L’extrême-droite radicale s’enracine dans la politique hongroise
Si le Jobbik récuse le reproche d'antisémitisme, il n'a pas hésité, en février, à organiser un meeting à Esztergom dans une ancienne synagogue
Le parti d’extrême droite Jobbik, l’un des plus radicaux en Europe, s’enracine dans la politique hongroise avec une nouvelle percée aux législatives.
La formation, jugée infréquentable entre autres par le Front national français et le FPÖ autrichien, a raflé dimanche 20,54 % des suffrages pour arriver en troisième position derrière le Fidesz conservateur et l’alliance de la gauche, selon des résultats partiels portant sur 98,97 % des bulletins.
Elle progresse de 3,5 points par rapport à 2010, quand le Jobbik avait participé pour la première fois aux législatives.
Ce succès est obtenu alors que le parti Fidesz de Viktor Orban, le Premier ministre conservateur reconduit dimanche, assèche depuis quatre ans le terreau politique du Jobbik avec son propre nationalisme, son populisme, son attachement proclamé aux valeurs chrétiennes et ses conflits théâtralisés avec l’Union européenne.
Or le Jobbik, encore donné sur le déclin il y a six mois, « a presque doublé le nombre de ses soutiens en deux mois grâce à sa campagne », relève l’expert Zoltan Miklosi.
Pour l’analyste Kornelia Magyar, de l’institut Progressiv, le Jobbik « capitalise sur la déception envers le Fidesz », dont la position s’érode avec 44,5 % des suffrages, contre 52,7 % en 2010.
Echec de la gauche
Le Jobbik a aussi capté une bonne part du vote protestataire, ce qui serait « clairement lié à l’échec de la gauche », note Aron Hidvégi dans le quotidien Szazadveg, proche du gouvernement.
Selon Mme Magyar, l’extrême-droite a su profiter des tensions avec la minorité Rom dans le nord-est deshérité du pays : « Les solutions qu’offrait la gauche n’ont pas séduit, au contraire de celles du Jobbik ».
Troisième élément expliquant le progrès national de l’extrême droite : il a non seulement confirmé sa puissance dans l’est, atteignant 30 % dans certaines circonscriptions, mais aussi amélioré son score partout ailleurs, à l’exception de la capitale, Budapest, et de quelques centres-villes.
La dernière clé de ce succès est le polissage de son image entrepris par le Jobbik depuis un an.
Le style des affiches de la campagne 2014 est bien différent du noir et blanc martial d’il y a quatre ans. Place aux candidats aux allures de jeunes cadres, souriant sur fond de fleurs blanches. Du côté des slogans, « Vous ne pouvez pas arrêter l’avenir » a remplacé « La Hongrie aux Hongrois ».
Le programme du parti, lui, continue de stigmatiser la communauté rom de Hongrie, la plus importante en Europe avec près de 10 % de la population.
Le Jobbik préconise ainsi d’instaurer une catégorie de délits « commis typiquement par la minorité ethnique ». Il promet aussi des centres de détentions spéciaux pour les Roms « déviants ».
La création d’une « gendarmerie » rurale, autre proposition du parti, rappelle l’initiative en 2007 de la « Garde hongroise », une milice interdite deux ans plus tard, qui organisait des marches d’intimidation dans les quartiers roms.
Si le Jobbik récuse le reproche d’antisémitisme, il n’a pas hésité, en février, à organiser un meeting à Esztergom (nord-ouest) dans une ancienne synagogue.
Selon Kristof Domina, président de l’Institut Athena, un observatoire des mouvements extrémistes en Hongrie, il s’agissait d’un message adressé au noyau le plus extrémiste du parti.
Les dérapages de nombreux cadres du parti semblent avoir le même objectif. Un député Jobbik avait ainsi réclamé en 2012 l’établissement d’une liste de parlementaires juifs « pouvant poser un risque pour la sécurité nationale ».
La même année, un autre avait affirmé à un site internet français que les Hongrois étaient « victimes d’une conspiration juive pour coloniser leur pays et voler leurs ressources ».