Les femmes ont joué un rôle essentiel au début de la chrétienté
Une donatrice est commémorée dans l'une des sept inscriptions en grec découvertes récemment dans des églises, dans un ancien village byzantin en Galilée

Une mosaïque récemment découverte dans l’ouest de la Galilée évoque le statut relativement élevé des femmes aux débuts de l’église. Datant du 5e siècle, une inscription en grec commémore une « Sausann » (ou Shoshana), donatrice pour la construction de l’église d’un village. Il s’agit de l’une des sept inscriptions gravées – avec notamment un texte long de cinq mètres – qui ont été retrouvées dans trois églises byzantines durant des fouilles menées cet été par l’archéologue du collège Kinneret, Mordechai Aviam, et l’historien Jacob Ashkenazi.
Fait inhabituel dans une société patriarcale, la donatrice, Sausann, est mentionnée dans l’inscription indépendamment de tout époux ou tuteur masculin.
Cette Sausann doit avoir été une femme d’un certain rang social, marchant peut-être dans les traces de son homologue présumé, la disciple Suzanne, qui a été parmi les femmes nommées par l’évangile de Luc, au verset 8:3, qui avaient aidé Jésus « de leurs propres ressources ».
Cette trouvaille vient étayer la position adoptée par un nombre croissant de spécialistes des débuts de l’église selon laquelle les femmes auraient joué un rôle important dans sa fondation.
Selon un récent article paru dans Christianity Today, « dans les échelons supérieurs de la société, les femmes se sont souvent converties au christianisme alors que leurs proches masculins restaient païens, de peur de perdre leur statut sénatorial. Ce qui a également contribué au nombre disproportionné de femmes dans l’église, en particulier dans les rangs élevés de la société ».
L’idée de femmes indépendantes, avec des moyens, a été une surprise pour l’archéologue Aviam, qui est à la tête de l’Institut d’archéologie de Galilée. Il a indiqué dans un article récent publié dans Haaretz : « Elle était une femme indépendante qui avait donné de l’argent à l’église, ce qui signifie quelque chose sur la vie dans ce village galiléen ».
Avec une subvention de trois ans accordée par la Fondation de la science israélienne, les chercheurs ont adopté une approche pluridisciplinaire pour achever la toute première étude sérieuse et moderne consacrée à la Galilée chrétienne à la fin de l’antiquité, a confié Aviam au Times of Israël.
Travaillant en tandem, ce partenariat rare entre spécialistes de plusieurs disciplines permet de dresser un portrait global de la vie chrétienne dans la région, au 5e et au 6e siècles, à partir des différents points de vue des experts, chacun dans leur domaine.
Ils ont déjà « touché le jackpot » dans cette première saison, avec sept inscriptions longues écrites en grec d’il y a 1 600 ans, a ajouté Aviam. (Par crainte des voyous, la localisation exacte des fouilles restera secrète).
Décorée d’un paon, l’inscription grecque longue de cinq mètres est la plus grande qui ait été découverte dans le secteur. Elle est également, par mégarde, un autre témoignage d’une femme dans la vie de Jésus.

Irénée, identifiée dans la mosaïque comme étant l’évêque de Tyr au moment de l’achèvement de la construction de l’église, en l’an 445, était un ami de Nestorius, une personnalité majeure controversée dans la chrétienté du 5e siècle.
Nestorius avait été diabolisé pour s’être exprimé contre « Theotokos », cette philosophie selon laquelle Marie, la mère de Jésus, « a enfanté Dieu ». Il avait promu l’idée radicale que Marie avait donné naissance à un être humain qui était divin.
Ce conflit idéologique a posé les fondements d’une bataille qui a duré plusieurs décennies et à un schisme au sein de l’église de l’époque byzantine. Les associés de Nestorius, comme Irénée ont vu leurs destinées s’élever puis s’effondrer aux côtés de leur ami.

Jusqu’à la découverte de la mosaïque, l’année de l’ordination d’Irénée en tant qu’évêque de Tyr était inconnue.
Selon une anthologie parue en 2011, les « élections épiscopales à la fin de l’antiquité », la date approximative de l’an 445 était souvent avancée.
Toutefois, dans la mesure où l’histoire considère qu’il se serait exilé avec Nestorius à Petra pendant 12 ans en l’an 436 – « avec deux chevaux pour porter leurs bagages » – selon les auteurs il existe une forte possibilité qu’il s’agisse d’une date ultérieure.
La mosaïque découverte, dont l’inscription donne la date de la fin de la construction de l’église en l’an 445, accorde à Irénée le titre « d’episkopos » ou évêque de Tyr, capitale de la Phoenicie. Cette preuve historique claire met un terme à une vieille controverse académique et accorde du crédit à l’hypothèse que son ordination aurait eu lieu en l’an 444. En l’an 449, il avait été démis.
Cette inscription est une « formidable opportunité de faire la liaison entre le nom gravé sur la mosaïque et celui des livres d’histoire », a dit Aviam.
Derrière les inscriptions
Selon Aviam, il y a beaucoup de choses à apprendre à travers les inscriptions concernant les villageois qui ont commandé ces mosaïques.
Ecrites dans le grec de l’époque byzantine, elles sont « remplies d’erreurs en grec », estime-t-il. Par exemple, une inscription des Psaumes, versets 118:19 : « Ouvre-moi les portes de l’intégrité », montre plusieurs divergences avec le texte écrit dans la traduction grecque de la bible, le Septante.
« Ce sont des locaux », explique Aviam, « qui n’ont probablement pas pu faire appel aux meilleurs artistes, et ce qui en résulte, c’est qu’il y a de nombreuses erreurs ». Pour la plus grande partie, les noms énumérés dans les inscriptions sont des locaux, majoritairement originaires de la Grande Syrie, et certains avec une influence phoenicienne marquée.
Il y a des indications qui montrent que les villageois étaient des païens convertis, dit Aviam. « Ils n’ont pas de noms ‘juifs’, ce qui nous dit que s’il y a eu des Juifs qui s’étaient convertis au christianisme, ils ont probablement changé de nom », ajoute-t-il.
Mais au-delà de leurs noms, il y a d’autres raisons expliquant pourquoi les archéologues estiment que les villageois étaient des païens : le type de poteries retrouvées sur le site ainsi que des vestiges de temples païens.

