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Longtemps isolés, les ‘ilôts’ juifs d’Afrique sont réunis par un photographe

Le projet de Jono David, 50 ans - 4 années de photographie des communautés juives africaines - est exposé au musée Beit Hatfutsot de Tel Aviv

Alex Armah (au centre), dirigeant spirituel, avec les membres de la communauté pendant l'office du matin à la synagogue Tifereth Israel, à New Adiembra, au Ghana, en février 2014. (Crédit : Jono David)
Alex Armah (au centre), dirigeant spirituel, avec les membres de la communauté pendant l'office du matin à la synagogue Tifereth Israel, à New Adiembra, au Ghana, en février 2014. (Crédit : Jono David)

Les synagogues des nouvelles communautés juives en Afrique sont souvent de modestes bâtiments que l’on trouve à la fin des routes de terre bosselées. Ces communautés, qui ressentent un lien historique ou spirituel avec le judaïsme, ont du mal à pratiquer pleinement leur religion dans leurs enclaves isolées. Le judaïsme a toujours été présent en Afrique du Nord, et plus tard, en Afrique du Sud. Mais au milieu de ce vaste continent, des dizaines de nouvelles communautés juives commencent à tendre la main vers le monde juif en général.

Certains, comme au Ghana, pensent qu’ils sont des descendants historiques de commerçants juifs dans le Sahara. D’autres, en Ouganda et au Kenya, ont senti une attirance spirituelle pour le judaïsme.

Le photographe Jono David, 50 ans, a tenté de capturer des moments intimes des petites communautés juives émergentes à travers l’Afrique dans 30 pays et territoires différents.

Une exposition de certaines de ses photos, Les enfants d’Abraham et Sarah, est actuellement présentée à Beit Hatfutsot, le musée du peuple juif, jusqu’au mois de décembre.

Ces photos font partie d’une installation qui comprend également deux vidéos de Nina Pereg, filmées au Tombeau des Patriarches à Hébron, montrant les préparatifs pour transformer le site sacré d’une mosquée en une synagogue et vice versa, pendant les deux jours de l’année où l’ensemble du complexe est ouvert aux Juifs ou aux Musulmans.

Le portfolio de photos juives HaChayim Hayehudim de David compte plus de 100 000 photos prises dans 145 pays et territoires sur les six continents. Il a visité des centaines de communautés juives, documentant comment ces personnes combinent leur identité spirituelle avec les coutumes locales.

« J’ai toujours considéré que le judaïsme était centré sur l’Europe », a déclaré David, qui est né en Angleterre, mais a grandi dans la banlieue de Washington. Comme beaucoup de Juifs américains, il vient d’un mélange d’héritage juif russe et polonais. Il s’est rendu pour la première fois dans une petite communauté juive en 1988, dans la jungle amazonienne à Manaus, au Brésil.

« En 1997, je faisais un grand voyage, je faisais Pékin-Londres en train, en m’arrêtant à divers endroits », s’est remémoré David. « A mesure que ce long voyage avançait, j’ai ressenti une attirance envers les connexions juives… C’était plus en relation avec les contacts sociaux, et non pas religieux, et ce furent les premiers semis de ce qui m’a amené à ce que je fais maintenant ».

Ce voyage de 1997 a poussé David à partir à la recherche des communautés juives partout où il allait, voyageant pendant des heures pour atteindre les villages reculés et rencontrer des gens de ce réseau juif. David a vécu au Japon ces 22 dernière années, où il enseigne l’anglais à l’université d’Osaka City, entre autres. Cela lui permet d’avoir de longues vacances pendant lesquelles il peut voyager dans le monde entier entre les semestres.

Synagogue ancienne, Dura Europos, en Syrie en février 2003. (Crédit : Jono David)
Synagogue ancienne, Dura Europos, en Syrie en février 2003. (Crédit : Jono David)

Il y a cinq ans, après avoir lu le livre « Les Juifs noirs d’Afrique », David a décidé de concentrer ses errances sur le plus grand projet qu’il ait jamais entrepris : tenter de photographier toutes les synagogues et les cimetières d’Afrique.

Après avoir passé une année à faire des recherches et à se créer un réseau, il a fait son premier voyage en août 2012. Il lui a fallu huit voyages dans 30 pays et plus de trois ans et demi – ce qui constitue environ 60 semaines de Voyage – pour prendre ses photos. Il a terminé son voyage en avril de cette année. La dernière étape de son dernier voyage était de venir en Israël pour se rendre à l’exposition au Beit Hatfutsot.

