Les Israéliens luttent contre les prix des logements ; auront-ils gain de cause ?
Après des années de promesses gouvernementales, les tentes sont de retour sur le boulevard Rothschild alors que les prix des logements n'ont fait que grimper en flèche
Une manifestation prévue le 2 juillet pour obtenir une baisse des coûts du logement à Tel Aviv a reçu plus de 21 400 réponses positives sur les réseaux sociaux, et ce nombre ne cesse d’augmenter de jour en jour.
Les organisateurs demandent au gouvernement d’intervenir pour réparer ce qu’ils considèrent comme un système défaillant dans lequel les prix de l’immobilier et de la location, ainsi que le coût global de la vie, sont devenus prohibitifs. Les résidents frustrés ont réinvesti leurs tentes dans les villes où les loyers sont les plus élevés, dans un mouvement qui rappelle la « révolte des tentes », lors de laquelle les manifestations généralisées de 2011 étaient également centrées sur la spirale des prix du logement.
Yad2, le site Internet israélien le plus populaire d’annonces de location d’appartements, a estimé qu’au cours du premier trimestre de 2022, les loyers avaient augmenté en moyenne de 10 % par rapport à l’année précédente. Mais de manière anecdotique, en particulier à Tel Aviv, les personnes qui renouvellent leur bail se voient fréquemment demander de payer 30 à 40 % de plus pour les appartements – et sont contraintes de chercher un nouveau logement avec un préavis de quelques semaines si elles ne peuvent pas faire face à de si brutales augmentations.
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Le marché du logement, qui a augmenté de 15,4 % au cours de l’année dernière, fait les gros titres tous les mois. Et tandis que le gouvernement fait un battage médiatique autour de ses projets d’achat de logements subventionnés – tels que l’actuel programme de prix cible (Mehir Matara, successeur de Mehir Lamishtaken, le programme « Prix des acheteurs ») le marché de la location reste, comme le dit un locataire, comme « le Far West », avec relativement peu d’attention accordée aux conditions de vie de près d’un tiers de la population et en permanente augmentation.
Le Times of Israel s’est entretenu avec des locataires et des propriétaires, qui ont tous demandé à utiliser des pseudonymes pour cet article. Le marché étant ce qu’il est, les locataires craignent d’être mis sur une liste noire et d’avoir encore plus de mal à trouver un logement, tandis que les propriétaires ont peur de ne pas trouver de locataires fiables.
« Liat » vit dans un studio dans le quartier du Vieux Nord de Tel Aviv. Elle paie 5 250 shekels par mois, plus les impôts fonciers locaux (qui, selon la loi israélienne, sont à la charge du locataire) et les charges pour 25 mètres carrés d’espace habitable. Son immeuble doit faire l’objet d’un programme de démolition au cours des deux prochaines années et le propriétaire cherche à maximiser ses bénéfices dans cet intervalle de temps. C’est pourquoi, selon elle, son appartement n’est pas rénové et il est difficile d’obtenir du propriétaire qu’il règle les problèmes qui nécessitent des dépenses.
Le propriétaire de « Maya », une autre habitante de Tel Aviv, a coupé son appartement en deux pour en faire deux appartements distincts, sans réduire le coût du loyer de Maya ni ajouter d’insonorisation. La division a doublé le revenu du propriétaire, qui est passé à 12 000 shekels par mois pour ce qui était auparavant un appartement de deux pièces dans un quartier peu fréquenté de la ville. Maya n’a plus que quelques semaines pour chercher un nouvel appartement à Tel Aviv, et n’a jusqu’à présent que trouvé une annonce pour un 16 mètres carrés à un loyer mensuel de 4 000 shekels. Elle envisage sérieusement de quitter la ville.
C’est une décision que « David » a déjà prise. Après avoir loué un appartement à Tel Aviv pendant sept ans et s’être constamment battu avec les propriétaires pour qu’ils effectuent des rénovations tout en s’abstenant d’augmenter le loyer chaque année, David a renoncé et a déménagé à Ashkelon, où il paie 3 000 shekels par mois pour un appartement à proximité de la mer.
David a la chance de ne pas être contraint d’habiter à Tel Aviv pour son travail. Il n’a donc pas à faire face aux frais de transport quotidien qui ont jusqu’à présent dissuadé « Itai » de quitter la ville, malgré la difficulté de trouver un logement abordable.
