L’ex-ministre de la Défense critique Netanyahu dans l’affaire du procès d’Azaria
Moshe Yaalon : En épousant la cause du soldat qui avait tué par balle un agresseur palestinien déjà neutralisé, le Premier ministre a été à l’origine d’une crise entre les politiciens et les responsables de la Défense
L’ancien ministre de la Défense Moshe Yaalon a critiqué le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour sa prise de position dans le dossier d’un soldat de l’armée israélienne qui a été inculpé d’homicide involontaire après avoir mortellement tiré sur un terroriste palestinien responsable d’une attaque au couteau, alors que ce dernier avait déjà été neutralisé, au début de l’année.
Certains politiciens “ont saisi [dans cette affaire] une opportunité, ils ont décidé de dire que le soldat était un héros et ils ont commencé à faire se propager des rumeurs contre le Premier ministre, contre moi et contre l’armée israélienne”, a déclaré mercredi Yaalon, rappelant les premières agitations qui étaient survenues dans le sillage de l’incident.
“Plus tard, malheureusement, le Premier ministre a fait volte-face et a décidé d’épouser la cause du soldat et celle de sa famille”, a-t-il accusé.
Les procureurs militaires ont réclamé une peine de prison pour le sergent Elor Azaria, 19 ans, qui a tué par balles un terroriste palestinien âgé de 21 ans dans la ville de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie, le 24 mars.
Un enregistrement vidéo largement diffusé sur Internet semble montrer Azaria, qui possède les nationalités israélienne et française, tirant une balle dans la tête d’Abdul Fatah al-Sharif lorsque ce dernier gît à terre, ne posant de toute évidence aucune menace.
Le Palestinien et un complice, qui a également été mortellement touché par une balle, avaient poignardé un autre militaire israélien, le blessant légèrement.
Le verdict est attendu la semaine prochaine, a rapporté la Deuxième chaîne.
L’incident et le procès qui ont suivi avaient suscité une grande controverse en Israël et enflammé les tensions politiques, les partisans de l’extrême-droite et certains politiciens accusant les responsables de la Défense d’abandonner l’un des leurs.
Cet incident avait également créé un affrontement entre Yaalon, qui était alors ministre de la Défense, et Netanyahu, qui avait demandé la tenue d’une procédure judiciaire « équilibrée ».
“En tant que père d’un soldat et en tant que Premier ministre, je voudrais le répéter : Tsahal soutient ses soldats”, avait déclaré Netanyahu, au mois d’avril, ce qui avait provoqué la colère de Yaalon et de certains hauts-responsables militaires.
Yaalon avait contre-attaqué un mois après dans un discours où il recommandait aux officiers de l’armée israélienne de continuer à s’exprimer contre la “minorité extrémiste” qui, avait-il dit, oeuvrait à saper les valeurs des militaires israéliens.
Cette allocution lui avait valu une réprimande de Netanyahu et il avait été remplacé à son poste, peu de temps après, par le leader de Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, dans les cadre des efforts livrés par le Premier ministre pour étendre et renforcer sa coalition.
Liberman a publiquement soutenu Azaria et a déclaré que les politiciens, en référence à Yaalon, ne pouvaient pas décider de son sort en s’exprimant publiquement contre ses actions.
Prenant la parole mercredi à l’occasion d’un événement organisé pour des élèves en dernière année de lycée, dont un grand nombre commencera son service militaire de façon imminente, Yaalon a décrit en détail le déroulement des événements qui ont entouré la fusillade.
“Onze minutes après la fin de la bataille [entre l’agresseur et le soldat qui avait été poignardé], le soldat [Azaria] est arrivé sur le lieu où les deux [attaquants] étaient couchés au sol, l’un d’entre eux était mort, l’autre en train de mourir. Il a donné son casque à un ami en lui disant de le lui tenir une seconde. Il a chargé son arme et a tiré en direction de la tête de l’agresseur”, a expliqué Yaalon aux adolescents.
“On ne peut pas juste tirer sur les gens comme ça”, a dit l’ancien ministre de la Défense qui a également été à la tête de Tsahal. “Même si c’est un terroriste, même si c’est un autre soldat qui vient de tirer sur vous mais qui s’est rendu et qui a été neutralisé. On ne tire pas sur les gens comme ça”.
Yaalon a expliqué qu’il était immédiatement apparu très clairement pour ceux qui se trouvaient sur place – les amis et les collègues du soldat – que ce tir était intervenu “contre les ordres, contre la loi et contre les valeurs défendues par Tsahal”.
“Il a été clair pour les hauts-responsables de l’armée que ce n’était pas quelque chose à faire”, a-t-il ajouté.
Décrivant les moments immédiats après qu’il a reçu un message lui narrant l’incident, Yaalon a indiqué que lui et le chef d’Etat-Major Gadi Eisenkot avaient vu les images et qu’ils avaient su que “si nous ne nous exprimons pas très clairement contre ce qu’il s’est passé, si nous ne le dénonçons pas, ce comportement, alors les Palestiniens nous accuserons – comme ils le font depuis longtemps – de nous livrer à des meurtres extrajudiciaires. Si nous ne mettons pas un terme immédiatement à ce type d’agissement”, il y aura une réponse palestinienne et internationale.
“Et nous avons ainsi décidé – le Premier ministre, moi-même et le chef de Tsahal – de faire paraître une réponse condamnant l’incident. Puis la procédure judiciaire a suivi. »
Après la “volte-face” du Premier ministre, a accusé Yaalon, une campagne a été lancée contre le chef d’Etat-Major de l’armée israélienne et il s’est retrouvé seul à assurer la défense du haut-gradé militaire.
Le cas d’Azaria avait suscité un débat féroce parmi les Israéliens, un grand nombre d’entre eux réclamant à l’armée d’obéir aux valeurs éthiques, telles qu’une utilisation proportionelle de la force.
D’autres avaient défendu l’action du soldat, soulignant la série d’attentats commis par les Palestiniens au cours de l’année précédente et affirmant qu’il n’avait fait qu’agir aux ordres de ses officiers.