David s’est au final rendu compte qu’il y avait tout simplement trop de synagogues et de cimetières pour parvenir à tous les photographier, donc il s’est plutôt concentré sur sa tentative d’atteindre toutes les communautés. Il y a quelques communautés où il n’a pas pu établir de connexions, comme les Juifs Rusape au Zimbabwe et une communauté à Madagascar qui a récemment entrepris une grande conversion en mai. En outre, il y a toujours de nouvelles communautés qui émergent.

« Les gens qui voient [cette exposition] sont des gens qui ne vont probablement pas savoir que ces communautés existent, c’est une chose émergente en Afrique », a expliqué David via Skype depuis son domicile à Osaka.

Le photographe Jono David au musée mémorial des pionniers juifs (ancienne synagogue de la rue Raleigh) à Port Elizabeth, en Afrique du Sud. (Crédit : Jono David)
Le photographe Jono David au musée mémorial des pionniers juifs (ancienne synagogue de la rue Raleigh) à Port Elizabeth, en Afrique du Sud. (Crédit : Jono David)

Le but de son projet photographique était double : documenter la présence de ces communautés juives isolées, de sorte que leurs traditions uniques puissent être préservées, et aussi pour essayer de les connecter au monde juif en dehors de l’Afrique.

« Je n’étais pas la première personne à y aller, et je ne serai pas la dernière, a-t-il déclaré. Certains hésitaient à se laisser photographier. Après avoir pris beaucoup de photos, les gens ont commencé à se méfier, et m’ont demandé ce que j’allais faire avec ces photos. »

« Je leur ai dit que mon objectif est ‘d’éclairer votre communauté pour que les personnes vous connaissent et que des gens viennent ici et puissent vous soutenir' », a déclaré David. « J’espère que je pourrais être une voix vers l’extérieur en prenant des photos, via un site internet, via une exposition, peut-être un livre, pour que les personnes soient attirées ici. Cela vous aidera à vous réunir avec d’autres communautés qui ne sont pas si loin ».

Généralement, les communautés étaient excitées de le voir, et lui ont accordé « un traitement royal de rock star », a déclaré David. Il est reconnaissant que des personnes aient souvent quitté leur travail pour lui montrer les environs ou ouvrir une synagogue au milieu de la journée. « Autant que je puisse dire, ces communautés sont accueillantes parce qu’elles ont envie que les gens les reconnaissent et les accueillent et les aident à les soutenir pour apprendre », a-t-il dit.

La synagogue de la place Jakab et Komor, la grande synagogue de Subotica, en Serbie, est l'une des synagogues préférées de David dans le monde. Photographiée en août 2004. (Crédit : Jono David)
La synagogue de la place Jakab et Komor, la grande synagogue de Subotica, en Serbie, est l’une des synagogues préférées de David dans le monde. Photographiée en août 2004. (Crédit : Jono David)

Certaines organisations, comme Kulanu, Bechol LaShon, et la Synagogue unie du judaïsme conservateur sont actuellement impliquées dans le développement ou des projets d’éducation religieuse dans des communautés de toute l’Afrique. David travaille indépendamment, inquiet que certaines organisations introduisent des « marques de judaïsme » qui ne correspondent pas nécessairement aux besoins des communautés.

Quelques-unes de ces communautés d’Afrique sont considérées comme juives selon la halakha [la loi juive], et d’autres entreprennent des conversions avec des mouvements orthodoxes et conservatrices. Dans la communauté Abayudaya de l’Ouganda, ceci a toujours entraîné une fracture interne de la communauté, signifiant que même dans l’Ouganda rural, il y a une synagogue où vous n’allez pas.

Dans d’autres endroits, les personnes commencent en tant que Juifs messianiques et se sentent attirées par le judaïsme. David a déclaré que même s’il avait pu visiter des communautés juives messianiques, qui se disent souvent juives, il a refusé de le faire.

« J’ai été présenté à des communautés émergentes qui n’étaient pas nées juives mais avaient à cœur de le devenir », a-t-il dit. « Elles sont si impatientes d’apprendre et de vivre des vies juives ».

« Je ne vais dans aucune de ces communautés pour juger, façonner ou former d’une manière ou d’une autre, si elles sont assez juives », a ajouté David.

