Les adieux (à peine triomphants) de Netanyahu à Obama
Alors qu’il fait ses adieux mercredi au président, le Premier ministre se considère conforté sur les deux points sur lesquels ils divergent : les Palestiniens et l’Iran. Et à l’inverse d’Obama, il dirigera son pays dans un futur proche
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Mercredi à New York, Barack Obama recevra le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour la dernière fois de son mandat.
Vous pouvez être certains que cette rencontre sera amicale, avec tout de même une touche de résignation. Ces deux dirigeants super-éloquents, super-confiants, qui, contre toute attente, ont chacun remporté leurs élections, ont depuis longtemps accepté l’idée qu’ils divergent dans leur vision du monde, et qu’ils ne changeront pas l’autre.
Ils vont parler chaleureusement du lien indissoluble entre nos deux pays. Netanyahu remerciera ensuite Obama pour la dernière preuve tangible de ce lien : les 38 milliards de dollars investis dans la défense d’Israël.
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De son côté, Obama mettra sans aucun doute l’accent sur la valeur de l’enveloppe financière, qui est au service des intérêts de l’Amérique grâce à un Israël fort dans un Moyen Orient hostile. Ils seront tous les deux très sincères. L’alliance américano-israélienne est en effet robuste, et mutuellement cruciale, voire existentielle en ce qui concerne Israël.
Mais les années Obama – Netanyahu ont été des années d’opportunités ratées, d’une certaine manière, inévitablement, au vu de leurs divergences, et malheureusement pour nos deux pays et leurs causes communes. Nous sommes réellement des alliés dans la bataille la plus basique : tenter de garantir et d’élargir la liberté des peuples, tenter de marginaliser et de neutraliser ceux qui célèbrent la mort. Les États-Unis et Israël, combattant le même combat, auraient pu accomplir davantage si Obama et Netanyahu s’étaient mieux entendus, s’ils s’étaient faits davantage confiance, et s’ils avaient réussi à surmonter leurs différences plus efficacement.

L’actualité semble donner raison à la conviction de Netanyahu selon laquelle, dans notre partie du monde et au-delà, seuls les forts survivent, et ce en dépit des stratégies plus conciliatoires d’Obama. Le monde musulman, malgré des efforts constants de la part du président, ne s’est pas adouci. Ses modérés ne se sont pas galvanisés au point de noyer les extrémistes. La non-intervention en Syrie a permis à Bashar el-Assad de continuer à massacrer son peuple par centaines de milliers, transformant le pays en une anarchie sanglante, dans laquelle chaque groupe de tueurs vicieux cherche à surpasser l’autre dans sa brutalité.
Les États-Unis, ainsi que la majorité de l’Europe, doivent maintenant mener un combat contre une recrudescence du terrorisme. Les historiens jugeront à quel point cette recrudescence peut-être imputable à cette décision de ne pas intervenir en Syrie, et au flot de réfugiés, parmi lesquels se cachent des extrémistes, qui s’en est suivi. Lamentablement, l’Occident sous l’égide d’Obama est en train d’apprendre la vérité de cet aphorisme sur le Moyen Orient, selon lequel ce dernier est l’invité qui ne rentrera pas chez lui, même si vous essayez vraiment de l’ignorer.
Pendant ce temps, l’Iran, bien qu’autorisé à conserver une partie de son programme nucléaire voyou, selon l’accord conclu l’an dernier, n’a aucunement progressé vers le monde libre, ni vers les valeurs du monde libre. Au contraire. Ses dirigeants fustigent quotidiennement les États-Unis, continuent à vouloir détruire Israël, déclenchent le chaos dans la région, oppressent leur peuple. La tyrannie habituelle, en somme. Et désormais, le pays peut gentiment attendre la clause de suspension de l’accord nucléaire, et chercher la bombe.
Selon ses alliés de longue date dans cette partie du monde, l’Amérique d’Obama a tourné, a ouvert ses portes à la résurgence russe, a été prise de vitesse par l’Iran. Les pays tels que l’Arabie Saoudite et l’Egypte perçoivent donc Israël comme le deuxième meilleur, le deuxième plus fort. Un général saoudien s’est rendu à Jérusalem il y a quelques semaines. Il a rencontré le directeur général du ministère des Affaires étrangères ainsi qu’un haut responsable de l’armée israélienne au King David Hotel. Il a diffusé une photo de lui et de sa délégation avec un groupe de députés israéliens. Juste une conséquence publique, encore impensable il y a peu, de cette peur de l’Iran qui saisit la région, et qui a créé ces dépendances accrues avec Israël.

