Les 23 Mds de $ proposés par Google pour le rachat de Wiz stimuleront-ils les perspectives locales ?
Alphabet serait en "pourparlers avancés" avec la licorne cybernétique, qui pourrait être la plus importante acquisition technologique israélienne et une manne fiscale en temps de guerre
Pour Waze, l’essentiel a été de se trouver au bon endroit, au bon moment, lorsque le géant des moteurs de recherche Google s’est emparé de l’application de navigation d’origine israélienne il y a de cela plus de dix ans.
On pourrait dire la même chose de la possible prise de contrôle, pour un montant de 23 milliards de dollars, de la licorne cybernétique Wiz, fondée en Israël, au moment où les besoins en solutions de cyber-sécurité croissent de manière phénoménale.
Si la société mère de Google, Alphabet, parvient à finaliser l’accord, il pourrait s’agir là de la plus importante vente d’une pépite technologique israélienne, après celle de Mobileye, développeur de systèmes avancés de vision et d’aide à la conduite basé à Jérusalem, par le géant américain Intel Corp pour 15,3 milliards de dollars en 2017.
Du côté du géant des moteurs de recherche Google, il s’agirait de la plus importante acquisition, pour un montant deux fois supérieur à celui de son acquisition record de Motorola Mobility – 12,5 milliards de dollars en 2012.
Pour Israël, ces pourparlers en vue du rachat par un géant américain de la société Wiz, fondée en Israël, surviennent alors que le pays en est au dixième mois d’une guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas commencée le 7 octobre dernier, lorsque des milliers de terroristes se sont introduits en Israël pour y assassiner près de 1 200 personnes, essentiellement des civils, et prendre des otages de tous âges, séquestrés à Gaza.
Si l’accord était finalisé, il consolidera encore l’engagement de Google à développer des technologies de pointe en Israël – puissance clef en matière de cyber-sécurité – et scellerait durablement sa présence dans le pays.
Les perspectives technologiques d’Israël, sur la scène mondiale, ont été pour le moins malmenées ces dix-huit derniers mois, que ce soit en raison des soulèvements politiques contre la très controversée refonte du système judiciaire, début 2023, ou de la guerre qui se poursuit. Ces événements ont un impact direct sur les investisseurs étrangers qui hésitent à placer leurs fonds en Israël, d’autant plus que leur appétence pour le risque a sensiblement diminué.
« Ce possible accord est un vote de confiance en faveur d’Israël et du secteur high-tech israélien, particulièrement en cette période difficile de guerre », a expliqué le PDG de l’Autorité de l’innovation israélienne, Dror Bin, au Times of Israel.
« C’est un signal très important pour les autres multinationales et les investisseurs étrangers que, malgré la guerre et tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, les entreprises israéliennes continuent de travailler, de croître et de créer de la valeur. »
Pour l’heure, il reste encore aux actionnaires de Google et de Wiz à se mettre d’accord. Une fois finalisée, l’acquisition sera soumise à l’approbation des autorités antitrust et réglementaires américaines.
Wiz a été co-fondée, début 2020, par Assaf Rappaport, Yinon Costica, Ami Luttwak et Roy Reznik, la même équipe qui avait fondé la société Adallom, revendue à Microsoft pour 320 millions de dollars en 2015. Ils ont également dirigé le groupe de sécurité en cloud de Microsoft Azure.
La valeur de cette licorne cybernétique est estimée à 12 milliards de dollars, après une dernière levée de fonds d’un milliard de dollars en mai dernier. On trouve dans sa clientèle 40 % d’entreprises du Fortune 100, telles que Slack, Mars, BMW, DocuSign, Plaid et Agoda.
« Un géant de la technologie comme Google, déjà bien implanté en Israël, avec pas moins de 2 000 employés, va davantage s’enraciner en Israël avec l’acquisition de Wiz », a estimé Bin.
« Reprenons la dernière cession en date de ces mêmes entrepreneurs : la société [Adallom] qu’ils ont revendue à Microsoft est devenue le cœur d’un très important centre de R&D en matière de cyber-sécurité en Israël. »
« La même chose va sans doute se produire avec Google et, en supposant que cette activité continue de croître au rythme – phénoménal – actuel, ils auront besoin de beaucoup de personnels en Israël », a-t-il ajouté.
