Israël en guerre - Jour 60

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Analyse

Les Israéliens n’ont rien à craindre de l’EI si ce n’est « la crainte » elle-même

Assailli de toutes parts, accusant plusieurs défaites militaires et devant faire face à d’inextricables problèmes, l’Etat islamique diffuse des vidéos d’attaques suicides et autres horreurs afin de conserver sa crédibilité intacte. Ne les aidons pas

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Menaces perpétrées de l’autre côté de la frontière dans une vidéo diffusée par un Etat islamique affilié au plateau du Golan syrien le 3 septembre 2016. (Crédit : capture d'écran YouTube)
Menaces perpétrées de l’autre côté de la frontière dans une vidéo diffusée par un Etat islamique affilié au plateau du Golan syrien le 3 septembre 2016. (Crédit : capture d'écran YouTube)

Une vidéo relayée ce samedi par une organisation appelée « l’Armée de Khalid ibn al-Walid » identifiée comme la toute nouvelle branche de l’État islamique situé sur le côté syrien du plateau du Golan a fait le buzz dans les médias israéliens ces jours-ci, partagée et relayée par des milliers d’internautes.

Rien de nouveau dans cette vidéo mettant en scène des Occidentaux face à des groupes djihadistes autour de flagellations, mises à mort, amputations etc…

L’Armée de Khalid ibn al Walid a échoué dans toutes ses tentatives de conquête de nouveaux territoires sur le front syrien du plateau du Golan. La rhétorique autour de la menace n’est pas nouvelle ni inhabituelle en ce qui concerne Israël.

Il s’agit là d’un énième groupe armé opérant sur les flancs du plateau du Golan côté syrien avec une capacité militaire bien peu impressionnante.

L’organisation, présentée, dans la vidéo, montée sur des tanks et menant une série de luttes armées contre un ennemi non identifié (ou ennemi fantôme) est loin de représenter une menace pour Tsahal – pas plus que les organisations de l’opposition syrienne dites modérées ni les combattants du Front Al-Nusra qu’elle perçoit comme son ennemi principal dans le cadre des batailles sur la souveraineté parmi les groupes ultra extrémistes de Syrie.

En d’autres termes, les Israéliens n’ont rien à craindre de ce côté-là.

L’EI, où les groupes tels que l’Armée de Khalid ibn al Walid, prétendant représenter l’État islamique de l’autre côté de la frontière syrienne ne vont pas conquérir le Golan israélien de sitôt.

The new border fence as seen from the Druze village of Majdal Shams (Photo credit: Moshe Shai/ Flash 90)
La nouvelle clôture de la frontière comme on la voit depuis le village druze de Majdal Shams (Crédit : Moshe Shai/ Flash 90)

C’est même tout le contraire.

L’EI, ayant annoncé l’établissement de son califat mondial en juin 2014, a pu profiter de quelques mois de joie et d’extase après une série de victoires puis la conquête d’immenses territoires.

Mais voilà que depuis un an maintenant, l’EI est focalisé sur ses échecs successifs à endiguer l’avance des forces ennemies qui peu à peu conquièrent à nouveau des territoires.

En ce qui concerne le plateau du Golan, la situation de l’EI n’est pas mirobolante. Loin de là.

Leurs prédécesseurs, la brigade des martyrs Yarmouk, a été réduite à néant après que leur commandant (Muhammad « Abu Ali » al-Baridi) et ses officiers ont été tués lors d’une attaque suicide du Front Al Nosra.

Les survivants à cette attaque se sont joint alors à deux autres Djihadistes pour former cette fameuse Armée Khalid ibn Al Walid.

Mais le plateau du Golan est encore le moindre des soucis auxquels l’EI est confronté actuellement.
Il y a trois semaines, les Kurdes ont récupéré des mains de l’EI la ville de Manbij Fallujaj, détenue par l’EI depuis début 2014 prise en juin à l’armée irakienne.

Tout récemment, l’armée turque s’est arrangée pour conquérir des villages détenus par l’EI le long de la frontière syrienne.

