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Les leaders de la santé font le point après l’adoption de la loi de la « raisonnabilité »

Des médecins américains et instituts de recherche allemands offrent leur soutien moral à leurs homologues israéliens, qui se demandent s'ils doivent rester ou déménager

Des médecins manifestant contre la réforme du système judiciaire, à Tel Aviv, le 18 juillet 2023. (Crédit : Jack Guez/AFP)
Des médecins manifestant contre la réforme du système judiciaire, à Tel Aviv, le 18 juillet 2023. (Crédit : Jack Guez/AFP)

Les dirigeants de la communauté israélienne du secteur des technologies de la santé – ou HealthTech – et de la MedTech ont promis de continuer à lutter contre la refonte judiciaire du gouvernement après l’adoption du premier texte de loi issu de la vaste refonte judiciaire controversée entreprise par le gouvernement cette semaine.

Les Israéliens sont rejoints par des collègues et des partenaires de recherche de longue date de l’extérieur du pays qui mettent en garde contre les dangers possibles pour la liberté académique israélienne et les importantes collaborations scientifiques internationales.

La loi empêche les tribunaux d’utiliser le critère du « caractère raisonnable » pour évaluer les décisions prises par le cabinet et les ministres.

Parmi les non-Israéliens qui sont profondément troublés, on trouve des médecins juifs américains qui ont exprimé leur soutien à leurs homologues israéliens, ainsi que des universités et des organisations scientifiques allemandes qui ont publié une déclaration commune d’inquiétude au vu des dommages qui pourraient être causés à « des décennies d’échanges intellectuels inspirants » et à une « relation spéciale » avec Israël.

Pendant ce temps, le 8400 – The Health Network d’Israël, une organisation à but non lucratif créée en 2017 pour créer un écosystème coordonné et florissant de MedTech dans le pays, a publié une lettre publique le 25 juillet exprimant « un soutien profond au mouvement pro-démocratie et à ses dirigeants. »

La lettre intitulée « En soutien aux actions visant à défendre la démocratie israélienne » a été signée par quelque 120 des 320 membres de l’organisation, issus des échelons supérieurs du monde universitaire israélien, de l’entrepreneuriat BioTech et MedTech, des soins de santé, du gouvernement et du capital-risque.

« Nous saluons et soutenons les efforts des centaines de milliers de manifestants qui luttent pour sauvegarder la démocratie israélienne, ainsi que les leaders civiques qui se sont engagés et dévoués pour mener cette lutte cruciale », peut-on lire dans le document. « Nous sommes déterminés et engagés à poursuivre la lutte pour un Israël démocratique. Le chemin à parcourir est long, mais nous sommes convaincus que les valeurs fondamentales de notre pays que sont l’égalité, la liberté et les droits de l’Homme prévaudront. »

Ronit Harpaz, PDG d’Endoron, s’exprimant lors d’une manifestation à Ramat Hasharon, le 25 février 2023. (Autorisation)

Un engagement à long-terme

Les membres du 8400 s’opposent activement aux projets de refonte judiciaire du gouvernement depuis le début. Les dirigeants et les membres de l’organisation ont publié des déclarations, participé à des manifestations dans tout le pays et témoigné devant la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset lorsque le projet de loi sur le « caractère raisonnable » a été formulé et débattu.

Ronit Harpaz, co-fondatrice et PDG d’Endoron, une entreprise qui a mis au point une solution de fixation des endogreffes pour les patients qui subissent une réparation de l’anévrisme de l’aorte abdominale, avait déclaré au Times of Israel au mois de mars qu’elle avait apporté les données les plus récentes pour illustrer les graves dangers que les réformes font peser sur les secteurs de la BioTech et de la MedTech.

« Nous avons eu l’impression qu’il n’y avait absolument aucune écoute. Je me suis assise en face du président de la commission, Simcha Rothman. J’ai crié de toutes mes forces mais personne ne m’a écoutée (…). Nous avons apporté tellement de données, tous les détails les plus récents (…) mais ils se sont contentés de se moquer de nous. Ils m’ont traitée de privilégiée et m’ont dit que je perdais mon temps et celui de mon entreprise », a-t-elle déclaré.

Dapha Murvitz, PDG et co-fondatrice du 8400 The Health Network. (Autorisation)

Dès le mois de février, le 8400 a mis en garde contre les dommages causés par la législation sur le « caractère raisonnable ».

