L’ONU demande à La Haye de statuer sur les obligations d’Israël envers les Palestiniens
L'Assemblée générale réagit à l'interdiction de l'UNRWA par Jérusalem ; Israël propose de remplacer l'agence et défend sa gestion de l'aide dans une lettre au Conseil de sécurité
L’Assemblée générale des Nations unies a approuvé jeudi une résolution demandant à la Cour internationale de justice (CIJ) de se prononcer sur les obligations humanitaires d’Israël envers les Palestiniens, alors que la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas se poursuit dans la bande de Gaza.
La résolution, soumise par la Norvège, a été adoptée à une large majorité : 137 pays ont voté pour, 12 contre, et 22 se sont abstenus.
Elle demande à la CIJ de clarifier ce qu’Israël est tenu de faire pour « garantir et faciliter l’acheminement sans entrave de l’approvisionnement indispensable à la survie de la population civile palestinienne ».
L’initiative de la Norvège a été partiellement déclenchée par l’adoption en octobre par le Parlement israélien d’une loi interdisant, à partir de fin janvier, à l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) d’opérer sur le sol israélien et de se coordonner avec les autorités israéliennes.
Les autorités israéliennes accusent des employés de l’UNRWA d’avoir participé au pogrom perpétré sur son sol le 7 octobre 2023 par le Hamas.
La nouvelle loi israélienne adoptée en novembre ne prohibe pas explicitement les activités de UNRWA en Cisjordanie et à Gaza. Elle devrait néanmoins avoir des répercussions significatives sur la capacité de l’organisation à mener ses opérations dans ces régions. Les hauts responsables de l’ONU et le Conseil de sécurité ont qualifié l’UNRWA de pilier essentiel de l’aide humanitaire à Gaza.
Bien que les décisions de la CIJ, plus haute juridiction de l’ONU basée à La Haye, soient juridiquement contraignantes, la cour ne dispose d’aucun moyen concret pour les faire respecter.
Mais elles accentuent la pression diplomatique sur Israël. En juillet, la CIJ avait rendu, dans une affaire distincte, un avis consultatif selon lequel l’occupation israélienne du territoire palestinien était « illégale » et devait cesser dès que possible.
Israël est également accusé de génocide devant la CIJ, dans une affaire initialement portée par l’Afrique du Sud à propos de la guerre à Gaza. Israël rejette catégoriquement cette accusation, soulignant les mesures prises pour limiter les pertes civiles dans un conflit déclenché lorsque quelque 3 000 terroristes du Hamas ont déferlé sur le sud d’Israël, où ils ont assassiné plus de 1 200 personnes et pris 251 otages.
La résolution adoptée jeudi exprime « une grave préoccupation concernant la situation humanitaire désastreuse dans le territoire palestinien occupé » et demande à Israël « de respecter ses obligations en n’empêchant pas le peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination ».
« C’est une catastrophe que la communauté internationale n’ait pas été en mesure de répondre de manière adéquate », a déclaré à l’AFP Andreas Kravik, le vice-ministre norvégien des affaires étrangères.
« Ce n’est pas un manque de volonté de la communauté internationale de fournir une aide humanitaire, mais nous n’avons pas accès (à Gaza) et nous n’obtenons pas la collaboration dont nous avons besoin », a-t-il regretté.
L’Argentine, la République tchèque, Fidji, la Hongrie, la Micronésie, Nauru, Palau, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Paraguay et les Tonga ont voté contre la résolution, aux côtés d’Israël et des États-Unis.
Depuis le début du conflit déclenché par le pogrom du Hamas, les organisations humanitaires internationales ont à plusieurs reprises alerté sur ce qu’elles qualifient de crise humanitaire majeure à Gaza.