S’ajoutent à cela les tirs ciblés des figures leaders de l’EI par les forces aériennes, tel que le porte-parole d’ISIS, Abu Mohammad al-Adnani le mois dernier, des entrées financières moins importantes, une baisse des volontaires au combat ainsi que d’autres problèmes en tous genres.

L’Etat islamique a répondu à cette série de revers par deux des moyens dans lesquels il excelle. Le premier : des attaques suicide comme celles menées lundi dernier un peu partout en Syrie et notamment dans les villes de Hasakah City, Homs, Tartus et Damas causant la mort de 40 personnes. Le second : la diffusion de vidéos sur Internet.

Ces deux méthodes assurent une image « victorieuse » malgré les défaites militaires.

Elles permettent aux groupes djihadistes de montrer des « réussites » sur les réseaux sociaux avec suffisamment d’effet pour éviter que le flux des volontaires se tarisse totalement.

Ils maintiennent l’idée d’un Etat islamique, malgré la réalité des défaites sur les champs de bataille.
Et, c’est bien là que se situe le danger pour l’Occident, contrairement à cette crainte de menace d’une nouvelle faction de djihadistes sur les hauteurs du plateau du Golan : la dissémination de l’idéologie dans les esprits de jeunes Musulmans de par le monde et non pas seulement au Moyen Orient, par le biais de factions de cet ordre.

Nuages de fumée après des frappes aériennes menées par un avion de combat turc sur le village frontalier turc syrien de Jarablos lors de combats contre des cibles du groupe de l'Etat islamique, 24 août 2016. (Crédit : AFP / BULENT KILIC)
Nuages de fumée après des frappes aériennes menées par un avion de combat turc sur le village frontalier turc syrien de Jarablos lors de combats contre des cibles du groupe de l’Etat islamique, 24 août 2016. (Crédit : AFP / BULENT KILIC)

L’Europe se tient prête

Les défaites militaires de l’EI au Moyen Orient apportent avec elles les problèmes désormais familiers à l’Europe et au reste du monde.

Le quotidien « The Independent » a rapporté mardi matin que les pays européens se préparaient à l’éventualité d’un retour de milliers de Djihadistes étant partis en Syrie puis en Iraq depuis l’Europe au cours des dernières années, combattre auprès de l’EI suite aux revers territoriaux et financiers que connait le groupe terroriste.

Le quotidien anglais estime que ce sont entre 5 000 et 7 000 Européens qui ont rejoint les groupes terroristes islamistes au cours de ces 5 années de guerre civile ayant cours en Syrie.

La Grande Bretagne à elle seule en compte 800.

A ce jour, la plupart d’entre eux se trouvent dans des régions encore contrôlées par l’EI ou quelque part ailleurs au Moyen Orient.

Un petit nombre d’entre eux seulement a rejoint son pays d’origine.

L’une des raisons pour lesquelles cette situation persiste est que l’EI fait tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher les volontaires de quitter l’organisation et cela inclut l’assassinat des déserteurs.

Il est cependant fort probable que cette capacité à empêcher le retour des combattants volontaires se réduira au fur et à mesure que le pouvoir militaire de l’EI s’affaiblira.

Pour ce qui est de la presse Israélienne, comment se fait-il qu’elle soit si intéressée par ce monstre dénommé Etat islamique ?

Serait-ce dû à cette constituante juive prompte à paniquer, telle qu’elle s’exprime dans le vieil adage « A chaque génération, ils se lèvent pour nous détruire » ?

Peut-être aussi à cause de cette attirance née du journalisme pour les situations dramatiques ?

La réponse se trouve certainement dans toutes ces suppositions.

Mais un autre facteur doit être pris en compte : la notation. (La rentabilité).
L’EI le conquérant, le destructeur, l’exécuteur rapporte.

Que ce soit le lecteur, le spectateur, l’auditeur : tout le monde veut connaitre les méandres de cette diabolique organisation, l’incarnation même des pires scènes de films d’horreur.

La véritable image d’un ISIS échouant sur le champ de bataille est beaucoup moins attractive que tous les clips vidéo d’Arabes musulmans extrémistes (ou d’Islamistes) coupant des têtes à tout va de l’autre côté de la frontière.

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