Migrants : Israël lance son programme d’expulsion
38 000 personnes sont concernées, en majorité des Erythréens et des Soudanais ; Inquiétude du HCR

Israël a annoncé mercredi le lancement d’un programme destiné à imposer à près de 40 000 migrants en situation irrégulière de choisir entre leur expulsion ou leur incarcération.
S’exprimant au début d’une réunion de son cabinet, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est félicité de la mise en place de ce projet destiné à « faire partir les migrants entrés illégalement ». Ceux-ci ont jusqu’à la fin mars pour quitter Israël, faute de quoi ils seront emprisonnés pour une durée indéterminée.
Néanmoins, à la suggestion du ministre de la Sécurité publique Gilad Erdan, le Premier ministre a demandé à son conseiller à la sécurité nationale, Meir Ben-Shabbat, d’élaborer un plan d’expulsion qui forcerait dans tous les cas – même menottés si nécessaire – les demandeurs d’asile sans papiers à quitter le pays. Selon le journal Haaretz, Erdan aurait affirmé à Netanyahu que les emprisonner indéfiniment mettrait à rude épreuve le système pénitentiaire et que cela représenterait un coût énorme pour l’État.
« Les migrants ont un choix simple à faire. Ils peuvent coopérer avec nous et partir volontairement, avec des méthodes respectables, humanitaires et légales, ou alors nous devrons utiliser d’autres outils à notre disposition, qui rentrent également dans le cadre de la loi. J’espère qu’ils choisiront de coopérer avec nous », a déclaré Netanyahu.
« Ce programme sera appliqué à partir d’aujourd’hui (mercredi) », a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu qui s’est félicité du projet destiné à « faire partir les migrants entrés illégalement ».
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 38 000 personnes sont concernées, en majorité des Erythréens et des Soudanais. Les migrants qui accepteront de partir se verront remettre un billet d’avion et près de 3 000 euros.
Les migrants africains possèdent actuellement des visas de résidence de courte durée qui doivent être renouvelés tous les deux mois. « A partir d’aujourd’hui, lorsqu’une personne demande une prolongation de visa, celui-ci ne sera pas renouvelé et il recevra une ordonnance d’expulsion si il n’a pas de demande d’asile en cours », explique Adi Drori-Avraham de l’Organisation d’aide aux réfugiés et aux demandeurs d’asile basée à Tel Aviv.

Dans un communiqué, le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a exprimé son inquiétude, en rappelant notamment qu’Israël avait « des obligations légales s’agissant de la protection des réfugiés ».
Or, depuis que les autorités israéliennes ont pris en 2009 la responsabilité de déterminer qui entre dans cette catégorie, seuls 8 Erythréens et deux Soudanais ont obtenu le statut, a poursuivi le HCR. Deux cents ressortissants soudanais originaires du Darfour (ouest) ont eux obtenu un « statut humanitaire en Israël ».
Dans le cadre de son programme d’expulsion, le gouvernement israélien reconnaît tacitement que les ressortissants de ces deux pays ne peuvent retourner chez eux.
Le régime érythréen a été accusé par l’ONU de crimes contre l’humanité « généralisés et systématiques ». Quant au Soudan, son président Omar el-Béchir fait l’objet de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, contre l’humanité et génocide.
Selon des ONG israéliennes soutenant les migrants, Israël a ainsi signé des accords avec des pays tiers, en l’occurrence le Rwanda et l’Ouganda, qui doivent accueillir les migrants volontaires.
« Israël envoie les réfugiés dans des Etats dangereux et beaucoup d’entre eux à une mort assurée. Le Rwanda n’est pas sûr. Tous les témoins oculaires nous affirment que ceux qui sont déportés d’Israël vers le Rwanda se retrouvent sans statut ni droits et exposés à des menaces telles que l’enlèvement, la torture et la traite d’êtres humains », pouvait-on lire dans le communiqué commun de plusieurs groupes de défense des droits de l’homme.
« Ils sont obligés de continuer leur vie en tant que réfugiés. Peu d’entre eux réussissent à survivre au voyage et à parvenir finalement à un endroit sûr. L’expulsion vers le Rwanda met en danger la vie même de ces réfugiés », ont déclaré les organisations.
En août dernier, la Haute Cour de justice a statué que la politique d’expulsion était légale. Elle a néanmoins également déclaré que les autorités israéliennes devaient d’abord s’assurer que les pays vers lesquels les migrants étaient expulsés étaient sûrs pour eux.
Ces migrants sont pour la plupart entrés illégalement en Israël via le Sinaï égyptien à compter de 2007. Ce flux a été stoppé avec la fin de la construction par l’Etat hébreu d’une clôture électronique le long de la frontière avec l’Egypte.
Israël a ouvert des centres de rétention dans le sud, où près de 1 500 migrants sont soumis à un régime de semi-liberté. Ces établissements vont fermer leurs portes et les migrants qui refuseront de partir seront envoyés en prison. L’argent économisé avec la fermeture de ces centres servira à employer 180 inspecteurs supplémentaires pour l’autorité d’immigration.
Après la date du 1er mars, il sera encore possible pour ces personnes de quitter volontairement Israël, mais une somme inférieure leur sera remise. Ceux qui refuseront seront emprisonnés, a prévenu le ministère de l’Intérieur.

Dans un communiqué distinct, le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, chargé de l’application du programme, a lui souligné qu’Israël était « déterminé à renvoyer des dizaines de milliers de migrants entrés illégalement ».
Selon des chiffres officiels, 4 012 migrants en situation irrégulière ont déjà quitté Israël en 2017, dont 3 332 originaires d’Afrique subsaharienne.
Benjamin Netanyahu s’était rendu fin août dernier dans le sud de Tel Aviv, où résident des milliers de migrants africains, et s’était engagé « à rendre » ce secteur aux « citoyens israéliens ».