Les chefs de la sécurité, les négociateurs et Washington accusent Netanyahu de saboter les pourparlers
"Il n'y a aucun motif sécuritaire pour retarder l'accord", aurait dit Gallant au Premier ministre, dont le bureau affirme que c'est le Hamas, et non Netanyahu, qui a introduit de nouvelles exigences
Des hauts fonctionnaires, dont le ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de l’armée israélienne Herzi Halevi, auraient déclaré samedi soir au Premier ministre Benjamin Netanyahu que son insistance sur de nouvelles conditions saboterait l’accord « trêve contre libération d’otages » actuellement en cours de négociation, ce qui a poussé le Premier ministre à affirmer que c’était le Hamas, et non lui, qui introduisait de nouvelles exigences.
La Douzième chaîne a cité Halevi et Gallant qui accusent Netanyahu d’être parfaitement conscient que ses nouvelles exigences, qui auraient été incluses dans une proposition israélienne actualisée, feraient capoter l’accord.
La nouvelle proposition exigerait la mise en place d’un mécanisme d’inspection pour s’assurer que les terroristes ne puissent pas se déplacer vers le nord de la bande de Gaza, le maintien d’Israël à la frontière entre Gaza et l’Égypte, connue sous le nom de corridor Philadelphi, au cours de la première phase de l’accord, et insisterait pour qu’Israël reçoive une liste de tous les otages vivants que le Hamas libèrera dans le cadre de l’accord.
Aucune de ces exigences ne figurait dans la proposition israélienne soumise le 27 mai, qui a ensuite été présentée publiquement par le président américain Joe Biden et à laquelle les alliés d’extrême droite du Premier ministre s’opposent avec véhémence.
« Il n’y a aucun motif sécuritaire pour retarder l’accord. Puisque nous parlons franchement, je vous dis que avez des considérations qui ne sont pas bénéfiques à l’affaire », aurait dit Gallant à Netanyahu lors d’une réunion de sécurité de haut niveau dans la nuit de mercredi à jeudi.
« En ce qui concerne Philadelphi, je ne recommande pas que nous en fassions obstacle ou quoique ce soit qui nous empêche de ramener de [Gaza] 30 personnes dans la première phase [de l’accord], dont la moitié sont des femmes », a ajouté Halevi.
En réponse, la Douzième chaîne a cité une « source haut placée » – la chaîne a indiqué qu’il s’agissait de Netanyahu lui-même – accusant ses détracteurs d’agir pour des motifs politiques.
Le mois dernier, Netanyahu a ajouté plusieurs exigences « non négociables » à la proposition, dont le contrôle israélien sur le corridor Philadelphi le long de la frontière de Gaza avec l’Égypte et sur le corridor de Netzarim, qui divise actuellement la bande en deux.
Les corridors de Netzarim et de Philadelphi ne sont pas spécifiés comme étant des endroits où les troupes israéliennes seront autorisées à rester, selon le texte de la proposition israélienne de mai, qui a été publié dans son intégralité par le Times of Israel.
En réalité, le document appelle au « retrait des forces israéliennes vers l’est, loin des zones densément peuplées le long des frontières dans toutes les zones de la bande de Gaza, y compris la vallée de Gaza [axe de Netzarim et rond-point de Koweït] ».
Parallèlement, la Treizième chaîne a rapporté samedi soir que les États-Unis avaient transmis des messages de colère sur le fait qu’Israël avait « reculé » par rapport à un accord qu’il avait lui-même proposé. La chaîne a cité des sources égyptiennes anonymes selon lesquelles l’assassinat du chef du bureau politique du groupe terroriste palestinien du Hamas, Ismaïl Haniyeh avait entraîné la suspension des pourparlers, mais que ça ne durera pas longtemps.
« Les fuites et les fausses informations diffusées par des parties inconnues dans les médias donnent une fausse image à la population », a déclaré le bureau du Premier ministre à la chaîne publique Kann samedi soir, suite à un article selon lequel le chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, Ronen Bar, avait accusé le Premier ministre d’avoir « apporté des changements » à la proposition d’Israël en plein milieu des négociations.
Selon Kann, les membres de l’équipe de négociation ont en outre dit à Netanyahu que sa position concernant le corridor de Netzarim ferait « s’effondrer l’accord » et que « nous avons approuvé une proposition qui traite le corridor différemment ».
« Alors que le Premier ministre Netanyahu a accepté les grandes lignes, le Hamas tente d’introduire des dizaines de changements qui l’annulent de fait », a répondu le bureau de Netanyahu – affirmant qu’il n’avait « rien ajouté aux grandes lignes et qu’il continue d’adhérer aux conditions de base pour la sécurité d’Israël ».
« Quiconque propose de céder aux exigences du Hamas afin de recevoir des applaudissements dans les studios [de télévision] nuit aux chances de libération des otages et nous ramène à la réalité [des déchirements sociétaux du] 6 octobre », a affirmé le cabinet du Premier ministre, sans préciser comment ces arguments se concilient avec l’absence des nouvelles exigences de Netanyahu dans la proposition complète du 27 mai.
