniens, ce qui entraîne déjà un retard et un ralentissement dans la construction des logements nécessaires pour répondre à la pénurie de l’offre sur le marché immobilier », a précisé Pauzner.
Lindenstrauss pense également que, même si le secteur trouvera des substituts, il faut s’attendre à ce que cela entraîne une augmentation des prix de la construction.
« Moins pour les ménages que pour les grands projets d’infrastructure en raison des perturbations », a-t-elle souligné.
L’impact économique ne sera pas seulement ressenti par les consommateurs et les entreprises dans l’immédiat, mais aussi dans les caisses de l’État, puisqu’une grande partie des recettes de l’État provient de l’impôt sur l’immobilier, selon Pauzner.
La Turquie, qui soutient ouvertement le groupe terroriste palestinien du Hamas et qui est l’un des plus fervents détracteurs d’Israël au sujet de la guerre à Gaza, a accusé ces dernières semaines Israël de ne pas « permettre l’acheminement adéquat et ininterrompu de l’aide humanitaire à Gaza » et a menacé de prendre des mesures après le rejet par Israël de sa demande de participer à un parachutage d’aide à destination de Gaza.
« L’excuse ou la justification turque selon laquelle Israël n’autorise pas les parachutages n’est pas très convaincante, car la Turquie figure en bonne place sur la liste des pays qui fournissent une aide humanitaire à la bande de Gaza », a déclaré Lindenstrauss.
La Turquie et Israël ont normalisé leurs relations en 2022 en nommant à nouveau des ambassadeurs après des années de tensions. Mais ces liens se sont rapidement détériorés après l’assaut barbare du groupe terroriste palestinien du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre dernier, au cours duquel des terroristes ont tué près de 1 200 personnes et emmené de force 253 otages à Gaza, où près de la moitié d’entre eux sont toujours retenus.
Plus de 33 100 personnes seraient mortes à Gaza depuis le début de la guerre, selon le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. Tsahal dit avoir éliminé 13 000 terroristes palestiniens dans la bande de Gaza, en plus d’un millier de terroristes qui ont pris d’assaut Israël le 7 octobre.
À ce jour, 260 soldats israéliens ont été tués dans la bande de Gaza depuis le 27 octobre, début de l’incursion terrestre lancée en représailles à l’attaque barbare du Hamas menée le 7 octobre, et 604 au total depuis le 7 octobre.
La Turquie a déclaré que les sanctions commerciales resteraient en place à moins qu’Israël ne déclare aussitôt un cessez-le-feu. Dans le même temps, Israël achète plus à la Turquie qu’il ne lui vend, ce qui pourrait signifier que l’économie turque pourrait être plus durement touchée que celle d’Israël par ses propres actions.
La Turquie est la cinquième source d’importation d’Israël et son dixième marché d’exportation, selon les données du Bureau central des statistiques (CBS).
Toutefois, avant même le déclenchement de la guerre de Gaza, les échanges commerciaux avec la Turquie avaient commencé à décliner. L’année dernière, les exportations turques vers Israël se sont élevées à 5,4 milliards de dollars, contre 7,03 milliards de dollars en 2022, selon les données du ministère turc du Commerce. Ce chiffre fait suite à un volume d’exportation qui a plus que doublé au cours de la décennie précédente, malgré des relations diplomatiques longtemps tendues entre les deux pays. La Turquie achète à Israël des produits chimiques, des métaux et d’autres produits industriels qui font partie de ses industries du plastique, et de la peinture.
« Nous avons déjà constaté une baisse des niveaux commerciaux d’environ 30 % en 2023, par rapport à 2022, et notamment une baisse des exportations de matériaux de construction vers Israël, probablement en raison d’un ralentissement de l’économie israélienne et de l’incertitude causée par l’instabilité politique qui a également eu un impact sur le secteur de la construction », a déclaré Lindenstrauss.
Le professeur Ilan Alon, doyen de la Faculté d’économie du College of Management, estime que même si les prix sont susceptibles d’augmenter, l’économie sera globalement assez résistante pour faire face à tout type d’embargo turc.
« Toutefois, en tant que pays, nous devons réfléchir à ce que nous voulons fabriquer en Israël, à ce dont nous pourrions nous accommoder et à ce dont nous pourrions nous passer, et aux coûts que nous sommes prêts à supporter en tant que consommateurs », a déclaré Alon.
Dafna Kaplansky, responsable du commerce extérieur à l’Association des fabricants d’Israël, a déclaré que l’action de boycott de la Turquie illustrait la raison pour laquelle il est essentiel pour Israël de réduire sa dépendance à l’égard des importations.
« Il est très important, en période de routine et encore plus en période d’état d’urgence, qu’Israël dispose d’une industrie manufacturière locale forte et indépendante », a déclaré Kaplansky. « Nous considérons ce qui se passe comme un test pour le public israélien et les décideurs israéliens, qui doivent prendre les mesures nécessaires pour donner plus de pouvoir à l’industrie israélienne en achetant des produits israéliens plutôt que des produits moins chers dans les appels d’offres publics et en donnant la priorité aux usines locales. »
Israël dispose d’une cimenterie locale qui pourrait produire davantage si la demande augmentait, a-t-elle indiqué.
En réponse à la mesure unilatérale prise par la Turquie pour restreindre les exportations, le ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, a déclaré que le gouvernement travaillait sur une « liste élargie de produits supplémentaires qu’Israël empêchera la Turquie d’exporter » vers le pays. Israël a déclaré qu’il ferait appel aux pays et organisations pro-Israël pour réduire les investissements en Turquie et empêcher l’importation de produits turcs.
« La question de savoir comment réagir à l’action de la Turquie n’est pas seulement discutée en ce qui concerne les relations d’Israël vis-à-vis des exportations turques, mais la question est de savoir à quoi ressemblera la réponse d’Israël pour que d’autres pays ne suivent pas l’exemple de la Turquie », a noté Lindenstrauss.
Face à la pression politique interne, le fonds d’investissement souverain irlandais a annoncé au début du mois qu’il retirerait ses investissements dans les plus grandes banques israéliennes et à une chaîne de supermarchés en raison de leurs activités en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
McDonald’s Corp. a déclaré qu’elle allait racheter Alonyal, le propriétaire de 225 restaurants McDonald’s en Israël, qui ont été frappés par des appels au boycott en raison de la guerre contre le Hamas à Gaza. Les appels au boycott, qui, selon la chaîne de restauration rapide, ont nui aux ventes, ont été lancés après que les restaurants franchisés en Israël ont offert des milliers de repas gratuits aux soldats israéliens.
« Plus la guerre se poursuit et plus le nombre de victimes civiles à Gaza augmente, plus il sera difficile pour Israël de rester seul, économiquement, politiquement et diplomatiquement, mais Israël ne doit pas rester silencieux face à toutes ces attaques », a souligné Alon. « Nous devons faire comprendre aux autres pays que s’ils font du mal à Israël, il y aura des conséquences qui nuiront à leur économie. »
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