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L’engagement d’un Cambodgien envers les orphelins émeut des groupes juifs US

Impressionné par son travail pour sa communauté, après le génocide réalisé par les Khmers rouges, des donateurs juifs ont aidé Arun Sothea à financer un orphelinat et une école

Arun Sothea dirige un orphelinat au Cambodge avec l'aide d'organisations caritatives juives. Ici, il distribue des fournitures aux petites filles dans son village de Phum Thom (Autorisation : Arun Sothea)
Arun Sothea dirige un orphelinat au Cambodge avec l'aide d'organisations caritatives juives. Ici, il distribue des fournitures aux petites filles dans son village de Phum Thom (Autorisation : Arun Sothea)

PHUM THOM, Cambodge (JTA) — Arun Sothea est un homme frêle, à la voix douce. Il parle de manière simple et avec un soupçon de désinvolture lorsqu’il évoque les horreurs de son passé ainsi que ses réussites d’aujourd’hui – toutes survenues dans le même théâtre, celui de la maison dans laquelle il a passé son enfance, à Phum Thom.

Le règne brutal des Khmers rouges, de 1975 à 1979 – exécutions massives, travaux forcés, déplacements et famines – avait fait de Sothea, âgé maintenant de 46 ans, un orphelin. Alors petit enfant, Sothea se souvient des luttes pour pouvoir se nourrir sous les ordres de ce régime communiste ultra-nationaliste. Il se rappelle avoir été frappé puis emprisonné pour avoir attrapé un poisson dans un étang.

A la fin de l’année 1978, quand les Khmers rouges avaient commencé à perdre du territoire et à se retirer dans la jungle dense et humide du Cambodge, Sothea, qui avait alors neuf ans, avait parcouru presque 250 kilomètres pour rejoindre Phum Thom depuis le camp de travaux forcés où il avait été incarcéré.

Mais à son retour, il n’y avait plus personne. Les Khmers rouges avaient tué les 36 membres de sa famille.

Il était alors parti pour Phnom Penh, la capitale du Cambodge, délabrée à ce moment-là, et il avait vécu pendant des années dans les rues.

Mais aujourd’hui, avec l’aide de contacts occidentaux – parmi lesquels des organisations humanitaires juives – Sothea a finalement ouvert un orphelinat à Phum Tom, ainsi qu’une école secondaire et une clinique en plus de son travail à plein-temps en tant que directeur de Sovann Komar, un orphelinat à but-non lucratif qu’il a fondé et qui maintenant accueille presque 60 enfants à Phnom Penh.

Pendant son temps libre, Sothea s’occupe de ce qu’il appelle « son projet » – un autre orphelinat qui prend en charge environ deux douzaines d’enfants à Phum Thom – tout en supervisant fréquemment la clinique médicale et l’école secondaire dont il a aussi assuré le financement, souvent avec l’aide d’organisations juives variées.

« En 2006, un groupe de Juifs américains est venu visiter le Cambodge », se souvient Sothea. « Ils avaient entendu dire que je faisais beaucoup de choses pour aider à reconstruire la communauté cambodgienne après le génocide, et ils sont venus me voir ».

Depuis cette année-là, l’orphelinat est soutenu par l’association Jewish Helping Hands, une organisation à but non-lucratif dirigée par Joel Soffin, un ancien rabbin qui a exercé dans le New Jersey et dans le Connecticut.

« Alors que je faisais la Shiva pour mon frère en 2006, j’ai lu un article de Nicholas Kristof dans le New York Times qui encourageait à construire des écoles au Cambodge pour permettre aux filles d’échapper plus tard à la prostitution », raconte Soffin dans un courriel.

« J’ai collecté de l’argent pour construire une telle école à sa mémoire puis je suis allé là-bas avec 25 personnes pour son inauguration », ajoute-t-il.

Soffin indique avoir entendu parler pour la première fois du travail de Sothea de la bouche de Jeremy Hockenstein, directeur-général et cofondateur de Digital Divide Data, qui avait créé une fondation à but non-lucratif – appelée Follow Your Dream – qui avait assuré le transfert des fonds à Sothea.