Selon un reportage diffusé vendredi par la Douzième chaîne sur la réunion de haut niveau de mercredi soir, les chefs de la sécurité israélienne auraient exhorté Netanyahu à profiter de l’élan donné par les récentes frappes sur les hauts responsables du terrorisme du Hamas et du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah pour saisir l’occasion d’un accord de « trêve contre libération d’otages » avec le Hamas.
La réunion a eu lieu après la frappe israélienne à Beyrouth qui a tué le commandant de la branche armée du Hezbollah, Fouad Shukr, mardi soir et après l’assassinat de Haniyeh à Téhéran tôt mercredi matin ; Israël n’a pas assumé ni nié la responsabilité de cette attaque.
Le chef de l’agence de renseignement du Mossad, David Barnea, qui dirige les négociations israéliennes en vue d’un accord, aurait déclaré lors de la réunion qu’un accord était prêt et qu’Israël devait l’accepter.
Netanyahu a réprimandé ses chefs de la sécurité, tapant sur la table et leur disant qu’ils étaient de piètres négociateurs – une affirmation démentie par la suite par le bureau du Premier ministre.
« Vous êtes faibles. Vous ne savez pas comment gérer une négociation difficile. Vous parlez à ma place. Au lieu de faire pression sur le Premier ministre, faites pression sur [le chef du Hamas à Gaza] Sinwar », aurait-il crié.
S’exprimant sur le plateau du principal programme d’information du soir de Kann vendredi, la correspondante politique de Walla, Tal Shalev, a rapporté que Netanyahu avait prévu de limoger Gallant à son retour de sa visite aux États-Unis, mais le licenciement a été retardé par l’attaque meurtrière du Hezbollah à Majdal Shams et l’assassinat cette semaine de deux chefs du terrorisme.
Elle a ajouté que des sources dans l’entourage de Netanyahu ont déclaré qu’après avoir remplacé Gallant, le Premier ministre envisageait de limoger également le chef de Tsahal, Halevi, et le chef du Shin Bet, Bar, afin d’éliminer l’opposition à la manière dont il gère les pourparlers pour le retour des otages enlevés par le Hamas le 7 octobre, et les accusations selon lesquelles il risquerait de saboter un accord.
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a semblé se réjouir d’une telle démarche, écrivant sur le réseau social X que « si des hauts fonctionnaires de l’establishment de la sécurité n’aiment pas notre politique, ils peuvent démissionner ». En revanche, le ministre de l’Éducation, Yoav Kisch (Likud), a appelé à « s’abstenir » de limoger le ministre de la Défense en pleine guerre.
Interrogé pour savoir s’il était prêt à occuper le poste de ministre de la Défense dans le gouvernement actuel, le chef du parti d’opposition Tikva Hadasha, Gideon Saar, a semblé laisser entendre qu’il l’envisagerait, déclarant samedi soir à la Douzième chaîne qu’il « se garderait bien de s’engager sur quoi que ce soit ».
Gallant était déjà la cible de l’ire de la droite avant la guerre déclenchée par le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre, y compris au sein du Likud. Netanyahu avait annoncé renvoyer Gallant en mars 2023 après qu’il eut appelé le gouvernement à mettre en pause son programme largement controversé de refonte du système judiciaire, mais y avait finalement renoncé un mois plus tard face au tollé général.
La série d’articles concernant le désaccord des chefs de la sécurité avec Netanyahu survient alors qu’une délégation israélienne de haut niveau se serait rendue au Caire samedi pour des entretiens indirects avec des négociateurs américains et égyptiens, mais serait repartie le jour même.
Les médias israéliens ont rapporté que le chef du Mossad, Barnea, le chef du Shin Bet, Bar, et le général de division Ghassan Alian, chef du Coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires palestiniens (COGAT), ont tenu des réunions au Caire avec le chef des renseignements égyptiens, Abbas Kamel, et de hauts responsables militaires égyptiens.
Plusieurs articles indiquaient samedi soir que la réunion n’avait pas progressé. Une source israélienne, citée par le quotidien Haaretz, a déclaré que les discussions n’avaient pas abouti et que « dans ces circonstances, le départ de la délégation en Égypte est la seule bonne nouvelle ».
À la suite des pourparlers de samedi, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a accusé Netanyahu de « continuer à retarder l’accord pour le retour des otages uniquement pour des raisons politiques ».
Lapid a appelé les chefs de l’establishment de la sécurité israélienne à « sortir et à dire la vérité au peuple », déclarant que « si le gouvernement israélien a abandonné les otages, il devrait être honnête avec les familles et cesser de jouer à des jeux ».
Biden a également semblé faire preuve de scepticisme quant à la volonté de Netanyahu de parvenir à un accord, lui disant lors d’un appel téléphonique jeudi « d’arrêter de lui raconter des conneries », a rapporté la Douzième chaîne.
La chaîne a indiqué que cet accès de colère est survenu après que Netanyahu a dit à Biden qu’Israël avançait dans les négociations sur l’accord de « trêve contre libération d’otages » et qu’il enverrait bientôt une délégation pour reprendre les pourparlers.
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