« J’aime Tel Aviv, j’aime la ville, j’aime la vie culturelle », dit Itai. « J’aime le fait que je puisse me balader partout, qu’il y ait tant d’opportunités en termes de travail et de loisirs. Je n’aime pas ce qu’il se passe, mais je suis prêt à payer 1 200 ou 1 500 shekels de plus par mois pour continuer à bénéficier de ces avantages. »
Itai vivait en colocation dans un deux-pièces de 65 mètres carrés dans le centre de Tel Aviv pendant quatre ans. Les augmentations de loyer n’étaient « que » d’environ 400 shekels par an pour chacun d’eux. Il a finalement décidé de faire un compromis sur l’emplacement et a déménagé dans son appartement actuel dans le quartier bohème de Florentin, au sud de Tel Aviv, en 2020.
Itai a été la première personne à visiter l’appartement d’une pièce de 50 mètres carrés, et a immédiatement dit qu’il le prenait. Il travaille dur pour garder l’endroit en bon état, car il reconnaît qu’il a enfin trouvé une bonne propriétaire. Elle règle les problèmes au plus vite et le loyer est de 4 000 shekels, plus 280 shekels d’électricité.
Itai a 42 ans et ne pense pas qu’il sera un jour en mesure de s’acheter un appartement. Il a vu ses amis dépenser plus de la moitié de leur salaire en loyer dans la ville, ou être obligés de déménager tous les ans ou tous les deux ans, changeant souvent leurs enfants d’école tout en essayant de garder un toit abordable au-dessus de leur tête.
Bien que les problèmes de location soient dramatiques à Tel Aviv, ce n’est pas le seul endroit où les prix s’envolent et où la qualité des biens à louer dans le bas de gamme ne cesse de diminuer. « Deborah », qui possède quelques biens d’investissement à Afula, au nom de ses enfants, a déclaré qu’après que le marché a augmenté de 30 %, elle s’est sentie obligée d’augmenter les loyers.
« Je ne voulais pas rendre les choses difficiles pour mes locataires », explique-t-elle. « C’étaient de bons locataires. Mais ces appartements sont l’avenir de mes enfants, leur chance d’accéder un jour à un logement, et je ne peux pas me permettre de ne pas évoluer en fonction du marché. »
Tout le monde est propriétaire
Sur une page Facebook utilisée par les Israéliens pour exprimer leur frustration à l’égard du marché locatif, on trouve des publications pour un appartement de deux chambres à coucher à Rishon Lezion, sans salon et dont le propriétaire vit toujours dans l’appartement avec les locataires, pour un prix à payer de 6 800 shekels par mois ; un studio à Modiin à peine assez grand pour se retourner pour 2 450 shekels ; et un appartement de trois pièces à Kfar Saba (sans enfants) pour 5 150 shekels. Même une location de 9 500 shekels dans l’une des tours de Tel Aviv, entre les autoroutes Namir et Ayalon, n’offre que deux chambres, dont l’une a une fenêtre donnant sur un escalier intérieur.
Comme si tout le monde était propriétaire de nos jours : en 2003, moins de 60 000 Israéliens possédaient deux maisons ou plus, et ont acquis ces propriétés principalement par héritage. Aujourd’hui, les données de l’administration fiscale indiquent que ce nombre est de 348 717, ce qui signifie que 13 % de la population peut choisir de louer un appartement si elle le souhaite.
Mais les rendements locatifs en Israël ne sont pas particulièrement élevés par rapport à d’autres pays, a déclaré Daniel Goldstein, directeur de l’agence immobilière Beauchamp Estates à Tel Aviv. Le rendement moyen à Tel Aviv l’année dernière n’était que de 2,5 %, alors que la valeur en capital des propriétés a augmenté de 22 % à 28 % entre 2020 et 2021 pour un appartement moyen de trois pièces à Tel Aviv – de 2,28 millions de shekels à 3,36 millions de shekels. Le tableau est similaire dans tout le pays.
Les experts en politique du logement suggèrent que les frais de logement et les services publics combinés ne devraient pas consommer plus de 30 % du revenu brut d’un locataire. En Israël, il n’est pas rare que les gens consacrent 60 % de leurs revenus au logement, selon Gil Gan Mor, chef de l’unité des droits sociaux et civils de l’Association pour les droits civils en Israël – et qu’ils aient ensuite du mal à faire face à leurs autres dépenses.
