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Manifestations anti-Israël: Des dizaines d’arrestations à l’Université du Texas et à l’USC

Selon le gouverneur du Texas, les manifestants « ont leur place en prison ». La Maison Blanche dit son attachement envers la liberté d'expression, pas « les discours de haine ». La présidente de Columbia sommée de rétablir le calme ou de démissionner

Des étudiants participant à un rassemblement anti-Israël sur le campus de l'Université de Californie du Sud, à Los Angeles, le 24 avril 2024. (Crédit : Frederic J. Brown/AFP)
Des étudiants participant à un rassemblement anti-Israël sur le campus de l'Université de Californie du Sud, à Los Angeles, le 24 avril 2024. (Crédit : Frederic J. Brown/AFP)

Mercredi, la police a interpelé des étudiants qui manifestaient à l’Université de Californie du Sud, quelques heures après l’arrestation par la police d’une université du Texas de dizaines de personnes à l’issue d’affrontements entre forces de l’ordre et opposants à Israël.

La tension était montée entre la police et les manifestants de l’USC tout au long de la journée, et dans la soirée, des dizaines de manifestants qui se tenaient debout, les bras croisés, en formant un cercle, ont été interpelés l’un après l’autre sans incident majeur.

Les policiers avaient encerclé le groupe, qui s’était assis au mépris de l’ordre donné de se disperser sous peine d’arrestation. De l’autre côté du cordon de sécurité de la police, des centaines de badauds regardaient les hélicoptères passer au-dessus de leur tête. La décision a été prise de fermer le campus.

La plupart des universités font en sorte de désamorcer les tensions avec l’aide des forces de l’ordre, aussi les arrestations en Californie contrastent-elles grandement avec le chaos à l’Université du Texas à Austin.

Des centaines de policiers locaux et d’État – certains à cheval et armés de matraques – ont foncé sur les manifestants, dont certains sont tombés sur le sol. Selon le département de la Sécurité publique de l’État, les agents ont procédé à 34 interpellations à la demande de l’université et du gouverneur du Texas, Gregg Abbott.

« Ces manifestants ont leur place en prison », a écrit Abbott sur les réseaux sociaux. « Les étudiants qui se joignent à des manifestations haineuses et antisémites dans des universités publiques du Texas courent le risque d’en être renvoyés. »

Selon une vidéo, un photographe dépêché pour l’occasion par Fox 7 Austin se trouvait au coeur de la manifestation lorsqu’un policier l’a jeté au sol. La chaîne a confirmé son interpellation. Un journaliste texan très expérimenté a été renversé dans la cohue : on le voit en sang, pris en charge par la police et des secouristes.

La Maison Blanche a réagi en rappelant l’attachement du président Joe Biden envers la liberté d’expression sur les campus tout en soulignant l’importance de manifester de manière pacifique.

« Le président estime que la liberté d’expression, le débat et la non-discrimination sur les campus sont extrêmement importants », a déclaré mercredi aux journalistes réunis pour une conférence de presse l’attachée de presse de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.

« Nous pensons possible de s’exprimer de manière pacifique. En revanche, les discours de haine et la violence doivent être dénoncés. »

Dane Urquhart, étudiant de troisième année au Texas, qualifie la présence policière et les interpellations à l’université de « réaction excessive », ajoutant que la manifestation « serait restée pacifique » si les policiers n’étaient pas venus en force. « Avec toutes ces arrestations, les manifestations font redoubler d’intensité », estime-t-il.

Au bout de quelques heures, une fois le calme revenu, la police a quitté les lieux : près de 300 manifestants sont revenus s’asseoir dans l’herbe pour scander des slogans sous la mythique tour de l’horloge de l’université.

Par voie de communiqué publié mercredi soir, le président de l’université, Jay Hartzell, a déclaré : « Nos règlements sont importants et nous nous assurerons qu’ils soient appliqués. Hors de question que l’Université soit occupée. »

Au nord de l’USC, des étudiants de l’Université polytechnique d’État de Californie, Humboldt, se sont retranchés à l’intérieur d’un bâtiment pour la troisième journée consécutive. L’université, qui a fermé le campus durant le week-end, est passée à un mode d’enseignement en ligne.

Dans le Massachusetts, Harvard a tenté d’échapper aux manifestations de cette semaine en limitant l’accès à Harvard Yard et en exigeant une autorisation pour l’installation de barnums ou de tables. Cela n’a pas empêché les manifestants d’installer 14 tentes mercredi à l’issue d’un rassemblement contre la décision de suspendre le Comité de solidarité avec la Palestine des étudiants de premier cycle de Harvard.

Les étudiants opposés à la guerre entre Israël et le Hamas exigent que leur établissement s’affranchisse de toute forme de lien financier avec Israël ou des entreprises impliquées plus ou moins directement dans le conflit qui dure maintenant depuis des mois. Certains étudiants juifs disent que les manifestations virent franchement à l’antisémitisme et qu’ils craignent de s’y rendre, raison pour laquelle les universités réagissent avec force.

Cette semaine, à l’Université de New York, la police dit avoir placé 133 manifestants en détention et une quarantaine d’autres ont été arrêtés lundi dans un campement de l’Université de Yale.