« Dans une église, nous avons trouvé trois piédestaux qui ont été réutilisés dans la construction de l’église, dans les murs », explique-t-il. L’un d’entre eux arborait une image à l’intérieur d’une couronne, ce qui, pour les archéologues, « est un signe très clair d’influence païenne », poursuit-il.
Au sommet de chaque piédestal, quatre trous, qui étaient probablement utilisés pour soutenir des sculptures – ce qui n’est pas une caractéristique des églises ou des synagogues mais plutôt des temples païens.
Dans la mesure où les pièces du temple n’ont été réutilisées que dans la construction de l’église consacrée en l’an 445, Aviam suppose que les villageois ont été païens à un moment du 4e ou du 5e siècle.
En même temps, Aviam se dit impressionné par la rapidité avec laquelle le christianisme est arrivé en Galilée rurale, suite à l’adoption officielle de la religion par l’empire byzantin en l’an 380, disant que cela souligne une christianisation de cette région rurale de Galilée dès le tout début du 5e siècle.
En plus de l’évêque Irénée, les inscriptions permettent d’avoir d’autres aperçus de la hiérarchie de l’Eglise. Parmi les noms cités, des diacres et un évêque particulier qui vagabondait dans les villages pour répondre aux problèmes religieux, ainsi qu’un autre évêque responsable de leurs ressources économiques.
« Nous avons eu la grande chance de trouver cela et nous avons obtenu beaucoup d’informations pour commencer à dessiner une carte de la société byzantine chrétienne en Galilée, de l’économie et de la hiérarchie religieuse », note Aviam.
L’importance des fouilles de conservation
Des preuves archéologiques comme des récipients en pierre et des pièces de monnaie « nous racontent un peu l’histoire, mais ce qu’est la signification de tel ou tel récipient sur tel ou tel site est une affaire d’interprétation pour une grande part », explique Aviam. « Trouver des inscriptions, c’est comme trouver un livre – cela donne une histoire claire ».
Les inscriptions des églises, continue Aviam, « racontent l’histoire de ceux qui ont construit l’église et le moment de sa construction : la hiérarchie de l’église, le nom des donateurs… Tout cela nous donne beaucoup d’informations ».
Et dans la mesure où elle cherche des informations, l’équipe sélectionne avec soin les lieux des fouilles et choisit avec exactitude quelles seront les portions qui seront fouillées.
Après des décennies de travail sur le terrain, Aviam indique qu’il peut « voir le plan d’une église à la surface ». Ayant arpenté des sites antiques connus pour avoir été habités pendant la période byzantine, il précise être capable d’identifier des églises en étudiant simplement les contours de leurs ruines.

Il ajoute que contrairement aux synagogues de la même période qui sont orientées du nord au sud, les constructions d’églises byzantines sont orientées ouest-est.
« Du côté est, si on a de la chance, on peut voir l’abside, un mur semi-circulaire où se trouvait l’autel. Parfois, il y a des piliers encore sur pied ou non », dit Aviam.
Une fois qu’une église a été identifiée, l’équipe concentre ses fouilles dans les zones de la structure où se retrouvent habituellement les inscriptions. Après avoir vu les résultats de fouilles entreprises dans des églises similaires à travers tout Israël, en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Turquie, les archéologues sont capables de déterminer s’ils se trouvent face à l’abside principal ou à l’abside latéral, face aux entrées, principales et latérales, et même, quelquefois, au centre du bâtiment, raconte Aviam qui, pour sa part, a décidé d’entreprendre les fouilles dans cet ordre.
Dans toutes les églises, on trouve une à quatre inscriptions
« Dès la première semaine, on a touché le jackpot. Tous les lieux [n’ont pas d’inscriptions] mais, dans toutes les églises, on trouve une à quatre inscriptions », dit-il.
Aviam, qui publiera les conclusions de l’équipe à l’issue des trois années de recherche, explique que des fouilles ont également été entreprises dans certaines autres parties de la structure pour déterminer un plan de construction exact, tout en tentant de maintenir le travail d’excavation à son minimum.
« Lorsqu’on creuse et qu’on découvre un site, c’est une étape de la destruction de la construction », dit-il. « Alors nous fouillons de petits périmètres pour nous montrer plus éthiques. Nous préservons davantage – et perdons moins d’argent ». Ce qui a été fouillé a été recouvert, conformément au permis octroyé à l’équipe par l’Autorité israélienne des Antiquités.
« Nous n’aimons pas tout fouiller », indique-t-il. « Nous voulons préserver les choses pour les futures générations qui seront plus avancées que nous ne le sommes aujourd’hui ».
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel