Les athlètes paralympiques réfugiés représentent handicapés et réfugiés à Rio
Démontrant la force du mental sur l’adversité, un nageur qui a perdu une jambe en Syrie un lanceur de disque iranien et demandeur d’asile répondent à des critères sportifs rigoureux
C’est encore enfant qu’Ibrahim al-Hussein a commencé la natation de compétition , avec quelques-uns de ses 13 frères et sœurs, sous l’œil attentif de leur père, entraîneur à Deir ez-Zor, en Syrie. Le célèbre pont suspendu de la ville est devenu les starting blocks d’al-Hussein, et son plongeoir dans l’Euphrate. Il a remporté des compétitions locales et nationales.
Mais quand la guerre de Syrie a éclaté, il a perdu une jambe dans une violente explosion et a dû quitter sa maison. Il n’a plus pu nager pendant 5 ans.
Cette semaine, en revanche, al-Hussein fait partie de l’équipe de réfugiés aux Paralympiques, composée de deux membres qui concourent aux Jeux paralympiques qui se déroulent à Rio de Janeiro du 7 au 18 septembre 2016. Le lanceur de disque Shahrad Nasajpour, réfugié iranien aux États-Unis, est l’autre athlète de cette toute nouvelle équipe.
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Dans un contexte où les migrations de populations se font de plus en plus importantes, ces deux athlètes accroitront la sensibilisation pour les quelques 65 millions de personnes déplacées, et ils représenteront les réfugiés avec un handicap. Lors de la cérémonie d’ouverture des jeux, al-Hussein et Nasajpour ont ouvert la parade des nations dans le stade Maracaña.
Cette semaine, ces deux athlètes concourront sous le drapeau paralympique et son symbole, l’Agitos. Al-Hussein nagera le 50 et le 100 mètres nage libre dans la catégorie paralympique S10, et Nasajpour lancera le disque dans la catégorie F37.
« Lorsque j’ai su que je participerais aux Jeux, j’étais tellement heureux, je ne tenais pas assis », a raconté al-Hussein à l’UNHCR, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés. « Je voulais dormir, mais je n’y arriverais pas tellement c’était merveilleux. »
Un rêve éveillé
Pour al-Hussein et Nasajpour (au regard de la fragilité de sa situation, le lanceur de disque a préféré ne pas partager d’informations personnelles), le chemin vers Rio a été long et parsemé d’embûches.
En 2013, al-Hussein fut blessé lors d’une explosion qui a fait suite à des combats importants dans sa région. L’un des amis d’al-Hussein a été frappé par une bombe. Al-Hussein et trois amis se sont précipités pour l’aider, mais une roquette a frappé une zone voisine, selon l’UNHCR.
La jambe d’al-Hussein a été arrachée, et les autres membres du groupe ont aussi été blessés. Il a rampé loin de la zone et fut secouru par des amis, qui l’ont amené dans un centre médical et sa jambe a été opérée. Il est rentré chez lui le jour même.
Al-Hussein a raconté plus tard au comité paralympique que durant l’opération, il s’est réveillé deux fois et « a tout vu ». Les deux mois qui ont suivi furent synonyme de douleurs insoutenables et il ne reçut presque aucun traitement médicamenteux, rapporte le comité.
Lorsqu’il a réalisé que la Syrie ne recevrait aucune aide médicale, il s’est enfui pour la Turquie, où il a passé l’année à récupérer et à « se réapprendre à marcher ». Cependant, insatisfait du suivi médical en Turquie, il embarqua pour la Grèce, avec sa chaise roulante et des béquilles.
Al-Hussein est arrivé en Grèce en 2014, où il vit encore. Il a reçu gratuitement une prothèse de jambe de la part d’un médecin grec, mais il ne savait pas s’il pourrait un jour nager à nouveau.
En octobre dernier, al-Hussein a retrouvé le chemin des bassins, et nage pour une ligue d’athlètes handicapés en Grèce. Aujourd’hui, ses temps sont à quelques secondes de ses records personnels avant la blessure.
Le sport transcende la politique et le handicap
L’anglais Tony Sainsbury, chef de mission de l’équipe, admire le parcours qu’ont entrepris al-Hussein et Nasajpour pour arriver aux Paralympiques de 2016.
Al-Hussein se considère très chanceux, et il ne s’attendait pas à venir à Rio. Sainsbury dit qu’il « pense qu’il est passé à autre chose (depuis sa blessure). Il est déjà établi comme sportif à Athènes. »
Sainsbury déclare qu’il y a certainement d’autres réfugiés avec des handicaps dans le monde, mais « combien ? Honnêtement, il est impossible de le savoir. »
Sainsbury a dit que depuis janvier, des efforts sont mis en œuvre pour créer cette équipe de réfugiés pour Rio.
« Ça ne doit pas être une campagne de relations publiques, mais bien le début d’un parcours », explique-t-il.