Un manifestant de l’Université de Californie du Sud est arrêté par des agents du département de la sécurité publique de l’USC lors d’un rassemblement pro-palestinien au parc des anciens élèves sur le campus de l’université, le 24 avril 2024, à Los Angeles. (Crédit : AP Photo/Richard Vogel)

L’Université Columbia est parvenue à éviter une confrontation entre étudiants et policiers mercredi. La présidente de l’Université Columbia, Minouche Shafik, avait donné une date butoir – mardi à minuit – pour parvenir à un accord sur les modalités d’évacuation d’un campement. Le temps des négociations a été prorogé et la présidente a fait savoir que les pourparlers avec les manifestants se tiendraient lors des 48 prochaines heures.

En visite sur le campus mercredi, le président de la Chambre des représentants, le Républicain Mike Johnson, a demandé la démission de Shafik « si elle ne réussit pas à rétablir l’ordre ».

« Si le problème ne se règle pas rapidement et si elle ne met pas un terme aux menaces et intimidations, alors il faudra faire intervenir la Garde nationale ».

Après s’être entretenu avec des étudiants juifs, Johnson a donné une conférence de presse sur le campus, au cours de laquelle des manifestants l’ont chahuté, lui criant par exemple : « Mike, tu es nul ».

Le président de la Chambre des Représentants des États-Unis, Mike Johnson, donne une conférence de presse aprèss’être entretenu avec des étudiants juifs, alors qu’étudiants et militants pro-palestiniens continuent de manifester contre Israël sur le campus de l’Université Columbia à New York, le 24 avril 2024. (Timothy A. Clary/AFP)

Mercredi soir, un porte-parole de Columbia a déclaré que les rumeurs selon lesquelles l’université avait menacé de faire appel à la Garde nationale étaient infondées. « Notre but est de ramener l’ordre, idéalement par la voie du dialogue », a déclaré Ben Chang, vice-président de la communication de Columbia.

Omer Lubaton Granot, étudiant diplômé de Columbia, qui a affiché des photos d’otages israéliens près du campement, se dit attaché à rappeler qu’une centaine d’otages sont toujours aux mains du Hamas.

« Tous ces gens, derrière moi, se disent des défenseurs des droits de l’homme ». « Mais manifestement, ils n’ont rien à dire sur le fait que des gens de leur âge, kidnappés chez eux ou lors d’un festival de musique en Israël, soient détenus par une organisation terroriste. »

Tala Alfoqaha, étudiante en droit à Harvard, qui est palestinienne, revendique davantage de transparence de la part de l’université.

« J’espère que l’administration de Harvard va comprendre ce que ses étudiants demandent depuis le début de l’année, à savoir désinvestissement, transparence et abandon des charges contre les étudiants », dit-elle.

Tentes du campement pro-palestinien de l’Université Columbia à New York, le 24 avril 2024. (Crédit : AP Photo/Stefan Jeremiah)

La police a tenté de démanteler le campement de Columbia la semaine dernière, en arrêtant plus de 100 manifestants. La mesure a eu l’effet inverse, puisque d’autres étudiants, ailleurs aux Etats-Unis, ont décidé à leur tour d’installer des campements et incité les manifestants de Columbia de se reformer.

Mercredi, une soixantaine de tentes étaient toujours déployées à Columbia, dans le calme. Les mesures de sécurité sont toujours renforcées autour du campus : pour y pénétrer, une pièce d’identité est requise et la police a érigé des barricades métalliques.

Columbia a déclaré s’être entendu avec les représentants des manifestants pour que seuls les étudiants demeurent sur le campement et que toute forme de propos discriminatoires ou de harcèlement soit proscrite.

Sur le campus de l’Université du Minnesota, des dizaines d’étudiants se sont rassemblés un jour après l’arrestation de neuf manifestants et le démantèlement du campement érigé devant la bibliothèque. La Représentante américaine Ilhan Omar, dont la fille a été interpelée à Columbia en même temps que d’autres manifestants la semaine dernière, a participé à une manifestation en fin de journée.

Plus de 80 professeurs de Columbia ont signé mercredi une lettre demandant aux président et administrateurs de l’université d’abandonner les charges et autoriser l’installation de campements sans ce qu’ils qualifient de représailles policières.

Ils se disent « horrifiés que l’administration bafoue ouvertement le droit de nos étudiants à s’exprimer librement contre le génocide et l’occupation de la Palestine ».

A l’issue de la manifestation de mercredi à l’Université de New York, sur certains comptes de réseaux sociaux pro-israéliens, on a pu voir des images – dont la source n’est pas claire – d’une manifestante incapable de répondre à la question d’un intervieweur non identifié sur « l’objectif principal » du rassemblement pour le désinvestissement.

« Il s’agit avant tout de montrer notre soutien à la Palestine et d’exiger que l’Université de New York s’arrête », dit la manifestante devant un drapeau du Parti marxiste américain pour le socialisme et la libération.

« Honnêtement, je ne sais pas ce que fait l’Université de New York », ajoute-t-elle rapidement. Elle se tourne alors vers un ami et lui demande : « Tu sais ce que fait l’Université de New York, toi ? »

« À propos de quoi ? » demande l’ami, le visage caché par un masque chirurgical noir.

« À propos d’Israël – pourquoi protestons-nous ? »

« J’aimerais bien en savoir un peu plus », répond le manifestant masqué.

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