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Analyse

Mutisme étonnant des organisations juives américaines concernant Ben Gvir

L'AIPAC, l'AJC, la Conférence des Présidents et la JCPA restent muets à la perspective de voir le député d’extrême droite à la Knesset ; ils n’étaient pas si timides il y a 3 ans

Le politicien d'extrême droite, Itamar Ben Gvir lors d'une session plénière à la Knesset, à Jérusalem, le 20 juin 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Le politicien d'extrême droite, Itamar Ben Gvir lors d'une session plénière à la Knesset, à Jérusalem, le 20 juin 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

WASHINGTON (JTA) – En 2019, lorsque le Premier ministre de l’époque Benjamin Netanyahu était en pourparlers avec un parti extrémiste pour concorder leurs tactiques électorales, le message de la communauté juive américaine a été clair : Ne le faites pas.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’ancien Premier ministre travaille une fois de plus avec Otzma Yehudit et son chef, Itamar Ben Gvir, pour parvenir à un accord qui lui permettrait de revenir à la tête du gouvernement.

Au moins quatre des principaux groupes juifs qui avaient dénoncé la situation en 2019, notamment l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), l’American Jewish Committee (AJC), la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines et le Jewish Council for Public Affairs (JCPA), ont affirmé qu’ils ne s’impliqueraient pas cette fois-ci. Ces deux dernières organisations représentent un large éventail de groupes nationaux et juifs.

En vue des élections du 1er novembre, Netanyahu tente de coordonner ses stratégies de campagne avec Otzma Yehudit, selon les informations diffusées mercredi sur la Douzième chaîne israélienne. Ben Gvir et Netanyahu se sont rencontrés et ont convenu de ne pas faire campagne parmi ce que chacun considère comme les électeurs traditionnels de son parti. Netanyahu avait déjà négocié, auparavant, un accord avec Otzma Yehudit et d’autres partis d’extrême droite pour être sûrs d’atteindre le seuil électoral requis par le système de représentation proportionnelle israélien.

Netanyahu aurait reçu au moins un avertissement de deux Démocrates importants et pro-israéliens, le sénateur Robert Menendez du New Jersey et le représentant Brad Sherman de Californie, qui l’auraient prévenu à quel point les relations avec le parti pourraient être endommagées si Netanyahu faisait entrer Ben Gvir au gouvernement. Deux des groupes qui s’étaient exprimés en 2019, la Anti-Defamation League (ADL) et le mouvement réformiste, ont déclaré suite aux questions de la Jewish Telegraphic Agency ces derniers jours, qu’ils étaient tout aussi alarmés aujourd’hui qu’à l’époque.

Le rabbin Rick Jacobs, président de la Union for Reform Judaism, a déclaré que l’incapacité de la communauté juive à présenter un mur d’opposition solide à la participation au gouvernement d’un parti fondé sur les enseignements du rabbin raciste défunt Meir Kahane aurait des conséquences considérables non seulement pour les relations entre les États-Unis et Israël, mais aussi pour les relations d’Israël avec les Juifs américains.

« Aux yeux de ceux qui s’identifient à Israël en raison de valeurs communes, de valeurs démocratiques communes, de valeurs juives communes, quelles sont les valeurs juives ou démocratiques qui ne sont pas compromises par le racisme, avec le genre de politique haineuse que [Ben Gvir] a épousé ? Je pense donc que cela va certainement provoquer une distanciation et un désenchantement chez beaucoup, beaucoup de gens qui se sentent très, très engagés et qui soutiennent très fortement Israël », a déclaré Jacobs dans une interview.

Le président de l’Union pour le judaïsme réformé, le rabbin Rick Jacobs, lors de l’assemblée générale de la JFNA à Tel Aviv, le 24 octobre 2018. (Crédit : Amanda Borschel-Dan/Times of Israel)

« Si ce devait être la prochaine itération politique, je pense que ces liens seraient certainement mis à l’épreuve », a-t-il déclaré.

La condamnation générale de 2019 avait été un facteur déterminant pour empêcher Netanyahu d’inclure Otzma Yehudit dans son gouvernement lors de sa réélection, a déclaré Jacobs. En l’absence de ce consensus, Netanyahu pourrait être encouragé à faire entrer au gouvernement Ben Gvir, qui a un passé de provocation raciste et d’alignement avec Kahane et Baruch Goldstein, auteur du meurtre de 29 musulmans à Hébron en 1994.

« Je rappelle à tous que quand nous nous sommes tous exprimés si fort et si clairement en 2019, le Premier ministre a reculé devant l’idée de s’aligner si étroitement avec ces diverses forces extrêmes de la politique israélienne », a-t-il déclaré. « En l’absence de cela aujourd’hui, je ne vois pas de lignes rouges. »

Carole Nuriel, directrice du bureau de l’ADL en Israël, a également déclaré que faire entrer Ben Gvir au gouvernement éroderait le soutien à Israël.

