Israël en guerre - Jour 643

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Montréal: un studio de danse se joint au boycott d’Israël et annule les cours d’Ohad Naharin

La décision prise par le Studio 303 a déclenché un débat , y compris parmi les Israéliens qui se demandent si le boycott du chorégraphe israélien pro-palestinien "ne manque pas sa cible"

Ohad Naharin, au centre, enseignant à une classe de Gaga le concept de mouvements corporels qu'il a créés. (Autorisation)
Ohad Naharin, au centre, enseignant à une classe de Gaga le concept de mouvements corporels qu'il a créés. (Autorisation)

JTA – Quand Ita Skoblinski a appris que son studio préféré, à Montréal, boycottait une danse originaire d’Israël, une technique qui se concentre sur la recherche du mouvement, elle est restée dubitative, explique-t-elle.

Née en Israël, cette designer installée au Canada depuis une dizaine d’années, était favorable aux initiatives visant à exercer des pressions sur le gouvernement israélien dans un contexte de guerre à Gaza et d’occupation de la Cisjordanie. Elle explique toutefois avoir ressenti un malaise croissant face à la manière dont l’opposition au conflit s’est manifestée dans son pays d’adoption.

« Je me retrouve dans une situation vraiment très étrange, très confuse, alors que quelque chose pour lequel j’ai travaillé pendant une grande partie de ma vie, la sensibilisation au peuple palestinien et au sort qui lui est réservé, est en train de se produire », dit-elle dans un entretien. « Mais c’est en train d’arriver à un prix inattendu : le prix de la haine… de la haine à l’encontre des Juifs, avec beaucoup d’incompréhension et un manque évident de mise en contexte ».

Skoblinski a donc décidé de se tourner vers les réseaux sociaux. Elle a invité ses abonnés Facebook à donner leur avis sur sa propre réaction à l’annonce, par le Studio 303, de son boycott d’Israël, avec l’annulation des cours de Gaga, des cours qu’elle appréciait beaucoup.

« En tant que personne opposée à toute perspective d’assassinat systématique des enfants, en tant que personne révoltée par la famine des civils et par les déclarations publiques prônant le nettoyage ethnique… En tant que personne qui a quitté Israël en partie à cause de son effondrement moral… En tant que personne qui est totalement solidaire des civils de Gaza, j’ai ce sentiment, en tant qu’individu et en tant que danseuse (et je crois que nous sommes tous des danseurs), que ce boycott pourrait manquer sa cible », a-t-elle écrit dans son post. « Mais je suis prête à me laisser convaincre du contraire ».

La réponse a été brutale. Dans les commentaires, certains ont accusé le studio « d’étaler sa vertu », tandis qu’un autre a qualifié le boycott de « décision absolument raisonnée ».

Rapidement, le débat est sorti du cercle de Skoblinski, incluant des voix pro-israéliennes et pro-palestiniennes bien au-delà de Montréal – soulignant la manière dont l’escalade du sentiment anti-israélien dans le monde de la danse oppose dorénavant les voix pro-palestiniennes à certains des critiques internes les plus virulents d’Israël.

Une manifestation ant-Israël à Times Square, à New York, le 6 janvier 2025. (Luke Tress/Times of Israel)

Le Studio 303 avait annoncé, le 21 mai, qu’il rejoignait la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI). Il avait indiqué qu’il ne programmerait plus de cours comme le Gaga, une danse associée à la stratégie « Brand Israel », une campagne officielle de relations publiques israélienne qui avait été lancée en 2005 pour mettre en avant les exportations culturelles du pays.

« En refusant de collaborer avec le gouvernement israélien ou avec ses agences de financement, et en boycottant tous les produits culturels et académiques qui normalisent l’État d’Israël, nous affirmons notre engagement en faveur de l’autodétermination palestinienne », avait annoncé le studio sur son site internet.

Lancée en 2004 par un groupe d’universitaires palestiniens, la PACBI avait été l’une des fondatrices du mouvement anti-israélien Boycott, Désinvestissement et Sanctions, connu sous le nom de BDS. Ce mouvement appelle au boycott des institutions universitaires et culturelles israéliennes, même celles qui pourraient être favorables à la cause palestinienne.

La PACBI a récemment appelé au boycott de « No Other Land », le documentaire israélo-palestinien évoquant les démolitions israéliennes réalisées dans un village palestinien de Cisjordanie – le film a été distingué aux Oscars – et celui de Standing Together, un important groupe israélo-palestinien de lutte contre le mouvement pro-implantation, affirmant que toute collaboration avec les Israéliens reflétait une « normalisation » de l’État juif.