Il a noté qu’il était né 100 % juif des deux côtés, mais en tant que « juif culturel » non pratiquant, peu d’ultra-orthodoxes juifs le considèrent comme un « vrai croyant ». « Je pense que c’est plus au sujet de ce qui est dans votre cœur et de ce que vous pratiquez, a-t-il dit. Nous ne choisissons pas qui sont nos parents, ou la couleur de notre peau. »

« Tant que leurs cœurs sont sincères, je ne dis pas qu’ils doivent vivre des vies juives ultra-religieuses, mais je pense qu’ils devraient être considérés comme Juifs », a-t-il déclaré.

Le dirigeant spirituel de la communauté juive Beth Yeshourun, Serge Etele (à gauche) inspecte une nouvelle mezuza, chez la famille Ambomo, à Douala, au Cameroun, en février 2014. (Crédit : Jono David)
Le dirigeant spirituel de la communauté juive Beth Yeshourun, Serge Etele (à gauche) inspecte une nouvelle mezuza, chez la famille Ambomo, à Douala, au Cameroun, en février 2014. (Crédit : Jono David)

Une différence majeure pour les communautés émergentes depuis la dernière décennie est la prévalence d’internet. Le chef de la communauté Abayudaya d’Ouganda a décidé de devenir Juif en 1920, mais ce n’est pas avant le milieu des années 1990 qu’ils ont réalisé qu’il y avait d’autres Juifs dans le monde.

A présent, une simple recherche internet connecte les communautés juives du Gabon et du Bénin, du Zimbabwe et du Cameroun, leur permettant de se trouver les uns les autres et de mailler le vaste monde pour obtenir du soutien. Le dirigeant juif kenyan Yehudah Kimani s’est tourné vers Facebook, lançant une campagne de financement participatif qui lui a permis d’envoyer chaque enfant juif de sa communauté à l’école.

Avec le soutien de Koulanou et d’amis Facebook rencontrés uniquement sur internet, il étudie à présent à l’institut Brandeis de Californie et s’est exprimé dans plusieurs états des Etats-Unis. Ceci, moins de 15 ans après que son père, ancien diacre de l’Eglise juive messianique du Kenya, a décidé de rompre avec cette communauté et de devenir juif.

« Internet a vraiment accéléré la courbe d’intérêt et la courbe d’apprentissage de beaucoup de ces communautés », a déclaré David, qui a pris la plupart de ses contacts en ligne. « Absolument, internet a vraiment changé la vie. »

David espère transformer ses photographies africaines en livre. De futures expositions sont prévues au centre de l’Holocauste et du génocide de Johannesburg, au musée juif marocain de Casablanca, au centre communautaire juif de Rockville, dans le Maryland, et au musée juif d’Australie à Melbourne. David aimerait aussi mener un projet similaire sur les communautés juives émergentes d’Amérique latine, mais seulement s’il peut trouver un financement externe. Il a financé et organisé tous ses voyages précédents.

Les femmes de la communauté Lemba, à Manavhela, dans la province de Limpopo en Afrique du Sud, en août 2015. (crédit : Jono David)
Les femmes de la communauté Lemba, à Manavhela, dans la province de Limpopo en Afrique du Sud, en août 2015. (crédit : Jono David)

L’exposition de David sera à Beit HaTfutsot jusqu’en décembre. La photo de la synagogue en plastique du Kenya est située au coin d’une pièce remplie de modèles intriqués de synagogues européennes, de majestueux lieux de culte avec des moulures sculptées, des verres magnifiquement teintés et des plafonds élancés. Dans une autre aile du musée, une vidéo de la spacieuse synagogue du Lincoln Center, à New York, montre une petite communauté de Juifs âgés, occupant à peine quelques sièges de la salle caverneuse.

Sur les escaliers de l’exposition de David, les petites synagogues à la fin des routes boueuses sont bondées de gens, une étude en contraste.

« Certainement, mon lien au judaïsme est culturel, historique, et ce sentiment d’appartenance a été renforcé par mes voyages, a-t-il déclaré. J’ai toujours dit que j’étais le type derrière l’objectif, derrière moi, il y a une communauté juive entière qui rend ces photographies possibles. »

L’un de ses souvenirs favoris est l’accueil qu’il a reçu en rendant visite à la tribu Lemba en Afrique du Sud.

« Alors que nous arrivions, ces femmes sont sorties avec leurs plus belles robes traditionnelles, a-t-il dit. Elles ont commencé à chanter et à danser et à entourer la voiture, et c’était incroyable. Je ne pouvais pas les photographier parce que je n’avais pas encore été présenté. Je suis simplement sorti et j’ai dansé avec elle. »

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