Les partis haredi parviennent à un compromis et abandonnent leur menace de dissoudre la Knesset
Malgré un vote voué à l'échec, l'opposition veut réduire l'influence du Shas et de Yahadout HaTorah, deux soutiens du renversement du gouvernement si ce dernier décide d'appuyer une loi favorable à Tsahal

Le projet de loi soutenu par l’opposition visant à dissoudre la Knesset et à provoquer des élections anticipées a été rejeté jeudi. Les députés ultra-orthodoxes ont en effet abandonné leur menace de renverser le gouvernement, dans un contexte d’impasse législative quant au projet sur l’exemption du service militaire pour les jeunes hommes de leur communauté.
Après avoir arraché un accord au député du Likud Yuli Edelstein au terme de pourparlers soutenus, le parti Shas et la faction Degel Hatorah du parti Yahadout HaTorah ont retiré leur soutien au projet de loi de dissolution. Cet accord prévoit la mise en place d’une version moins contraignante du projet de loi réglementant les conditions de l’enrôlement obligatoire des hommes de la communauté ultra-orthodoxe et sanctionnant les déserteurs.
Edelstein, président de la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset, avait précédemment annoncé que sa commission n’approuverait la loi que si elle prévoyait des sanctions contre les hommes ultra-orthodoxes contrevenant aux ordres d’enrôlement.
Malgré le compromis, deux députés de la faction Agudath Israel de Yahadout HaTorah ont voté pour la dissolution. Mais même si le scrutin lui avait été favorable, la dissolution aurait encore dû faire l’objet de trois autres votes.
Les députés ont procédé au vote vers 3 heures du matin, retoquant le projet avec 61 voix contre et 53 pour.
Le Shas et Yahadout HaTorah sont connus pour leur attachement à l’exemption historique du service militaire obligatoire dont bénéficie la communauté haredi. Ils avaient menacé de soutenir le projet de loi de dissolution en raison d’un désaccord sur la question de la conscription. En cas de dissolution, le Premier ministre Benjamin Netanyahu se serait retrouvé dépourvu de la majorité nécessaire pour rester au pouvoir. Les élections ne sont actuellement prévues que pour 2026.
À l’issue de leur rencontre avec Edelstein en début de soirée, les partis ultra-orthodoxes ont confirmé que « des accords ont été conclus concernant les principes de la loi préservant le statut des étudiants des yeshivas ».
Dans une déclaration conjointe, les factions ont fait savoir que « quelques jours de plus seront nécessaires pour rédiger la version finale » de la loi et que leurs responsables rabbiniques ont donc demandé aux députés de reporter d’une semaine supplémentaire le vote pour la dissolution de la Knesset.
« Par conséquent, nous appelons l’opposition à reporter à la semaine prochaine le projet de loi sur la dissolution de la Knesset soumis en son nom. Si le projet de loi n’est pas rejeté, alors nous voterons contre la dissolution de la Knesset », ont-elles ajouté.
Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a cependant annoncé que le vote aurait lieu quoiqu’il arrive, dans le but de priver les partis haredi de la possibilité de menacer de dissoudre la Knesset durant les discussions à venir sur le projet de loi.
Conformément aux règles parlementaires, la loi ayant été rejetée, les députés devront désormais attendre six mois avant de pouvoir présenter un autre projet de loi de dissolution de la Knesset.

Lapid a sévèrement critiqué le compromis avec les factions haredi. Le gouvernement a « craché au visage des combattants de Tsahal » et « bradé nos soldats », a-t-il affirmé.
Agudat Israel a également hésité à accepter le compromis, arguant du fait qu’il n’existait pas « même d’offre écrite, incluant des informations détaillées sur la loi régissant le statut des étudiants des yeshivas ».
À l’issue du vote, le site ultra-orthodoxe Kikar Hashabbat a rapporté que le responsable d’Agudat Israël Yitzhak Goldknopf, qui préside également le parti Yahadout HaTorah, devrait démissionner de son poste au cabinet, ce qui, dans la foulée, obligera aussi le député de Yahadout HaTorah Moshe Roth à quitter la Knesset en vertu de la « loi norvégienne ».