« Honnêtement, je ne sais rien de la religion juive », explique Sothea. « Mais je sais que des millions de Juifs ont été tués pendant la Seconde Guerre mondiale et ça a été la même chose au Cambodge – des millions de Cambodgiens ont été torturés et tués sous le régime des Khmers rouges. Ces amis sont désolés pour mes parents qui ont été assassinés par le régime génocidaire. Ils apportent leur soutien à ce que je fais pour venir en aide à mon village », ajoute-t-il.

« En tant que Bouddhistes, nous sommes ouverts à toutes les religions qui peuvent aider l’humanité, sans racisme et indépendamment de la confession », poursuit-il.

L’orphelinat compte deux dortoirs, un pour les petits garçons et un autre pour les petits filles (des dortoirs sans lits, les enfants dorment sur des matelas rembourrés posés à même le sol), un terrain de football poussiéreux, une salle de classe et une bibliothèque complétée par quelques ordinateurs Microsoft (même s’ils ne sont pas reliés à internet).

L’orphelinat à Phum Thom compte deux dortoirs séparés, une classe et une bibliothèque (Crédit : Charles Dunst)

Et tandis que les orphelins, contrairement à un grand nombre de leurs camarades de classe, ne disposent pas de motos « de luxe », ils ont des vélos pour se rendre à l’école qui est située à proximité.

La journée d’école, au Cambodge, se divise largement entre la matinée et l’après-midi, ce qui laisse le temps aux enfants d’aider leurs familles en gagnant de l’argent – ce qui signifie souvent travailler dans la ferme familiale. Mais les orphelins de Sothea exploitent ces heures de « loisir » pour apprendre l’anglais.

Les orphelins, petits enfants et adolescents, viennent de différents endroits du pays qui reste l’un des plus pauvres de toute l’Asie.

Quand j’ai visité le complexe, les orphelins, pleins de vie, ont été heureux d’avoir l’occasion de pratiquer l’anglais – et n’ont pas manqué de saluer mon niveau médiocre en khmer.

Mais les problèmes psychologiques, en particulier la dépression, sont importants parmi les adolescents, dit Sothea. Et pourtant, le foyer que ce dernier a créé pour les recueillir se distingue nettement de la majorité des orphelinats au Cambodge.

Sothea a également obtenu des fonds de l’organisation Jewish Helping Hands pour l’école secondaire – dont le village manquait auparavant – qui est fréquentée par de nombreux orphelins. Le groupe JHH note sur son site internet avoir alloué des milliers de dollars aux projets de Sothea.

« JHH a payé les coûts de construction de l’école et fait des dons annuels pour permettre de conserver l’établissement à un niveau élevé », dit Soffin à JTA dans son courriel. « Arun contrôle l’école pour moi de temps en temps ».

Lors de ma visite, Sothea m’a dit que Soffin effectuait des contrôles réguliers, s’assurant du bon état des ordinateurs Microsoft utilisés par l’école.

Hockenstein, « moi-même et nos donateurs soutenons les enfants d’Arun depuis plus de 10 ans, certains sont déjà à l’université après avoir quitté le lycée », explique Soffin. « Il reste aujourd’hui 27 enfants dans le groupe. Nous continuerons à leur venir en aide à tous, avec Jeremy, jusqu’à l’obtention d’un diplôme ».

Plaque commémorative au Cambodian Genocide Museum, en octobre 2016 (Crédit : Kelly Watson)
Des élèves cambodgiens prennent part à un spectacle lors de la « journée annuelle de commémoration » au mémorial des Champs de la mort de Phnom Penh, le 20 mai 2019 on May 20, 2019. (TANG CHHIN Sothy / AFP)

Sothea a encouragé plus tard Soffin et d’autres à revenir au village et à aider à construire une bibliothèque pour l’école élémentaire et le collège.

« Neuf d’entre nous y sommes allés et JHH a payé tous les coûts de la construction », explique Soffin. « Nous prévoyons d’y retourner au mois de décembre pour améliorer le plafond et le sol ».

Sothea a également trouvé des financements pour une clinique médicale dans sa ville natale, remédiant à un autre manque à Phum Thom.

La Harold Grinspoon Foundation, organisation humanitaire juive basée à Agawam, dans le Massachusetts, soutient également l’éducation et la santé au Cambodge. Par le biais de Sothea, qui a été un coordinateur de terrain, la fondation a soutenu presque 70 orphelinats au début des années 2000.

