Léon Gautier, le dernier héros français du Débarquement de 1944
Le dernier des 177 Français à avoir débarqué en Normandie continue, à 98 ans, à se battre pour la paix et la mémoire de ses camarades, il commémorera l'Appel du 18 juin avec Macron
Le dernier des 177 Français à avoir débarqué le 6 juin 1944 en Normandie Léon Gautier continue, à 98 ans, à se battre, humblement, pour la paix et la mémoire de ses camarades. Il commémorera vendredi l’Appel du 18 juin au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine) avec Emmanuel Macron.
« J’y serai », a confirmé jeudi matin à l’AFP l’ancien fusilier marin. Le temps passe mais Léon Gautier ne rate jamais une occasion, coiffé de son béret vert, d’inviter la jeunesse à « se battre pour la paix », comme le 6 juin dernier lors des commémorations du Jour J à Ouistreham (Calvados).
Ce grand officier de la Légion d’honneur vit dans cette commune, voisine de celle où il a débarqué, Colleville-Montgomery.
« Le 6 juin, on a libéré 1,8 km de plage et on a parcouru 19 km dans la journée. Puis on a passé 78 jours et 78 nuits en première ligne dans une tranchée », expliquait en mai 2014 juste avant les célébrations du 70e anniversaire du Débarquement cet homme toujours accueillant.
Léon Gautier n’a jamais oublié le « copain », tombé ce jour-là à quelques mètres de lui, « le haut de la tête arraché » durant une contre-offensive allemande, comme il l’avait raconté à une journaliste de l’AFP qu’il avait reçue chez lui.
Admirateur de Churchill
Et pourtant, au lendemain de la guerre, « j’ai été démobilisé sans un sou, sans rien. Tous les Français libres étaient dans la même situation », confiait sans amertume celui qui s’était engagé dans la Marine française en février 1940.
A 17 ans, sous l’influence notamment d’une famille « anti-boches » qui avait perdu certains des siens durant la Première Guerre mondiale, il avait rallié Londres et de Gaulle en juillet, après l’Armistice, avant d’aller se battre au Cameroun, au Congo, en Syrie, au Liban.
En 1945, « je n’ai plus retrouvé en France la grande solidarité de ma jeunesse (…) C’était chacun pour soi. Ceux qui avaient travaillé avec les Allemands avaient la petite combine du marché noir. Ils y arrivaient », se remémorait Léon Gautier.
Né le 27 octobre 1922 à Rennes dans une famille modeste, il commence à travailler à 13 ans comme carrossier, « à l’époque de la semaine de 48 heures et sans congés payés ».
Après la guerre, il retourne en Angleterre avec son épouse Dorothy rencontrée outre-Manche, pour sept ans, travaille plus de « 60 heures par semaine », revient en France et repart comme chef d’atelier, pendant sept ans encore, en Afrique, avant un accident qui le ramène au pays. Il est alors plâtré du cou aux pieds.
Là, ce père de deux enfants qui a toujours « adoré les Anglais » et admiré Churchill – « qui n’a pas lâché le morceau » – passe à 38 ans un examen pour devenir expert automobile.
L’ami d’un vétéran allemand
« Partir de zéro en 1945 m’a obligé à me battre un peu partout pour vivre. J’ai une petite maison à moi, gagnée à la sueur de mon front. J’y suis heureux. Je n’ai pas besoin d’un château », précisait l’ancien combattant au regard incisif sur le monde.
Installé à Ouistreham dans les années 1990, Léon Gautier se bat inlassablement, « pour la paix » et pour la mémoire de ses camarades, d’écoles en commémorations.
« La paix, faut pas la reperdre. Dans ses choix, il faut être très vigilant. Les Allemands ont suivi Hitler comme des moutons de Panurge. Ça peut nous arriver », proclamait celui qui était devenu l’ami de Johannes, un vétéran allemand de la bataille de Normandie, installé comme lui à Ouistreham.
Lors du 70e anniversaire du Débarquement, les deux hommes s’étaient étreints avec émotion. Johannes Börner s’est éteint en 2018.
En septembre 2020, Léon Gautier s’est opposé, tout comme les descendants des autres membres du commando Kieffer, à un projet de site immersif sur l’histoire du Débarquement et de la bataille de Normandie, rejetant fermement, dans une tribune publiée dans Le Monde, tout « D-Day land ».