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Analyse

Les nombreux cadeaux d’adieu de Pompeo auront-ils une valeur à long terme ?

Les visites du secrétaire d'Etat dans une implantation et sur le Golan, ses décisions sur l'étiquetage sont symboliques - et pourraient dynamiser ses ambitions présidentielles

Raphael Ahren

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le secrétaire d'Etat américain  Mike Pompeo écoute le ministre Gabi Ashkenazi (hors cadre) lors d'un briefing sécuritaire sur le mont Bental, sur le plateau du Golan, le 19 novembre 2020. (Crédit : AP Photo/Patrick Semansky, Pool)
Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo écoute le ministre Gabi Ashkenazi (hors cadre) lors d'un briefing sécuritaire sur le mont Bental, sur le plateau du Golan, le 19 novembre 2020. (Crédit : AP Photo/Patrick Semansky, Pool)

Hanoukka est arrivé en avance cette année : Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo est arrivé dans le pays mercredi, amenant avec lui un sac rempli de cadeaux pour le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Pompeo, un évangélique dévot, est clairement l’un des partisans les plus fidèles à Israël de mémoire récente et un grand nombre de personnes, au sein de la communauté pro-israélienne, continueront assurément à le chérir pendant longtemps. Mais les gages de bonne volonté qu’il a apportés jeudi n’auront, malgré tout, probablement pas de réel impact durable.

Certains spécialistes spéculent qu’il s’est rendu en Israël pour préparer une candidature présidentielle possible pour 2024. Donald Trump et Nikki Haley – deux autres candidats potentiels – sont d’ores et déjà des supers-stars au sein de la communauté pro-israélienne et Pompeo devra travailler dur pour leur faire de l’ombre en termes de soutien apporté à l’Etat juif.

Et en une courte journée seulement, Pompeo a prouvé que ceux qui pensaient que l’administration américaine actuelle avait d’ores et déjà offert à Israël tout ce que le pays pouvait souhaiter avaient tort.

Sous Trump, les Etats-Unis ont transféré leur ambassade de Tel Aviv à Jérusalem ; ils ont quitté l’accord sur le nucléaire conclu avec l’Iran ; ils ont appliqué des sanctions à la Cour pénale internationale ; ils ont reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan ; ils ont déclaré que les implantations n’étaient pas illégales ; ils ont approuvé – sur le principe – l’annexion par Israël de certains pans de la Cisjordanie et ils ont négocié des accords de normalisation avec trois Etats arabes.

À l’exception de l’ambassade de Jérusalem, Pompeo a été profondément impliqué dans toutes ces spectaculaires initiatives. Et, jeudi, il a montré qu’il n’en avait pas terminé.

Tout a commencé dans la matinée, aux alentours de 10h30, quand il a annoncé au cours d’une rencontre avec Netanyahu que le Département d’Etat allait dorénavant considérer le mouvement de boycott anti-israélien comme antisémite et qu’il allait sans attendre commencer à sévir contre ses activités – notamment en retirant les financements gouvernementaux aux groupes affiliés à BDS.

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, à gauche, avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la résidence du Premier ministre à Jérusalem, le 13 mai 2020. (Crédit : Kobi Gideon/PMO)

Une initiative que Netanyahu a qualifié de « simplement merveilleuse » – mais il est difficile de dire ce qui va réellement changer sur le terrain. BDS n’est pas très fort aux Etats-Unis et ne reçoit actuellement aucun argent des contribuables qui serait susceptible de lui être retiré par l’administration. De manière très similaire au mouvement Antifa – ce mouvement de gauche que Trump a menacé de placer sur liste noire – BDS n’est pas une organisation centralisée qui pourrait être interdite mais plutôt un phénomène global dont les partisans maintiendront leurs activités, indépendamment des désignations gouvernementales.

Quelques heures plus tard, Pompeo est entré dans l’histoire en devenant le premier ministre des Affaires étrangères à se rendre dans une implantation de Cisjordanie. Le secrétaire d’Etat et son épouse ont déjeuné au domaine viticole de Psagot, connu pour sa croisade (jusqu’à présent infructueuse) contre les efforts livrés par l’Union européenne et d’autres d’étiqueter les produits de Cisjordanie en tant que tels. Le vignoble a également donné le nom de Pompeo à l’une de ses cuvées pour rendre hommage à sa « doctrine » qui estime que les implantations israéliennes ne sont pas nécessairement illégales au regard de la loi internationale.

Une étiquette du vin portant le nom du secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo attend d’être placée sur une bouteille au domaine viticole de Psagot, dirigé par Yaakov Berg, dans le parc industriel de Shaar Binyamin, près de l’implantation de Psagot, en Cisjordanie, le 18 novembre 2020. (Crédit : Emmanuel Dunand/AFP)

Ce déplacement était « privé », selon le calendrier mis au point par le département d’Etat. Ce dernier n’a pas émis de compte-rendu mais le haut-responsable a toutefois publié des photos de Psagot sur son compte Twitter officiel.

Cette visite sans précédent de Pompeo a entraîné des réactions opposées : le mouvement pro-implantation a crié à la victoire tandis que les responsables de Ramallah et tous les activistes pro-palestiniens du monde entier l’ont accusé d’approuver un vol de territoires.