Mary Anne Herron, directrice des projets particuliers de l’organisation, s’est rendue une première fois à Phum Thom en 2002 où elle a rencontré Sothea, certains enfants et femmes du village. Elle y est retournée ensuite l’année suivante et elle a fondé la Fondation de la clinique médicale cambodgienne dont elle est depuis la directrice.

« Je suis retournée voir les femmes que j’avais vu la première fois quand je suis revenue dans le village. Lors d’une rencontre, je leur ai demandé ce que je pouvais faire pour elle », explique Herron dans un courriel adressé à JTA. « Elles m’ont répondu, lors de cette réunion, qu’il n’existait pas de structure médicale pour venir en aide aux mères qui venaient d’avoir d’accoucher – et que les mères mourraient et leurs enfants aussi ».

« La seule aide dont elles bénéficiaient était celle d’une sage-femme qui les aidait avec une aiguille, du fil, une bougie et une paire de ciseaux », écrit-elle.

Réagissant à ces conditions dures, Herron a d’abord aidé à collecter la somme de 12 000 dollars pour construire la clinique.

Et le projet est alors rapidement devenu populaire – les patients qui se rendent à l’établissement sont bien plus nombreux que cela n’avait été initialement prévu – et Herron a soulevé 18 000 dollars supplémentaires pour construire une petite maternité séparée pour les femmes en 2008.

Si 10 000 dollars sur le montant total ont été versés par Grinspoon, Herron confie qu’elle a payé le reste de sa propre poche.

C’est Sothea qui « a pris en charge toute la logistique pour la construction de la clinique », dit-elle. « Une fois encore, Arun a été responsable de l’édification de la maternité ». (Herron déclare à JTA que Sothea lui a aussi permis de donner des filtres à eau à plusieurs familles sur les centaines qui résident aux abords du village, et qu’elle continue à le faire par le biais de son Rotary club local).

Des enfants cambodgiens travaillent sur des ordinateurs financés par le groupe Jewish Helping Hands. (Autorisation :Arun Sothea)

Sothea est parvenu, grâce à des sources variées, à financer la clinique jusqu’en 2017. Mais suite à une répression mise en place par le gouvernement autoritaire du Cambodge, les dons venus de l’étranger se sont asséchés.

Sothea a confié l’hôpital au gouvernement cette année-là. La clinique, selon ses personnels, reçoit dorénavant des médicaments fabriqués en Chine qui sont moins efficaces que ceux qui leur étaient fournis dans le passé, qui venaient de Thaïlande.

Le choléra est le plus gros problème, ajoutent-ils, parce que les populations n’ont pas accès à l’eau potable et qu’elles boivent l’eau des étangs et des rivières.

Mais même si la clinique doit se battre, elle offre néanmoins des services auparavant inexistants à Phum Thom.

De même, et malgré les revers, la réussite de Sothea reste aussi remarquable qu’improbable. En 1988, il avait quitté son village natal qui était selon lui « pas sûr » – le gouvernement recrutant des soldats pour combattre les Khmers rouges qui n’avaient pas encore été vaincus – pour Phnom Penh.

Il avait fait les poubelles et nettoyé des véhicules pendant quelques années avant de devenir en 1998 le directeur pour le pays de l’organisation Arts vivants du Cambodge, qui se consacrait à préserver la culture artistique qui avait été écrasée sous les Khmers rouges.

Il avait assumé ce poste jusqu’en 2003, quand la World Learning Foundation lui avait accordé une aide financière pour poursuivre ses études aux Etats-Unis, d’abord dans le Vermont puis à l’université de Columbia.

Après être revenu au Cambodge, au milieu des années 2000 – avec l’aide de feu l’héritière Elizabeth Ross Johnson qu’il avait rencontré lorsqu’il travaillait au sein de l’organisation des Arts vivants du Cambodge – il avait alors établi l’orphelinat de Sovann Komar.

Sothea et son épouse ont deux fils biologiques et ils s’occupent personnellement de sept orphelins.

Alors qu’il prête principalement attention à son emploi à plein-temps à Sovann Komar, il réussit à trouver du temps pour ses projets à Phum Thom, majoritairement à cause des orphelins.

« J’adore les orphelins parce que j’en ai été un moi-même », dit-il à JTA. « Je comprends ce dont les enfants ont besoin : l’amour ».

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