Manuel Trajtenberg : congé parental pour les papas, pour le bien du pays
Inciter les papas à rester à la maison avec leur nouveau-né aide les pères à tisser des liens, les bébés à se développer et les mères à se rétablir, selon le célèbre économiste

Une nouvelle proposition de l’un des économistes les plus éminents d’Israël vise à améliorer le lien entre les nouveaux pères et leurs nouveau-nés, à aider les mères à se remettre de l’accouchement, à promouvoir l’égalité professionnelle des sexes, à donner une impulsion à l’économie nationale en aidant les jeunes familles à retrouver plus rapidement leurs marques après le choc financier de l’arrivée d’un nouveau bébé.
Et elle prévoit de faire tout cela en exigeant des nouveaux pères israéliens qu’ils prennent deux semaines de congés de paternité payé et en les incitant à en prendre encore plus.
La loi actuelle n’accorde aux pères qu’une semaine de congés de paternité payé immédiatement après la naissance d’un enfant, et la grande majorité des nouveaux pères la prennent. Mais la loi limite les cinq semaines suivantes de congés payés à la mère. Les pères peuvent alors reprendre leur congé de paternité, répartissant ainsi les neuf semaines restantes de la mère.
Cet écart de cinq semaines après la première semaine de congés renvoie les pères au travail, où ils restent en grande partie. Les chiffres officiels montrent que très peu de pères qui travaillent – environ 1 % – reprennent un congé de paternité après la sixième semaine.
« Cela nuit aux bébés, aux mères, et entrave sérieusement la carrière des mères », a déclaré mercredi dernier le professeur Manuel Trajtenberg, ancien membre de la Knesset et spécialiste du coût de la vie auprès du gouvernement, à la Douzième chaîne dans un reportage sur sa nouvelle proposition pour les familles avec deux parents qui travaillent.

La proposition de Trajtenberg (PDF en hébreu), élaborée avec le Samuel Neaman Institute for National Policy du prestigieux Technion-Israel Institute of Technology où il enseigne, prolongerait considérablement le congé de maternité actuel de 15 semaines jusqu’à 24 semaines et obligerait les pères à prendre au moins deux de ces semaines.
Le projet reconnaît que ce sont les normes sociales contraires qui imposent le fardeau de l’éducation des enfants à la mère. Il prévoit d’encourager les pères à profiter des nouvelles règles en subordonnant une partie du congé de la mère à l’utilisation effective par le père du temps libre qui lui est accordé. Sur les 24 semaines, cinq peuvent être utilisées uniquement par le père – et sont destinées à être utilisées simultanément avec la mère, ce qui permet aux deux parents d’être à la maison avec le bébé pendant les premières semaines. Pour encourager le père à prendre plus que les deux semaines de congés obligatoires, le plan stipule que deux semaines de congés payés utilisables par la mère ne deviennent disponibles que lorsque le père atteint 3,5 semaines à la maison.
« C’est déjà le cas dans les États européens, où les hommes participent à cette étape critique de l’éducation des enfants », explique M. Trajtenberg.
Cette participation conduit à « créer des liens avec ces enfants, ce qui est bon pour tous, y compris pour l’économie. L’essentiel est de faire plus pour les enfants en amenant les pères dans ce cadre. »
Les coûts sociaux et économiques du retour au travail d’un père peu après la naissance sont difficiles à quantifier avec précision, mais les experts disent qu’ils peuvent être substantiels.
Les mères laissées seules dans les premières semaines sont plus sujettes à la dépression post-partum, ce qui est plus difficile pour elles de prendre soin de leur nouveau-né et de se consacrer à lui au moment même où son cerveau commence à réagir le mieux possible à son environnement. Les chercheurs ont montré que la période qui suit la naissance est également vitale pour établir des liens affectifs à long terme entre le père et le bébé, une occasion perdue pour un père qui retourne au travail trop rapidement et qui peut avoir des répercussions sur le futur.

« Lorsque les enfants grandissent avec la participation significative d’un père, ils démontrent des capacités éducatives et des aptitudes sociales et de leadership nettement supérieures et meilleures », selon le Dr Hava Gadasi, du groupe de défense des droits de Goshen.
Le plus grand stress pour la mère qui est laissée seule après les expériences physiquement épuisantes de la grossesse et de l’accouchement est aussi considéré comme prolongeant les périodes de récupération physique et émotionnelle. Près de la moitié des mères israéliennes de nouveau-nés ne retournent pas au travail à la fin de leur congé de maternité payé de 15 semaines, ce qui exerce une pression supplémentaire sur la situation financière de la famille croissante.
Au-delà du tort causé aux enfants, aux mères et aux pères, le système actuel est mauvais pour le pays, disent les experts. L’énorme écart dans la charge de la garde d’enfants contribue à l’inégalité des possibilités d’emploi et des revenus entre les hommes et les femmes, et conduit à une réduction à long terme de la productivité des femmes qui travaillent.
En termes de coûts immédiats, la proposition de M. Trajtenberg ferait baisser les coûts d’environ 1,5 milliard de shekels (375 millions d’euros) chaque année, selon le rapport.
Les chercheurs proposent de le financer en réduisant trois prestations gouvernementales accordées aux parents : l’allocation de naissance après le premier enfant, des allocations familiales coûteuses pour les adolescents âgés de 15 à 17 ans et la subvention d’hospitalisation versée par l’Institut national d’assurance [Bituah Leumi] pour couvrir les deux premiers jours d’hospitalisation après une naissance dans de bonnes conditions.

La suppression des prestations pour enfants de plus de 15 ans libérerait 750 millions de shekels (187 millions d’euros), selon le rapport, ce qui permettrait de rediriger les fonds de l’aide aux parents âgés à un moment où ils gagnent généralement plus et dépensent moins pour leurs enfants vers une période antérieure de leur vie où l’argent est plus restreint et les dépenses plus importantes.
Le plan propose de porter l’allocation de naissance à la naissance du premier enfant de 1 778 shekels (444 euros) à 2 000 shekels (500 euros), mais de supprimer les allocations pour la deuxième naissance, qui atteignent 800 shekels (200 euros), et celles pour la troisième et après, qui ne s’élèvent plus actuellement qu’à 533 shekels (133 euros) chacune. Ce changement libérerait 51 millions de shekels supplémentaires.
Le Bituah leumi verse actuellement 14 146 shekels (3 536 euros) à l’hôpital pour chaque accouchement en bonne santé, un montant destiné à couvrir jusqu’à 4,6 jours d’hospitalisation, ce qui est bien plus que le coût réel des soins hospitaliers pour une mère et son bébé israéliens qui, en moyenne, quittent l’hôpital 2,7 jours après leur naissance. Une réduction de 20 % de cette subvention aux hôpitaux libérerait les 621 millions de shekels restants (155 millions d’euros), d’après les estimations du plan.