« En tant qu’organisation bénévole visant à faire progresser et à développer les technologies de la santé en Israël et à les transformer en moteurs de croissance économique locaux et internationaux, nous sommes déjà conscients des signes inquiétants concernant les entreprises qui transfèrent leur propriété intellectuelle à l’étranger et les bailleurs de fonds qui hésitent à faire d’autres investissements en Israël », a déclaré l’organisation dans un communiqué officiel.

Maintenant que la loi du « caractère raisonnable » a été adoptée, Daphna Murvitz, co-fondatrice et PDG de 8400, a déclaré au Times of Israel qu’elle était certaine que les récents coups portés à la cote de crédit d’Israël et les avertissements de Moody’s, Morgan Stanley et Citibank, l’industrie de la MedTech ressentirait l’impact négatif de la réduction des investissements encore plus que les technologies de pointe.

« Nous sommes encore un secteur en pleine croissance et donc plus vulnérable », a déclaré Murvitz.

Les médecins israéliens cherchent à partir, les Américains se montrent solidaires

Murvitz a mis en garde contre le risque avéré d’une importante fuite des cerveaux.

Une réunion d’urgence via Zoom a eu lieu dans la soirée du 26 juillet pour les 3 000 membres d’un groupe de réseaux sociaux de médecins israéliens intéressés par une éventuelle délocalisation hors du pays. Le directeur-général du ministère de la Santé, Moshe Bar Siman Tov, des institutions scientifiques, des hôpitaux et des caisses de santé se sont joints à la réunion pour rassurer les médecins et les convaincre de rester en Israël.

Des professionnels de la santé se rassemblent à la CPI de Jérusalem pour manifester contrele projet de réforme judiciaire de la coalition, le 23 juillet 2023. (Crédit : Renee Ghert-Zand/The Times of Israel)

Dans sa dernière lettre, le 8400 a particulièrement félicité son partenaire, l’Association médicale israélienne (IMA), qui a été la seule organisation syndicale jusqu’à présent à se mettre en grève pour résister aux actions du gouvernement.

L’IMA a en effet organisé une « grève d’avertissement » de deux heures le 19 juillet, suivie d’un rassemblement de milliers de médecins à Jérusalem le dimanche. Après l’adoption de la loi, l’IMA a appelé à une journée de grève mardi qui a entraîné l’arrêt d’une grande partie du système de santé. Toutefois, l’arrêt de travail a été interrompu en fin d’après-midi lorsque le tribunal du travail de Bat Yam a accepté la demande d’injonction du ministre de la Santé Moshe Arbel pour mettre fin à ce qu’il a appelé « une grève sauvage de dernière minute qui nuira injustement à des milliers de patients ».

Le président de l’IMA, Zion Hagay, s’est dit déçu par la décision, mais a promis que son organisation continuerait à se battre.

« Nous avons un long combat à mener, et notre déclaration cette semaine d’un conflit de travail nous donnera plus d’outils par la suite, notamment l’option de déclarer une grève générale – ce qui est différent d’une grève de protestation sur laquelle le tribunal a statué », a-t-il fait valoir.

Zion Hagay, président de l’Association médicale israélienne. (Crédit : Capture d’écran de YouTube; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur lex droits d’auteur)

52 médecins juifs et/ou israéliens vivant et exerçant aux États-Unis ont signé une lettre adressée le 20 juillet à l’attention du Pr. Hagay. Parmi les signataires figurent 16 chefs de service d’hôpitaux et doyens d’écoles de médecine, dont ceux de Yale, Harvard, l’université de Chicago, l’université de New York et l’université de Rochester.

Dans cette lettre, les professionnels de la santé américains expriment leur solidarité avec l’IMA qui « prend des mesures pour protéger les patients, les médecins et le système de santé (…). Nous comprenons à quel point la décision est difficile à prendre, mais nous sommes convaincus que vous veillerez à ce que la sécurité des patients (…) ne soit pas affectée ».

« Nous comprenons la difficulté de la décision de faire grève, mais nous sommes convaincus que vous veillerez à ce que la sécurité des patients… ne soit pas affectée. Israël dispose d’un système de santé qui est admiré et apprécié dans le monde entier, et nous soutenons vos efforts pour qu’il en reste ainsi », conclut la lettre.

Les principales institutions scientifiques allemandes prennent position

Murvitz a déclaré au Times of Israel que les dommages causés aux collaborations mondiales étaient l’une de ses plus grandes préoccupations.

« Nous appelons nos partenaires israéliens et nos amis de l’écosystème de la HealthTech à l’étranger à prendre des mesures pour défendre la démocratie israélienne et minimiser les dommages déjà apparents causés aux technologies de la santé israéliennes », a-t-elle déclaré.

