Les investisseurs chinois reviennent faire leur shopping technologique en Israël
Les bas taux d'intérêt, Mobileye, les restrictions chinoises sur l'investissement et la réforme fiscale américaine ont eu un impact sur le monde de la technologie locale
La vente de la société Mobileye à Intel Corp. pour 15,3 milliards de dollars a été de loin l’évènement technologique israélien le plus important en 2017, mais on se souviendra aussi cette année de la réforme fiscale du président américain Donald Trump et des changements dans la politique d’investissement chinois, responsables de l’incertitude régnante de ces 12 derniers mois.
À la fin 2016, le gouvernement chinois a publié des restrictions sur les investissements à l’étranger, mais a clarifié sa position en août 2017, définissant une politique qui interdisait certains investissements, par exemple, dans l’industrie militaire, du jeu et du sexe.
Des investissements ont été limités dans d’autres domaines tels que l’immobilier, le cinéma, le sport et l’hôtellerie ; mais les investissements dans les industries qui favorisent le développement technologique de la Chine, ainsi que les industries pétrolières et minières ont été encouragés.
« L’année 2017 a été une année de transition », a déclaré Edouard Cukierman, associé directeur de Catalyst Investments L.P., un fonds de capital-investissement basé en Israël qui gère des investissements de plus de 250 millions de dollars.
« L’environnement réglementaire incertain en Chine concernant les investissements au premier semestre a entraîné un ralentissement de l’activité de l’investissement Chinois. La clarification des règles en août a maintenant ouvert le goulot d’étranglement et je crois qu’en 2018 nous verrons une activité renouvelée en Israël par les investisseurs chinois. »

Le troisième fonds de Catalyst, le fonds CEL, qui a levé 200 millions de dollars d’engagements auprès des investisseurs, a été créé conjointement avec China Everbright Ltd. Plus de 50 % des fonds levés par CEL provenaient d’investisseurs chinois, selon les données de l’entreprise.
Alors que le géant asiatique cherche à s’imposer dans le monde technologique mondial, faisant évoluer son économie qui reposait sur une puissante intensité de main-d’œuvre vers une économie axée sur la technologie, les entreprises chinoises ont jeté leur dévolu sur les technologies et les start-ups.
Au cours des cinq dernières années, les entreprises chinoises ont investi 16 milliards de dollars dans des entreprises israéliennes, pas uniquement issues de la high-tech, et incluant également l’acquisition de Playtika par un consortium chinois en 2016, le rachat de 510 millions de dollars de Lumenis par le groupe chinois XIO en 2015, Alma Laser en 2013 et l’entreprise alimentaire Tnuva en 2014.
Le refroidissement des relations entre la Chine et les Etats-Unis – Washington ayant semblé avoir perdu patience devant l’hésitation de la Chine à faire des concessions commerciales et aussi par rapport à sa position sur la Corée du Nord – cumulé à la récente réforme fiscale américaine, qui rendra plus attrayant l’investissement des entreprises américaines dans les entreprises locales et pas autant dans les entreprises internationales, aura également un impact sur l’activité chinoise en Israël, a-t-il déclaré.
« Les investisseurs chinois seront moins enclins à faire des affaires aux Etats-Unis, où ils pensent que l’environnement est devenu plus hostile », a-t-il déclaré.
Et les entreprises américaines, traditionnellement connues pour être les plus actives dans l’acquisition de start-ups israéliennes, peuvent se tourner vers l’intérieur, vers leur pays d’origine. « Cela permettra des opportunités pour les entreprises chinoises d’opérer en Israël », a-t-il déclaré.
Les réformes de Trump en matière d’impôts sur les sociétés peuvent également amener les investisseurs américains à exiger des start-ups israéliennes qu’elles s’inscrivent en tant qu’entités américaines, ou à déplacer des opérations importantes vers les États-Unis, afin de les rendre éligibles aux remises fiscales.
En outre, Cukierman s’attend à ce que l’Amérique latine s’intéresse de plus en plus à la technologie israélienne en 2018, comme en témoigne l’acquisition de Netafim par le groupe mexicain Mexichem.
2017 en chiffres
« L’abondance de l’argent disponible dans l’économie mondiale et les taux d’intérêt proches de zéro (malgré quelques hausses) ont continué à diriger le marché technologique local cette année », ont déclaré les consultants PwC Israel dans leur rapport d’ « exits » de 2017. L’engouement a toutefois été éclipsé par les limites imposées par les autorités chinoises aux investissements étrangers et par l’incertitude qui a été injectée sur le marché par la réforme fiscale américaine.

La valeur totale du marché technologique israélien (fusions-acquisitions et offres publiques) a été de 7,4 milliards de dollars, en hausse de 110 % d’une année sur l’autre, contre 3,5 milliards de dollars en 2016, selon le rapport publié mercredi.
Soixante-dix « exits » ont eu lieu en 2017, contre 55 en 2016. Ce chiffre représente un retour aux niveaux observés en 2014 et 2015, avec 70 « exits » par année.
En outre, le marché israélien a franchi deux fois le cap des 1 milliard de dollars en 2017, grâce à Mobileye qui a été rachetée par Intel pour 15,3 milliards de dollars et à NeuroDerm rachetée par Mitsubishi Tanabe Pharma pour 1,1 milliard de dollars. Ces deux offres ne sont pas incluses dans le rapport de l’ « exit », car elles fausseraient les données.
La valeur moyenne par transaction en 2017 était de 106 millions de dollars, soit une augmentation de 66 % d’une année sur l’autre, même en déduisant les deux méga-transactions, indique le rapport.
Les entreprises technologiques israéliennes ont recommencé à lever des fonds par le biais d’offres publiques initiales de titres sur les marchés mondiaux et locaux : quelque 11 sociétés ont levé un total de 414 millions de dollars d’introductions en bourse cette année, selon le rapport. La plus importante émission d’actions en 2017 a été celle de ForeScout, qui a levé 116 millions de dollars sur le NASDAQ, reflétant une capitalisation boursière de 800 millions de dollars.
Les premiers appels publics à l’épargne ont été organisés dans diverses bourses, notamment en Suède, au Royaume-Uni, en Australie, aux États-Unis et en Israël. PwC a déclaré qu’elle s’attend à ce que cette tendance se poursuive jusqu’en 2018, avec davantage d’offres technologiques, y compris des sociétés biomédicales. De nouveaux marchés, comme le Canada et l’Asie de l’Est avec Hong Kong et Singapour, sont également une option intéressante pour les introductions en bourse israéliennes, indique le rapport.
Les acheteurs américains représentent toujours la majorité des opérations d’introduction en bourse et d’« exits » israéliens, avec 33 transactions d’une valeur de 4,1 milliards de dollars, selon le rapport.
« Cela témoigne du niveau d’intérêt et de la confiance des investisseurs et des entreprises américaines dans l’industrie technologique locale. Cela montre également que la technologie israélienne continue d’être très orientée vers le marché américain, en soulignant qu’elle est la plus pertinente, à la fois en termes de marchés cibles et de stratégie d’ « exits ».