« C’est une bénédiction de me trouver ici, en Judée et Samarie », a-t-il écrit dans le livre d’or du vignoble, utilisant les noms bibliques de la Cisjordanie. « Et puissé-je ne pas être le dernier secrétaire d’Etat à me rendre sur ces belles terres », a-t-il ajouté, probablement très conscient de ce que la prochaine administration américaine s’abstiendra sûrement de telles visites de bonne volonté dans les implantations.

Pendant son déplacement à Psagot, à proximité de Ramallah, Pompeo a annoncé un autre renversement spectaculaire de la politique américaine, affirmant que tous les produits des implantations importés aux Etats-Unis seraient dorénavant étiquetés comme « produits d’Israël » ou « fabriqués en Israël ».

« Nous continuerons à nous opposer à ces pays et à ces institutions internationales qui ôtent sa légitimité à Israël ou qui pénalisent le pays et les producteurs israéliens de Cisjordanie par le biais de mesures mauvaises qui échouent à reconnaître la réalité sur le terrain », a-t-il déclaré – des propos qui ont rappelé les dénonciations furieuses de responsables israéliens face à la politique d’étiquetage des produits des implantations mise en œuvre par l’Union européenne.

Sa visite à Psagot et son annonce peuvent avoir une grande portée symbolique mais, une fois encore, elles ne devraient avoir que peu d’effet concrètement parlant. Sa décision ne fera pas changer la politique européenne et les Etats-Unis n’ont, de toute façon, pas mis en place de régime d’étiquetage particulier pour les produits issus des implantations à l’heure actuelle.

Un hélicoptère militaire israélien Blackhawk transportant le secrétaire d’Etat Mike Pompeo passe au-dessus du domaine viticole de Psagot, dans le parc industriel de Shaar Binyamin, près de l’implantation de Psagot, en Cisjordanie, au nord de Jérusalem, le 19 novembre 2020. (Crédit : Ahmad GHARABLI / AFP)

La valeur de la dite « doctrine Pompeo », en termes de durabilité et en ce qui concerne la légalité des implantations pourrait elle aussi être mise en doute. L’opposition de la communauté internationale à la présence permanente de l’Etat juif en Cisjordanie n’a guère changé, comme l’a souligné cette semaine le déluge de condamnations venues du monde entier qui a suivi l’annonce des plans gouvernementaux de l’élargissement du quartier de Givat Hamatos à Jérusalem-Est.

Il est trop tôt pour dire si le président élu américain Joe Biden se hâtera de revenir officiellement aux positionnements pré-Trump de la Maison Blanche au sujet des implantations. Dans la mesure où il devra avant tout se préoccuper d’une pandémie et d’une crise économique majeure, la ré-institution du protocole de Hansell – qui établissait que les implantations sont « incompatibles avec le droit international » – pourrait ne pas être, dans l’immédiat, au sommet de l’ordre du jour de la prochaine administration.

Mais Biden, depuis des décennies, est un opposant fervent aux expansions d’implantation et il fera probablement connaître son point de vue sur le sujet assez rapidement après son investiture.

Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, à droite, visite le plateau du Golan aux côtés du ministre des Affaires étrangères Gabi Ashkenazi à bord d’un hélicoptère Blackhawk, le 19 novembre 2020. (Autorisation)

Le grand final de la tournée d’adieu de Pompeo, jeudi, a été une visite sur le mont Bental, sur le plateau du Golan – la toute première visite effectuée par un secrétaire d’Etat américain dans cette région stratégique revendiquée par la Syrie depuis la reconnaissance par Washington de la souveraineté israélienne sur ce secteur, l’année dernière (même si cela n’a pas été la toute première visite d’un secrétaire d’Etat en exercice sur le plateau).

« Il est impossible de se tenir ici en regardant de l’autre côté de la frontière en niant ce qui est au cœur de ce que le président Donald Trump a reconnu et que les présidents précédents avaient refusé d’admettre », a dit Pompeo, se référant à la décision prise par Trump de reconnaître la souveraineté israélienne dans le secteur l’année dernière.

« [Ce territoire] fait partie d’Israël et il est une part centrale d’Israël », a poursuivi Pompeo.

Ces propos ont représenté un soutien puissant apporté à la décision prise par Trump au mois de mars 2019 – mais, encore une fois, qui présente peu d’implications sur la vie réelle. Washington reste ainsi la seule capitale du monde – à l’exception de Jérusalem – à reconnaître la revendication israélienne du plateau du Golan et la visite rapide d’un diplomate, solidaire mais sur le départ, n’y changera rien.

Le président américain Donald Trump présente un décret signé reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, sous le regard du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans la salle de réception diplomatique de la Maison Blanche à Washington, le 25 mars 2019. (AP Photo/Susan Walsh)

Biden ne devrait pas revenir sur la reconnaissance du Golan de son prédécesseur mais il ne devrait pas non plus en faire un éloge démesuré. Son ancien boss, Barack Obama, s’était moqué, dans le passé, de Netanyahu après la demande soumise par le Premier ministre israélien de reconnaître la souveraineté de l’Etat juif sur le plateau stratégique, selon une source ayant connaissance des faits.

Pompeo pourrait aussi finalement être le dernier secrétaire d’Etat à se rendre en Cisjordanie et sur le Golan – au moins dans un avenir proche. Mais son image de défenseur sans crainte d’Israël, qu’il a solidifié avec talent jeudi, ne nuira certainement pas à ses chances à la nomination républicaine pour le scrutin de 2024 s’il devait faire le choix de se présenter.

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