Mais ce ne sont pas seulement les pressions financières qui rendent la location si difficile. Anat Levi, associée directrice du bureau de Jérusalem du cabinet d’avocats Decker, Pex, Ofir & Co, affirme que la majorité des propriétaires téléchargent des contrats de location passe-partout sur Internet et y ajoutent des clauses supplémentaires afin d’exercer une influence sur les locataires, qui n’ont pas le choix en la matière.
Bien que les mauvais locataires existent, dit Gan Mor, le rapport de force est le plus souvent du côté du propriétaire plutôt que du locataire : les appartements sont loués en mauvais état, les propriétaires n’effectuent pas les réparations et l’entretien de base, et les contrats de location offrent une protection limitée, voire inexistante, pour le locataire en cas de prolongation du contrat ou d’augmentation du loyer. Cela signifie que les locataires – qui comptent parmi les personnes les plus vulnérables de la société israélienne, comme les retraités et les jeunes familles – sont confrontés à une incertitude permanente.
« Tout le monde a le droit de vivre dans la dignité », déclare Gan Mor. « Ce marché ne permet pas que ce soit le cas. »
Quelques faux départs dans la résolution des problèmes
Après les manifestations contre le coût de la vie de 2011, le maire de Tel Aviv, Ron Huldai, a promis de s’attaquer au problème. À ce jour, la ville compte environ 300 appartements destinés à devenir des logements abordables. 10 000 autres ont été promis. Mais on estime qu’il y a 250 000 locataires dans la ville.
L’année dernière, le gouvernement a partiellement tenté de remédier au problème du marché locatif en accordant des avantages fiscaux destinés à encourager les locations à long terme. Certains nouveaux lotissements promettent de réserver un certain nombre d’appartements pour la location à long terme, mais les incitations n’ont pas attiré un nombre suffisant de promoteurs.
La municipalité de Tel Aviv a publié sur son site web un modèle de contrat de « loyer équitable » que les locataires peuvent télécharger et utiliser. Il appartient toutefois aux propriétaires de décider d’accepter ces dispositions ou d’utiliser un autre contrat dont les termes sont en leur faveur.
Il existe bien une loi nationale sur les loyers équitables, mais elle est rarement suivie et appliquée, et de nombreux litiges ne peuvent être résolus que par des procédures judiciaires longues et coûteuses que de nombreux locataires et propriétaires ne peuvent se permettre.
Mais, selon Me Levi, une loi sur la location équitable, appliquée à l’échelle du pays et correctement mise en œuvre, serait plus efficace pour les deux parties du partenariat de location. Une telle loi permettrait, par exemple, de faire passer la période de préavis d’un mois à deux ou trois mois, si l’une des parties souhaite mettre fin au contrat. Elle préciserait également quelle partie est responsable des dommages causés à l’appartement, tiendrait le propriétaire pour responsable de tout ce qui n’était pas visible lors de l’état des lieux, et garantirait correctement les dépôts des locataires – éventuellement en interdisant au propriétaire d’encaisser le chèque de garantie, de dépenser l’argent et de refuser de le rendre à la fin du bail. Il faudrait en outre prévoir ce qui se passe si une personne venait à décéder durant la période du contrat.
Redescendre dans la rue
Les recherches indiquent qu’une grande majorité du public israélien pense que les protestations publiques sont efficaces pour influencer la politique du gouvernement. Les organisateurs de la manifestation du 2 juillet à Tel Aviv demandent une législation permettant de créer des changements immédiats et durables sur le marché du logement afin de rendre les logements plus abordables à la location et à l’achat.
Il est courant, dans les contrats de location des entreprises, de lier les augmentations de loyer à l’un des indices des prix à la consommation, ce qui constitue un mécanisme permettant aux loyers d’augmenter en fonction du coût de la vie. « Il n’y a aucune raison pour que cela ne fonctionne pas pour les contrats de location résidentiels », a déclaré Me Levi.
Et comme les prix de l’immobilier augmentent, le marché de la location va inévitablement se développer.
« Le gouvernement doit cesser de se concentrer sur l’accession à la propriété et comprendre qu’il a la responsabilité de fournir à tous les habitants du pays un endroit décent où vivre », a déclaré Gan Mor de l’Association pour les droits civils en Israël.
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