Et le parcours ne s’arrêtera pas avec les Paralympiques.
« Nous continuerons tant que le besoin s’en fera ressentir. Le Comité paralympique international s’engage pour ces athlètes, mais aussi pour tous ceux qui attendent, tous les réfugiés avec un handicap. Nous ferons de vrais efforts après Rio. »
Sainsbury a encouragé les personnes avec des handicaps, et qui vivent dans des camps de réfugiés, à ne pas abandonner leurs rêves de poursuivre la pratique du sport, quelle qu’en soit l’échelle.
« Pour les enfants et les adultes qui vivent dans les camps [de réfugiés], qui disent ‘ça n’est pas pour moi’. Si, ça l’est. SI vous jouez au football dans le camp des réfugiés, cela peut vous amener jusqu’aux Paralympiques. »
Pour représenter la crise mondiale des réfugiés, al-Hussein a transporté la flamme Olympique jusque dans un camp de réfugiés à Athènes, pendant le relais en avril.
« Je n’ai qu’un souhait. L’or ! », a déclaré al-Hussein lors d’un communiqué de presse des Paralympiques le 26 août. « Je veux envoyer un message à tous ceux qui ont été blessés. Vous pouvez encore réaliser vos rêves. »
La formation de la toute première équipe de réfugiés paralympiques
Sainsbury explique qu’il faudrait vivre dans une grotte, surtout en Europe, pour ne pas mesurer l’importance de la guerre en Syrie, ou des conflits ailleurs dans le monde, en Afrique, en Afrique du Nord, en Centrafrique, en Afghanistan et en Irak, ainsi que les conséquences de ces conflits sur les populations. Elles ne sentent pas en sécurité, prennent des risques énormes, voyagent de milliers de kilomètres. Il y a en Europe des gens qui ont pris des risques que vous et moi sommes incapables de commencer à comprendre. »
Les deux membres de l’équipe doivent faire vérifier leur statut de réfugié aux Nations unies, et obtenir des documents de voyage. Tout devait être en ordre pour le 15 août. Al-Hussein est un réfugié et Nasajpour est un demandeur d’asile.
« Les athlètes paralympiques ont déjà concouru en tant qu’indépendants aux Jeux paralympiques, mais c’est la première fois que les statuts de réfugiés et de demandeurs d’asiles ont reçu toute l’attention » explique le Comité lors du communiqué de presse.
« [Nous] avons été contactés par le Comité national paralympique qui connaissait des athlètes qui pourraient concourir aux Jeux paralympiques », déclare Lucy Dominy, porte-parole du Comité. « Nous avons lancé des démarches pour identifier ces athlètes. Nous avions cinq athlètes potentiels pour former cette équipe. Après s’être renseignés à leur sujet et sur leurs performances sportives, nous avons validé la participation des deux qui concourent à Rio 2016. »
Le Comité international paralympique finance cette équipe, qui est également sponsorisée par des partenaires tels que Visa, Allianz, Ottobck et Panasonic, et par Adidas et Speedo via la Fédération mondiale de l’industrie des articles de sport.
« Ces partenaires apportent un soutien aussi bien financier que matériel, avec des équipements », relate Dominy.
« Ces athlètes qui ne partiront pas à Rio sont toujours sous notre aile, et nous les soutiendront dans le futur, via notre branche de développement, la fondation Agitos. D’autres athlètes pourront également [nous] rejoindre. »
En plus des deux athlètes et de leur chef de mission, la délégation compte des entraîneurs et des équipes techniques.
Soutien émotionnel de la part des équipes techniques
Sainsbury décrit son rôle comme étant à la fois celui d’un administrateur et d’un père et confident.
« S’ils sont inquiets, je tente de voir dans quelle mesure je peux les aider. Une partie de la motivation des athlètes, ce qui les pousse à se dépasser, pas seulement pour eux-mêmes, c’est le pays qu’ils représentent. Eux, ils représentent les réfugiés. Les réfugiés handicapés. Ils viennent démontrer que tout est possible, que la vie peut redevenir normale. Qu’il faut y croire et espérer. »
« Nous avons une mission bénévole pour vous. Nous pensons que c’est important »
Sir Philip Carven, président du CIO
Sainsbury a à son actif 40 ans d’expérience dans le handisport, et a commencé à entrainer du basketball en fauteuil, dans les années 1970. Il a été chef de mission à cinq reprises pour l’équipe paralympique britannique, et est membre fondateur du Comité paralympique britannique. Il a travaillé comme consultant pour différentes candidatures aux Jeux, notamment celle de Tokyo pour les Jeux de 2020.
« Au bout de 40 ans, j’ai vu de nombreuses guerres, tout particulièrement au Moyen Orient », raconte Sainsbury. « Il était évident, à certains moments, que nous concourrions, en tant qu’équipe britannique, face à des anciens soldats et des civils blessées. »
Sainsbury dit avoir été contacté par Sir Philip Carven, président du CIO, et par Xavier Gonzalez, PDG, pour le poste de chef de mission de l’équipe des réfugiés.