Le groupe et ses affiliés s’opposent, depuis longtemps, aux tournées réalisées par la Batsheva Dance Company, une compagnie israélienne qui reçoit des fonds de la part du gouvernement israélien. Au mois de février, alors que la compagnie effectuait une nouvelle tournée aux États-Unis, l’une des organisations affiliées à la BACPI, Dancers for Palestine, avait intensifié sa campagne contre la présence des artistes israéliens. Dans un article, elle avait également attiré l’attention sur les liens unissant la Batsheva et le Gaga Movement, une forme de danse qui a été créée par le chorégraphe-maison de la compagnie israélienne, Ohad Naharin.

Le chorégraphe Ohad Naharin enseigne à ses élèves dans le studio de la Batsheva Dance Company au Centre Suzanne Dellal à Tel Aviv, le 10 juin 2014. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

« Dans le milieu de la danse, un grand nombre de personnes sont instinctivement défavorables au boycott de toute forme de mouvement », avait écrit Dancers for Palestine dans son article diffusé au mois de février. « Mais le boycott BDS ne vise que les cours officiels de Gaga – des cours qui sont financièrement liés à Gaga Movement Ltd. – et non les principes esthétiques que les danseurs pourraient associer à cette forme de danse ».

Batsheva et Naharin sont de gauche et ils ont condamné la guerre dans le passé, apportant leur soutien à la cause palestinienne. L’année dernière, le ministre israélien de la Culture, un homme de droite, avait appelé à réexaminer le financement gouvernemental de la compagnie après que cette dernière a fait apparaître un drapeau palestinien sur scène. Elle a également récemment plaidé en faveur d’un cessez-le-feu dans la guerre de Gaza. Par ailleurs, Naharin a déclaré qu’il soutenait lui-même les objectifs poursuivis par le boycott d’Israël.

« Si la décision d’annuler un spectacle pouvait aider la cause des Palestiniens, alors je boycotterais moi-même le mien », avait-il dit après qu’une compagnie irlandaise a déprogrammé une représentation de l’une de ses œuvres, l’année dernière.

« Il est évident que cette annulation ne contribue en rien à réduire les souffrances des populations de notre région ou à atténuer la colère et la frustration des Irlandais face aux méfaits du gouvernement israélien et de l’armée dans la bande de Gaza », avait-il ajouté.

Si l’article écrit par Dancers for Palestine mentionnait les positionnements exprimés par Naharin, il estimait que l’expression de ses doutes face à la réelle efficacité du boycott affaiblissait toute la solidarité qu’il pouvait par ailleurs ouvertement afficher. « Naharin a clairement fait part de sa sympathie à l’égard des souffrances des Palestiniens, mais il a sapé l’action politique palestinienne en donnant à plusieurs reprises une image erronée du mouvement BDS », avait écrit le groupe.

Le Studio 303 a partagé l’article en réponse à la demande de commentaire qui a été transmise par la JTA. Elle a également transféré une image conçue par Dancers for Palestine qui met en avant neuf autres studios qui ont récemment rejoint la PACBI à travers tous les Etats-Unis et le Canada.

Illustration : Des danseurs dansent le Gaga lors d’une réncontre avec son créateur, Ohad Naharin. (Autorisation : Gadi Dagon)

Le Studio 303 a fait savoir qu’il n’avait pas vu le message écrit par Skoblinski sur Facebook, mais qu’il « prendrait le temps nécessaire pour répondre aux questions des participants du Studio 303 si elles nous sont adressées ».

Pour sa part, Skoblinski se dit heureuse d’avoir écrit ce message. « Cela peut sembler si dérisoire, il s’agit d’un studio de danse alors que des gens, en ce moment même, sont bombardés et meurent », indique-t-elle. « Mais la raison pour laquelle j’ai décidé d’écrire quand même ce post, c’est parce que… ça touche vraiment ma vie, mes amis et la vie de la communauté ».

Mais elle ajoute douter encore du bien-fondé de ce boycott, et ce malgré la tempête de réactions et d’avis que sa publication a déclenchée. Elle n’a été convaincue ni par les détracteurs, ni par les défenseurs du Studio 303. « Il y a des choses avec lesquelles je suis en désaccord avec les deux parties », explique-t-elle.

« Beaucoup de gens ont dit qu’ils étaient antisémites », note-t-elle, évoquant le Studio 303. « Je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense qu’il s’agit d’un sujet complexe. Je voulais lancer ce débat et je voulais entendre ce que les gens avaient à dire à ce sujet ».

En fin de compte, Skoblinski a pu tirer une conclusion ferme : le débat s’est élargi bien au-delà de son studio de danse montréalais.

« Le débat, estime-t-elle, « est plus intéressant que l’affaire elle-même ».

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