Dans un communiqué émis au cours de la nuit, Edelstein a réaffirmé que « seul un projet de loi réaliste et efficace permettant d’élargir la base de conscription de Tsahal » sortirait de sa commission, qui devrait « entamer sous peu ses délibérations sur la loi, et la faire avancer vers les deuxième et troisième lectures ».
« Il s’agit d’une nouvelle historique. Nous sommes désormais en route vers un réel changement dans la société israélienne, vers un renforcement de la sécurité de l’État d’Israël », a-t-il ajouté.
Un nouvel accord
Au cœur de cette crise désormais interrompue se trouvait l’exaspération des dirigeants ultra-orthodoxes envers Edelstein, lequel a longtemps bloqué au sein de sa commission l’adoption d’un projet de loi soutenu par le gouvernement et consacrant l’exemption générale du service militaire pour les Haredim.
Selon certaines informations, une nouvelle version de ce projet de loi, révisée par la commission d’Edelstein, prévoyait des sanctions sévères, à commencer par la fin des déductions sur l’impôt foncier et des tarifs réduits dans les transports publics, la suppression des avantages fiscaux pour les femmes employées et mariées à des déserteurs, l’exclusion des loteries pour le logement et la fin des subventions pour les garderies et les études.
Dans cette version, le projet de loi devait priver les déserteurs, jusqu’à l’âge de 29 ans, du droit de passer le permis de conduire ou de se rendre à l’étranger, sans compter le risque d’interpellation.
Cependant, Edelstein, afin d’empêcher la dissolution de la Knesset, aurait renoncé à nombre de ses revendications durant les pourparlers avec les Haredim.

Selon le site d’information ultra-orthodoxe Behadrei Haredim, le nouveau projet stipule que la loi sur l’enrôlement sera uniquement temporaire et prévue pour une période de six ans – ou quatre si elle ne permet pas d’atteindre les objectifs de mobilisation.
Les sanctions liées aux subventions des études universitaires, des voyages internationaux et des permis de conduire bénéficieraient d’une application immédiate. D’autres, relatives aux subventions pour les garderies et les transports en commun, seraient retardées.
En cas d’échec du gouvernement à atteindre ses objectifs de conscription dans un délai de deux ans, des sanctions supplémentaires entreraient en vigueur, incluant notamment l’exclusion des déserteurs de la loterie pour le logement.
Des sanctions institutionnelles seraient également imposées aux yeshivas ne fournissant pas suffisamment de soldats. Une yeshiva fournissant moins de 95 % de son objectif annuel verrait ainsi son budget amputé de 50 % au maximum, voire de la totalité si elle n’atteint pas 75 % de son objectif.
Selon le compromis, tous les étudiants des yeshivot seraient traités comme si aucune loi n’avait existé avant.
Le choix de l’évasion
Dans une déclaration prononcée à la suite de l’échec du projet de loi, le président de Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, a annoncé que son parti « ne permettra pas que la question de la conscription soit utilisée comme monnaie d’échange politique ».

« Ce soir, le gouvernement israélien a une fois de plus fait le choix de la désertion plutôt que du sionisme. Une fois de plus, il a placé la politique au-dessus des intérêts nationaux et de la sécurité. Il a abandonné ceux qui servent et s’enrôlent au profit des déserteurs », a-t-il rapporté. « Si nous avions consacré tout ce temps et tous ces efforts aux questions véritablement importantes, nous aurions déjà vaincu le Hamas et ramené les otages. »
« Le gouvernement israélien n’a pas été dissous parce que Netanyahu a promis aux Haredim que nos enfants continueraient à se battre et à sacrifier leur vie, tandis que leurs enfants en seraient exemptés », a approuvé le président des Démocrates, Yair Golan.
« Seule la majorité démocratique sioniste, au service des Israéliens qui aiment ce pays, pourra sauver Israël de la corruption et rétablir sa sécurité. »