« Ils m’ont dit, ‘Tony, nous savons que vous aimez venir aux Jeux. Nous avons une mission bénévole pour vous. Nous pensons que c’est important’. »
Les débuts de l’équipe des réfugiés aux jeux Olympiques de Rio
Le 26 août, après la participation de l’équipe olympique des réfugiés, fut annoncée la formation de l’équipe paralympique. Les deux équipes sont au centre de l’attention, et attirent ainsi l’œil sur la situation préoccupante de la crise mondiale des réfugiés.
Déjà en août à Rio, l’équipe olympique des réfugiés, qui comptait des athlètes de Syrie, du Soudan du Sud, de la République démocratique du Congo et de l’Éthiopie a enregistré des performances sportives historiques, même si l’équipe n’a pas remporté de médaille.
Une compatriote d’al-Hussein, la nageuse syrienne Yusra Mardini, a remporté sa série dans le 100 mètres papillon, bien qu’elle n’ait pas pu se qualifier. La fuite de Mardini de Syrie a été largement traitée par les médias. En effet, elle et sa sœur Sarah ont passé trois heures dans les eaux méditerranéennes à pousser un zodiac bondé de réfugiés en quête de sécurité. Mardini a également participé au 100 mètres nage libre et a terminé avant-dernière.
Le judoka congolais Popole Misenga est devenu le premier membre de l’équipe à avancer vers la série suivante, en battant l’Indien Avtar Singh pour atteindre les huitièmes de finale. Il a perdu cette manche face au champion du monde Gwak Dong-han, Sud-Coréen, qui a remporté la médaille de bronze.
L’autre judoka congolaise, Yolande Bukasa Mabika, ne s’est pas qualifiée. Elle a perdu la première manche face à l’Israélienne Linda Bolder.
Rami Anis, lui aussi nageur syrien, a fini sixième sur huit dans l’épreuve du 100 mètres nage libre, ce qui ne lui a pas permis de se qualifier. Il a également disputé l’épreuve du 100 mètres papillons.
« Représenter l’équipe des réfugiés est un honneur pour moi », déclare Anis. « Je suis fier de représenter les réfugiés et tous ceux qui sont oppressés. J’en tire une très grande fierté. »
Cinq coureurs de fond du Soudan du Sud ont participé : Yiech Pur Biel, Anjelina Nadai Lohalith, Rose Nathike Lokonyen (qui a brandi le drapeau olympique pour l’équipe lorsqu’ils défilé en avant dernier dans le stade Maracaña lors de la cérémonie d’ouverture), Paulo Amotun Lokoro et James Nyang Chiengjiek.
Nora Sturm, des services de presse de l’UNHCR à Genève, a déclaré que tous les Sud-Soudanais ont mené leur épreuve à bout « et ont été largement applaudis par la foule. »
Le dernier jour des Jeux olympiques, le réfugié éthiopien Yonas Kinde a participé au marathon masculin, et a fini 90ème avec un temps de 2:24.
Passer les qualifications sans pays à représenter
Le Comité olympique américain a aidé le lanceur de disque Nasajpour à se qualifier pour les Jeux paralympiques, en autorisant sa participation aux entrainements avec l’équipe américaine, « pour pouvoir enregistrer une distance de lancer », explique Sainsbury.
« L’un des critères était que [le réfugié et le demandeur d’asile] soit en mesure de se tenir avec ses pairs et tenir la tête haute, sans être un faire-valoir », explique Sainsbury.
Al-Hussein a atteint ses scores pour la qualification lors des championnats nationaux grecs.
« Je pensais que mon rêve s’était envolé quand j’ai perdu ma jambe, mais maintenant, tout est redevenu réel »
Un nageur réfugié syrien
« J’en rêve depuis 22 ans [de participer aux Jeux] », confie-t-il aux Paralympiques. « Je pensais que mon rêve s’était envolé quand j’ai perdu ma jambe, mais maintenant, tout est redevenu réel. Je n’arrive pas à croire que je vais à Rio. »
Il y a à peine quelques mois, al-Hussein a transporté la flamme Olympique dans un camp de réfugiés d’Athènes. En septembre, lui et Nasajpour ont la chance de participer aux Jeux et de représenter les réfugiés handicapés devant le monde entier.
« Les Jeux paralympiques sont le premier évènement sportif qui promeut l’inclusion sociale. Ils sont un symbole important pour la promotion des droits de l’Homme », a déclaré Carven, président du Comité international paralympique lors d’un communiqué de presse.
« A travers leurs performances, les athlètes démontreront le courage, la détermination, l’inspiration et l’égalité à l’échelle de l’humanité. »
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