Wiz, qui se targue de pouvoir sécuriser tout ce que les développeurs construisent et exécutent dans le cloud, a été créée au moment où la pandémie de COVID-19 gagnait le monde entier, forçant entreprises et personnels à travailler en ligne, avec un énorme mouvement de migration vers des serveurs basés sur le cloud. De son côté, Google cherche à améliorer son activité de cloud computing – Google Cloud –, très concurrencée par l’unité Azure de Microsoft et AWS d’Amazon.
Même si Wiz est techniquement une entreprise américaine puisque sa société mère et ses droits de propriété intellectuelle sont enregistrés aux États-Unis, pour Bin, elle n’en est pas moins une brillante success story israélienne.
« Derrière cette start-up, il y a de l’ADN israélien, des entrepreneurs et des dirigeants – toute la créativité et l’audace des dirigeants israéliens, ce qui en fait, pour moi, une entreprise israélienne », revendique Bin.
« Par ailleurs, un grand nombre d’employés travaillent en Israël, et le cœur technologique de l’entreprise se trouve en Israël. Donc, à bien des égards, il s’agit d’une entreprise israélienne. »
Dans la mesure où les fondateurs de Wiz sont des ressortissants israéliens et que certains investisseurs sont eux-mêmes installés en Israël, les caisses du pays devraient bénéficier de cette manne en cas d’accord. La start-up emploie 900 personnes, dont 150 au moins travaillent actuellement en Israël.
La liste des investisseurs de Wiz comprend les fonds de capital-risque Andreessen Horowitz, Lightspeed Venture Partners, Cyberstarts, Index Ventures, Salesforce Ventures et Sequoia Capital, ainsi que des investisseurs privés et entrepreneurs, tels Bernard Arnault ou encore le fondateur de Starbucks, Howard Schultz.
« Le gouvernement va bénéficier d’importantes recettes fiscales grâce à cette vente, pour autant qu’elle se confirme, que ce soit au travers de ses propriétaires, de ses investisseurs ou de ses employés en Israël, qui tous paient des impôts », a poursuivi Bin. « Mais dans la mesure où le gouvernement israélien fait face à un très net déficit à cause des dépenses de guerre, cet accord ne va pas à lui seul régler nos difficultés économiques. »
« Ce n’est pas la solution miracle qui va renflouer les caisses, et le gouvernement va devoir prendre des décisions difficiles pour lutter contre le déficit et aider l’industrie », a-t-il fait remarquer.
Google a des activités de R&D en Israël depuis 2005 et emploie près de 2 000 personnes à Haïfa et Tel Aviv, qui travaillent sur l’apprentissage automatique, l’intelligence artificielle (IA), le traitement du langage naturel, les réseaux cloud et la perception automatique, sans oublier les ventes et le marketing.
Ces dernières années, le géant du secteur high-tech a racheté ou investi dans plusieurs entreprises et start-ups israéliennes, comme il l’a fait avec l’application de navigation Waze, pour un milliard de dollars, avec la société de détection des menaces Siemplify, la société de stockage dans le cloud Elastifile, la société de cyber-sécurité Cybereason ou encore la société de migration de données Alooma.
Même si l’accord entre Google et Wiz ne se concrétisait pas, alors qu’il reste encore quelques étapes à franchir, les discussions et l’intérêt suscités par les technologies israéliennes devraient donner l’impulsion nécessaire à la conclusion d’autres accords, malgré tous les défis posés par la guerre, selon Bin.
« Les multinationales ne viennent pas en Israël par sionisme », a assuré Bin. « Elles viennent parce qu’elles y trouvent d’excellentes opportunités d’affaires et un remarquable vivier de talents – la guerre n’y change rien. »
« Cependant, comme dans tout autre secteur, lorsqu’il y a de l’incertitude, les gens ont tendance à être attentistes et à reporter leurs décisions d’investissement, mais lorsqu’ils voient quelqu’un faire preuve d’audace, c’est de nature à les inciter à passer à l’étape suivante », a-t-il conclu.
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