Je ne pense pas que la plupart des Israéliens croient qu’Obama ait jamais voulu nuire à Israël. Je ne pense vraiment pas que c’est ce qu’il voulait. Mais je pense que la plupart des Israéliens, et j’en fais partie, croient qu’il a instamment refusé d’intérioriser certains des défis posés par la région et que ce très petit pays affronte.
Lui et son secrétaire d’État sont convaincus que nous pouvons nous permettre de prendre le risque d’un retrait de Cisjordanie. Ça n’est tout simplement pas crédible. Nous devons être en mesure de nous protéger des terroristes et des extrémistes dans les régions palestiniennes, et des défis – connus et imprévisibles – des pays voisins. Une enveloppe protectrice sophistiquée ne peut pas remplacer la liberté d’opération de l’armée et de l’appareil sécuritaire israéliens.
Le raisonnement de Netanyahu, au plus fort de la guerre contre le Hamas il y a deux ans, que l’expérience de Gaza prouve les dangers de l’infiltration des ennemis via les tunnels souterrains, et des tirs de roquettes des territoires adjacents évacués est convaincant. La capacité en missile massive du Hezbollah, déployée le long de la frontière libanaise, de laquelle nous nous sommes retirés sous les applaudissements internationaux il y a 16 ans, souligne l’argument. Si Israël avait fait ce qu’Obama et Kerry nous avaient suggéré, si nous avions renoncé à davantage de contrôle, nous ferions aujourd’hui face à une guerre terroriste d’une toute autre ampleur.
Une plus grande volonté de la part d’Obama et de son administration à reconnaitre certains de ces dangers aurait pu créer une confiance plus profonde avec Netanyahu, et aurait pu l’encourager à prendre davantage de risques dans sa politique intérieure, et à travailler encore plus dur pour promouvoir un meilleur climat politique et économique en Cisjordanie. Un Obama plus empathique et plus mesuré à propos des dangers que nous affrontons aurait eu plus de succès dans sa tentative de, par exemple, décourager le Premier ministre de construire des logements pour les juifs en Cisjordanie en dehors des blocs d’implantations.
Une administration américaine prête à faire le distinguo entre les constructions au-delà de la Ligne Verte dans les quartiers de Jérusalem et dans les blocs d’implantations d’une part, qui reçoivent un large soutien de la part des Israéliens, et d’autre part, les constructions dans les implantations isolées, qui sont bien moins soutenues, et sont bien plus préjudiciables aux perspectives géographiques et pratiques d’un État palestinien, aurait pu faire davantage de progrès dans ce qui est considéré, à juste titre, comme le projet vital de la solution à deux états, le seul projet qui garantit notre futur à long terme en tant qu’État juif et démocratique.
Au lieu de cela, toutes les constructions réalisées en dehors des lignes de 1967 ont été méthodiquement condamnées, et ces condamnations ont été méthodiquement ignorées.

Derrière les sourires, les poignées de mains, et les formules de politesse, Obama quittera la Maison Blanche, en pensant toujours que Netanyahu est un entêté, un arrogant, un pessimiste, qui a eu le culot de le sermonner dans le Bureau ovale et de s’opposer à lui au Congrès, et qui fait du mal à Israël en n’encourageant pas la possibilité d’une conciliation avec les Palestiniens.
Et Netanyahu s’en ira, contrarié par l’accord dangereux conclu par le président avec l’Iran, après avoir prétendu, à tort, qu’aucun accord ne conviendrait à Israël, et plus récemment, avoir affirmé de manière assez invraisemblable que les responsables de la sécurité en Israël soutenaient désormais cet accord.
Netanyahu s’en ira, contemplant l’ironie de la critique de John Kerry sur l’apparente incapacité d’Israël à cibler avec précision les terroristes dans la bande de Gaza, lors de cette gaffe ignoble du micro, il y a deux ans, alors que les États-Unis tuent par erreur des dizaines de soldats mal identifiés et frappent des cibles non prévues dans leur lutte contre l’État islamique.
Netanyahu s’en ira, conscient qu’Obama, le président qui avait promis le changement, terminera son mandat avec un électorat américain tellement assoiffé de changement qu’il est prêt à élire l’inexpérimenté et intolérant Donald Trump, pour un nouveau leadership et une nouvelle philosophie.
Plus concrètement, alors qu’Obama préparera bientôt sa vie d’ex-président, Netanyahu partira de leur rencontre à New York en ayant toujours la responsabilité de protéger son pays dans un futur proche.
Quiconque viendra après conviendra très bien, se dira probablement Netanyahu, lorsqu’il fera ses adieux au président. Et aussi, avec un air plutôt satisfait, et peut-être même un peu triomphant, il se dira aussi « je suis bien content que tout cela se termine. »
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