Les Arabes israéliens déplorent un manque de personnel médical arabophone
Avec seulement 2,7 % des psychologues cliniciens d'Israël étant des natifs arabophones, et alors que la demande de soins augmente, peu dans la communauté achèvent le cursus d'études difficile
Les Arabes en Israël souffrent d’un grave manque de professionnels de la santé mentale qui peuvent parler leur langue, ont déclaré cette semaine des experts et des responsables gouvernementaux.
Le million et demi de citoyens arabes d’Israël représente 20 % de la population de l’État. Pourtant, seulement 2,7 % (175 au total) des psychologues cliniciens enregistrés du pays sont des arabophones de naissance.
Cela a conduit à une crise dans la communauté arabe dans laquelle les personnes ayant désespérément besoin de soins, y compris celles qui peuvent être suicidaires, pourraient finir par attendre jusqu’à un an et demi pour un traitement.
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Contrairement à la médecine physique, les soins psychologiques exigent souvent du soignant qu’il soit linguistiquement et culturellement adapté au patient.
« Vous ne pouvez pas appeler cela un manque. Il s’agit d’une absence complète », a déclaré la députée controversée de la Liste arabe unie liste Hanin Zoabi au Times of Israel.
Zoabi, qui travaille sur la question depuis des années, fait valoir que plusieurs facteurs sont responsables de la situation actuelle, notamment le fait que seul un petit pourcentage (4 %) des étudiants en psychologie sont arabes. En outre, elle a soutenu que la compétition pour les stages est trop élevée, seuls 10 % étant acceptés.
L’élue arabe dit qu’une telle politique ne tient pas compte de la nécessité urgente d’accroître le nombre de psychologues arabes. Elle préconise un système qui permettrait aux candidats arabes qui ne seraient pas dans les 10 % les meilleurs d’obtenir des stages. Une manière similaire de fonctionner aux États-Unis.
La députée a également affirmé qu’il y a trop peu de cliniques dans les localités arabes pour fournir assez de stages en langue arabe et qu’il n’y a pas assez de bourses d’études pour les Arabes dans le domaine.
Idit Saragusti, coordinatrice du département de la santé mentale à l’association israélienne pour les droits de l’Homme Bizchut, a fait valoir que le problème est aussi compliqué du fait de son apparition soudaine.
Suite à une importante réforme nationale en 2012 qui a ajouté les soins de santé mentale à la médecine publique, alors que, dans le même temps, plus de cliniques de santé locales étaient créées dans les villes arabes, il est soudainement devenu clair qu’il y avait une pénurie de psychologues arabes, a expliqué Saragusti.
De plus, maintenant que les soins de santé mentale sont devenus un service public, certains étudiants en médecine sont devenus plus réticents à entrer sur le marché devenu moins lucratif, optant plutôt pour une spécialité médicale adaptée à la pratique privée.
Cela a rendu plus difficile de trouver de jeunes Arabes prêts à s’embarquer pour ce long cursus pour devenir psychologue clinicien, ce qui prend 10 à 12 ans, selon Saragusti.
Le ministère israélien de la Santé est conscient de la pénurie.
Le ministère a organisé en février une table ronde, qui comprenait des représentants du Conseil de l’enseignement supérieur, des universités, des hôpitaux psychiatriques, des ministères des Finances et de l’égalité sociale, ainsi que de cliniques.
Selon le porte-parole du ministère de la Santé, au cours de la réunion, plusieurs recommandations ont été faites pour augmenter le nombre d’Arabes dans les professions de la santé mentale.
Ces recommandations, qui vont de pair avec les critiques de Zoabi, sont : Accroître la sensibilisation du problème pour les étudiants avant qu’ils ne commencent leurs études, en s’assurant que les thérapeutes « aient la capacité culturelle pour servir le secteur arabe » ; augmenter le nombre de personnes admises dans les cursus de psychologie ; prévenir les abandons ; et augmenter le nombre de bourses et de stages pour les Arabes allant sur le terrain.
Un total de 17 bourses a été accordé à des Arabes pour devenir des psychologues cliniciens depuis le mois de janvier, selon le ministère de la Santé.
Malgré le tabou, « plus de 100 % » des patients restent en thérapie
Dr. Katnany Auad, psychiatre principal à l’hôpital Soroka de Beer Sheva et directeur de la clinique de soins de santé psychiatrique de la ville majoritairement bédouine de Rahat, a déclaré que la stigmatisation des soins de santé mentale continue d’exister dans la société arabe, tant chez les patients potentiels que chez les futurs médecins.
« La culture leur enseigne qu’ils sont des médecins pour les fous », dit Auad, ajoutant que même ses amis traitent parfois sa profession avec mépris.
Ce tabou, admet Auad, est plus prononcée dans les communautés bédouines les plus pauvres du Néguev que dans les communautés arabes du Nord.
Bien que le tabou reste, d’après Auad, depuis qu’il a commencé à travailler en 2010 à l’hôpital et a commencé à essayer de contrer la stigmatisation dans la communauté bédouine locale, le nombre de patients arabes a considérablement augmenté, tout comme le nombre de ceux qui poursuivent leur traitement.
Alors que seulement un tiers des patients poursuivaient leur traitement auparavant, aujourd’hui, dit le psychiatre, plus de 100 % poursuivent le processus.
« C’est plus de 100 % », dit Auad, le seul psychiatre parlant arabe à son hôpital, « parce que si 16 personnes sont sur la liste pour un traitement en une seule journée, 17 ou 18 se présentent au cabinet ».
Quant aux stagiaires, Auad dit que son bureau en a reçu deux nouveaux pour des soins psychiatriques aux enfants il y a quatre mois. Il ajoute que dans le sud d’Israël, plutôt que de manquer de place pour les stagiaires arabes, on cherchait des étudiants pour combler les espaces vides.
Le problème, peut-être plus que la stigmatisation, selon Auad, est qu’il n’est pas rentable d’être un stagiaire dans le domaine aujourd’hui.
« Leur salaire mensuel est le même que celui d’un chauffeur de bus », explique-t-il.
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