Les Juifs de Suède vivent dans la peur
Tandis que les frontières entre la critique d'Israël et l'antisémitisme se brouillent, 'Beaucoup de Juifs ont peur'
En une journée d’automne un peu fraîche, les passants dans une rue centrale de la troisième plus grande ville de la Suède, Malmö, ont été accueillis avec des chants en arabe incitant au meurtre des Juifs.
« Mort aux Juifs » et « Plus de coups de couteau », criaient les manifestants, s’est souvenu Jehoshua Kaufman, un responsable de la communication pour la communauté juive de Malmö.
Les manifestants au rassemblement pro-palestinien en octobre faisaient référence aux attaques au couteau palestiniennes quasi-quotidiennes que subissent les Juifs depuis plus de deux mois en Israël.
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Les politiciens suédois, dont deux membres du parlement, étaient présents lors de la manifestation. Cependant, après que l’ambassadeur d’Israël en Suède, Isaac Bachman, a condamné l’événement, ils ont pris leur distance avec l’événement en affirmant qu’ils n’avaient pas compris la signification des slogans en arabe.
Kaufman s’est demandé comment un tel événement avait été autorisé et pourquoi les politiciens n’avaient pas demandé une traduction des chants.
« Les politiciens auraient pu partir et dire : ‘nous ne savons pas ce que vous dites mais nous ne participerons pas à moins que nous sachions ce que vous dites », a-t-il expliqué.
Ces types d’incidents, où la rhétorique anti-israélienne devient violemment antisémite, ont créé un climat de peur pour la petite communauté juive de Suède, qui compte 15 000 personnes. Les crimes de haine contre les Juifs sont à la hausse. En 2014, il y a eu une augmentation de 38 % de déclaration d’incidents antisémites par rapport à l’année précédente, selon un rapport publié par le Conseil national suédois pour la prévention du crime.
« En ce moment, beaucoup de Juifs en Suède ont peur. Les parents ont peur d’emmener leurs enfants à l’école maternelle juive », a affirmé Johanna Schreiber, une éminente journaliste juive qui vit dans la capitale du pays, Stockholm.
« Les gens de tous âges ont peur d’aller à la synagogue, il y a beaucoup de gens qui enlèvent leurs étoiles de David, parce qu’ils ont trop peur de le porter ».
Le mois dernier, Schreiber a reçu des commentaires haineux et a été la victime d’un vol d’identité après la publication d’un article où elle a critiqué les groupes politiques qui n’ont pas invité les organisations juives aux cérémonies à travers la Suède pour commémorer la Nuit de Cristal, quand les violents pogroms anti-juifs ont éclaté en Allemagne nazie et en Autriche en novembre 1938.
Quand on leur a posé la question, l’un des organisateurs a expliqué que les Juifs pourraient ne pas se sentir en sécurité lors de l’événement.
Exprimer son soutien public en faveur d’Israël peut être dangereux et la police ne fournit pas toujours une protection adéquate lors d’événements pro-israéliens.
Lors d’un rassemblement en 2009 à Malmö, organisé par Kaufman, la petite foule des partisans d’Israël a été forcée d’interrompre l’événement après que la police s’est montrée incapable d’empêcher des milliers de partisans pro-palestiniens de prendre d’assaut les barricades et de courir vers le groupe.
Lorsqu’on lui a demandé s’il s’attendrait à une tournure des événements similaires s’il devait organiser un autre rassemblement aujourd’hui, Kaufman a répondu : « Absolument ».
Ces incidents et le climat général de peur rendent les partisans d’Israël beaucoup plus hésitants à exprimer publiquement leurs opinions. Idit Margulis, une Israélienne qui a vécu en Suède pendant sept ans, a commencé à y réfléchir à deux fois avant d’assister à des rassemblements pro-israéliens après la naissance de sa fille il y a trois ans.
« J’ai une fille, donc je ne prends généralement pas part à des manifestations ou à des choses comme ça, ce qui était quelque chose que je faisais avant de l’avoir. J’ai peur que quelqu’un me fasse du mal quand je suis là-bas », a-t-elle expliqué.
Le gouvernement suédois, dirigé par le parti de gauche, le parti social-démocrate du Premier ministre, Stefan Löfven, est connu pour son soutien indéfectible à la cause palestinienne et à la critique d’Israël. En 2014, le pays est devenu le premier état membre de l’Union européenne à reconnaître l’Etat de Palestine.
Plus récemment, la ministre des Affaires étrangères, Margot Wallström, a été critiqué par Israël pour avoir suggèré que la motivation derrière les attaques terroristes du mois dernier à Paris, au cours desquelles les terroristes islamistes ont tué 130 personnes, découlaient de la frustration des Palestiniens.
Wallström a également suggéré que la réponse d’Israël au terrorisme était « disproportionnée » et a assimilé l’élimination des terroristes palestiniens par l’Etat juif avec des « exécutions extrajudiciaires ».
Des déclarations comme celles faites par Wallström ont créé un climat où la critique constante d’Israël est la norme et les législateurs qui vont contre le statu quo font non seulement face à l’isolement politique mais aussi à de grave menaces sécuritaires.
« Quand je dis quelque chose [de positif] en ce qui concerne Israël, je reçois un flot de courrier haineux et de menaces », a dénoncé Hanif Bali, un membre du parlement pour le parti modéré du centre-droit, le plus grand parti du bloc de l’opposition, au Times of Israel par téléphone.
« Les expéditeurs vont des immigrants palestiniens ou arabes à des gens de gauche en général, de sorte que le dialogue est très polarisé et très agressif. Il est difficile d’évoquer la question parce que vous avez à payer un prix aussi élevé pour cela ».
Bali, qui est d’origine musulmane iranienne, a reçu d’innombrables courriers haineux en raison de son soutien ouvert à Israël. Une fois, il a dû contacter la police après avoir reçu une menace de mort.
« Les gens vous écrivent des choses ouvertement antisémites, comme ‘amateur de Juifs’ et ‘cochon de Juifs’… des insultes antisémites crues, même si je ne suis même pas Juif. Je peux seulement imaginer ce que cela serait si un Juif disait quelque chose sur la question », s’est-il demandé.
Bali estime que le fait qu’il ne soit pas juif lui donne le courage d’exprimer des opinions que de nombreux Juifs ont peur de partager ouvertement.
« Il y a beaucoup de personnes juives qui me contactent et me remercient pour mon soutien public à Israël parce qu’ils ne sont pas capables de le faire eux-mêmes, dans la mesure où l’antisémitisme qui s’est exprimée contre eux est tellement plus fort », a-t-il ajouté.
La position du gouvernement sur Israël est profondément ancrée dans le système politique, a estimé Bali.
Les groupes pro-palestiniens peuvent recevoir des fonds gouvernementaux pour mener des activités de lobbying, enracinant davantage leur point de vue dans le cadre de la position officielle du gouvernement.
Lorsqu’on lui a demandé s’il pouvait imaginer un groupe pro-israélien avoir accès à ces fonds, il a répondu : « Je pense que ce serait très, très difficile. Je ne peux pas imaginer que cela puisse arriver ».
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