« Nous nous efforçons également d’inspirer nos partenaires à l’étranger pour qu’ils continuent à collaborer avec les scientifiques et les organisations israéliens, ainsi qu’avec les investisseurs, les start-ups et les entreprises, afin que nos HealthTech puissent continuer à innover et à développer des technologies révolutionnaires qui accélèrent directement la guérison dans le monde », a-t-elle poursuivi.

La refonte judiciaire israélienne a des répercussions en Allemagne, où six organisations membres de la prestigieuse Alliance des organisations scientifiques en Allemagne (Société Max Planck, Fondation Alexander von Humboldt, Fraunhofer-Gesellschaft, Académie nationale allemande des sciences Leopoldina, Association Helmholtz et Conseil allemand des sciences et des humanités) ont publié une déclaration commune sur « la liberté et l’autonomie de la science et de la recherche en Israël ».

Depuis la publication de la déclaration le 20 juillet, l’université libre de Berlin, l’université de Potsdam et l’université allemande U15 (une association de 15 grandes universités médicales allemandes à forte intensité de recherche) se sont également jointes aux signataires.

La déclaration se lit comme suit : « Les projets actuels de refonte judiciaire [israéliens] mettent en péril la liberté académique et risquent de restreindre considérablement notre potentiel commun en matière de science et d’innovation. Nous sommes fermement convaincus que la liberté de recherche et l’autonomie des établissements universitaires sont essentielles à la prospérité continue des sociétés en Israël, en Allemagne et dans le monde entier. »

Patrick Cramer, président de la société Max Planck. (Autorisation)

Selon le Pr. Patrick Cramer, président de la société Max Planck, les discussions sur la publication d’une déclaration étaient en cours depuis plusieurs mois, et sa publication quelques jours avant le vote de la Knesset est arrivée « juste à temps ».

« Nous voulions montrer notre solidarité avec nos collègues israéliens, avec les amis que nous avons en Israël, et des scientifiques de premier plan nous demandaient de les soutenir ou de faire connaître notre opinion », a déclaré Cramer.

Le « caractère raisonnable » déjà mis à l’épreuve

Le critère juridique de « raisonnabilité » n’est pas seulement théorique lorsqu’il s’agit des relations scientifiques germano-israéliennes. En 2018, le ministre des Sciences, des Technologies et de l’espace de l’époque, Ofer Akunis, avait bloqué la nomination de la professeure Yaël Amitaï, chercheuse sur le cerveau à l’université Ben Gurion, au conseil consultatif scientifique de la Fondation allemande pour l’Israël parce qu’elle avait signé une pétition en 2005 appelant les soldats à refuser de servir en Cisjordanie.

Akunis a refusé de suivre les conseils du procureur général de l’époque, Avichaï Mandelblit, et la Cour suprême a finalement demandé à Akunis de reconsidérer sa décision, déclarant que son refus de nommer Amitaï sur la base de sa signature de la pétition était « déraisonnable ». Finalement, Amitaï a été nommée par le successeur d’Akunis, Izhar Shay.

La professeure Yaël Amitaï s’exprimant sur la Treizième chaîne dans une vidéo non datée. (Crédit : Capture d’écran de la Treizième chaîne)

Lors d’un entretien avec le Times of Israel depuis son bureau de Munich, Cramer a souligné l’importance de la science libre pour l’avenir. Il a déclaré qu’Israël, une petite puissance mondiale en matière de recherche et d’innovation, était un partenaire essentiel, et ce, depuis que la première délégation scientifique allemande en Israël, conduite par Otto Hahn, président de la Société Max Planck, a visité l’Institut Weizmann en 1959.

« Les Israéliens sont ceux avec qui il faut travailler parce qu’ils collaborent et échangent des idées. Ils échangent également des postdocs et des doctorants. Cet échange doit se poursuivre. Nous ne voulons pas assister à une fuite des cerveaux israéliens (…) mais les scientifiques ont besoin du meilleur environnement pour leur travail et d’une liberté totale », a-t-il déclaré.

Cramer a exprimé l’espoir que la coalition et l’opposition israéliennes parviennent à un compromis sur la réforme du système judiciaire et ne s’est pas aventuré à dire ce qu’il pourrait advenir des liens scientifiques germano-israéliens si le gouvernement poursuivait ses projets de refonte.

En attendant, les doctorants et les post-doctorants continueront à participer à des programmes d’échange, tout le monde attendant avec impatience de voir comment les choses évolueront.

« Les deux parties souhaitent vivement que nous puissions continuer à collaborer au plus haut niveau, comme nous l’avons fait par le passé », a déclaré Cramer.

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