Israël affirme avoir pris des mesures pour faciliter l’entrée de marchandises dans la bande de Gaza, rejetant toutefois la responsabilité des détournements de l’aide sur des groupes armés, souvent affiliés au Hamas, qui pillent régulièrement les camions d’approvisionnement. Le gouvernement israélien critique également les organisations humanitaires pour leur incapacité à assurer la distribution efficace de grandes quantités d’aide.
Les agences de l’ONU et les ONG ont mis en avant les obstacles rencontrés pour acheminer l’aide, citant des pénuries de carburant pour les camions, un manque de respect des règles de droit, et de nombreuses restrictions imposées, selon elles, par les autorités militaires israéliennes. Ces dernières affirment que ces mesures sont nécessaires pour protéger les travailleurs humanitaires des combats contre le Hamas.
Par ailleurs, ces agences et organisations ont dénoncé un volume d’aide qu’elles jugent insuffisant face à l’ampleur des besoins.
Faut-il remplacer l’UNRWA ?
Danny Danon, l’ambassadeur israélien auprès des Nations Unies, a estimé que l’Assemblée générale refusait d’avancer. « La CIJ est désormais instrumentalisée », a-t-il accusé.
Dans une lettre adressée mercredi aux 15 membres du Conseil de sécurité, Danny Danon a affirmé qu’il n’était pas inconcevable de « remplacer l’UNRWA par des programmes d’aide capables de fournir de manière adéquate une assistance essentielle aux civils palestiniens ».
« Israël est prêt à travailler avec ses partenaires internationaux – et le fait déjà sans relâche – pour permettre et faciliter le passage continu de l’aide humanitaire aux civils de Gaza, tout en garantissant la fourniture sans entrave de ces services de base indispensables, d’une manière qui ne compromet pas la sécurité d’Israël », a écrit Danon dans cette lettre consultée par Reuters.
Israël élabore un plan très contesté visant à confier à une entreprise privée américaine la gestion de l’aide humanitaire à Gaza dans une zone restreinte, à titre de projet pilote. L’objectif est de réduire l’influence du Hamas sur la distribution de l’aide, a révélé mercredi un responsable israélien au Times of Israel.
« Je peux vous dire que nous sommes à l’étape où la mise en œuvre de l’opération va bientôt commencer », a déclaré cet officiel. Dans le cadre de ce projet pilote, l’entreprise opèrera sous la protection de Tsahal.
En outre, Israël a réduit le nombre de camions transportant des denrées alimentaires et des marchandises provenant de sources privées, notamment des hommes d’affaires. Ces camions, selon le responsable, sont bien plus susceptibles d’être pillés par le Hamas que ceux appartenant à des ONG.
« Je ne sais pas ce qui va se passer si la loi entre en vigueur », a avoué jeudi Stephane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU.
« Soyons clairs : l’Unicef ne peut pas remplacer les quelque 2000 enseignants qui travaillent pour l’UNRWA dans les écoles de Cisjordanie. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) ne peut pas remplacer les centaines, voire plus, de professionnels de la santé palestiniens qui travaillent dans les cliniques de l’UNRWA. C’est tout simplement impossible », a-t-il dit.
Israël entretient depuis longtemps des relations conflictuelles avec l’UNRWA, accusant l’agence de prolonger la crise des réfugiés palestiniens en permettant la transmission du statut de réfugié d’une génération à l’autre. Cette tension a atteint son apogée après le pogrom du Hamas du 7 octobre, auquel ont participé plusieurs membres du personnel de l’UNRWA.
Au début du mois, le New York Times a révélé qu’une vingtaine d’enseignants, de conseillers et d’administrateurs des écoles de l’UNRWA à Gaza étaient membres du Hamas ou d’autres groupes terroristes.
En octobre, l’UNRWA a confirmé qu’un commandant du Hamas qui a dirigé l’assassinat et l’enlèvement d’Israéliens était employé par l’agence depuis juillet 2022.
Et en février, Tsahal a révélé l’existence d’un centre de données souterrain du Hamas directement sous le siège de l’UNRWA dans la bande de Gaza.