« L’ADL s’inquiète depuis longtemps de la généralisation des idéologies extrémistes et de celles inspirées par Kahane dans la société israélienne », a-t-elle déclaré dans un communiqué envoyé par courriel. « Bien que nous ne nous mêlions pas de la politique électorale d’Israël, nous sommes troublés par les informations selon lesquelles des individus qui épousent de telles opinions se sont vu promettre par des dirigeants politiques israéliens un rôle dans un gouvernement de coalition futur. En tant qu’organisation profondément attachée à la sécurité et au bien-être d’Israël comme État juif et démocratique, nous pensons qu’une telle évolution serait préjudiciable aux principes fondateurs d’Israël et à sa réputation auprès de ses plus fervents partisans. »

Le député Itamar Ben Gvir (devant), chef du parti extrémiste juif Otzma Yehudit, avec Bentzi Goptein, chef du groupe d’extrême-droite Lehava, dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est, le 6 mai 2021. (Crédit : Ahmad Gharabli/AFP)

Trois des quatre groupes, l’AJC, la JCPA et la Conférence des présidents, ont affirmé que leur politique consistait à ne pas prendre position sur les élections israéliennes – alors que c’est justement ce qu’ils avaient fait il y a plus de trois ans.

En 2019, Malcolm Hoenlein, le vice-président exécutif de la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines, avait déclaré que les pourparlers de Netanyahu avec Otzma Yehudit étaient « très inquiétants ». Bien qu’il ait dit comprendre les considérations politiques de Netanyahu, il a ajouté que « la politique ne peut pas tout régir. Vous devez prendre en considération toutes les ramifications et toutes les implications. »

La semaine dernière, répondant à une demande de commentaire de JTA, William Daroff, directeur-général du groupe, a déclaré : « La Conférence des présidents a une politique de longue date de ne pas se prononcer sur les élections israéliennes, si ce n’est pour célébrer le processus démocratique dynamique en cours dans la seule démocratie de la région. »

En 2019, l’American Jewish Committee avait publié une déclaration qui disait : « De tout temps, les opinions de partis extrémistes, reflétant l’extrême-gauche ou l’extrême-droite, ont été fermement rejetées par les partis traditionnels, malgré le fait que le processus électoral de la démocratie israélienne pourtant solide a rendu possible leur présence, même minime, à la Knesset. » L’AJC avait ajouté que les opinions d’Otzma Yehudit étaient « répréhensibles ».

Dans une interview accordée à JTA mercredi, Ted Deutch, le Démocrate de Floride qui a récemment quitté le Congrès pour diriger l’AJC, est resté muet sur la question d’Otzma Yehudit, si ce n’est pour affirmer que l’AJC est attaché aux « valeurs démocratiques qu’il partage avec Israël ».

« Tout d’abord, Israël est une démocratie, et des élections vont avoir lieu dans quelques semaines, élections auxquelles l’AJC ne participe pas », a déclaré M. Deutch. « Mais ensuite, l’AJC est engagé à respecter les valeurs démocratiques sur lesquelles nous nous sommes exprimés dans le passé et notre engagement n’a pas faibli, et nous continuerons à nous adresser directement aux Israéliens. »

Le représentant Ted Deutch prend la parole alors que la commission judiciaire de la Chambre entend les conclusions de l’enquête sur la mise en accusation du président américain Donald Trump, le 9 décembre 2019, au Capitole à Washington. (Crédit : Alex Brandon/AP)

Lorsqu’on lui a demandé quelle serait la pertinence de s’exprimer après coup contre l’entrée d’Otzma Yehudit dans le gouvernement, Deutch a réaffirmé sa position. « Je ne vais pas spéculer sur ce à quoi le gouvernement va ressembler car ce n’est pas mon rôle de m’impliquer dans les élections israéliennes », a-t-il déclaré.

En 2019, le Jewish Council for Public Affairs, l’organisme faîtier des groupes de politique publique, avait exhorté Netanyahu dans une lettre privée obtenue par JTA à condamner Otzma Yehudit. Un responsable du JCPA a déclaré jeudi à JTA que l’organisme faîtier ne se prononcerait pas sur les « questions de politique intérieure israélienne ».

L’AIPAC, qui en 2019 avait cité la déclaration de l’AJC et déclaré « être d’accord », a refusé cette année de faire de commentaire sans donner d’explication. Aucun de ces groupes n’a voulu révéler s’ils avaient contacté Netanyahu en privé.

Les raisons de cette réticence à s’exprimer ne sont pas claires, mais les groupes pro-israéliens accordent une grande importance à l’accès au gouvernement, et Netanyahu, qui a plus d’une chance sur deux de revenir au pouvoir, a cessé de se soucier de ce que la plupart des Juifs américains pensaient pendant ses 12 années de mandat.

Selon Axios, qui a révélé les faits, Netanyahu, habituellement très attentif aux puissants visiteurs américains, n’a pas caché qu’il était « furieux » de la réprimande de Menendez.

Le leader du Likud, Benjamin Netanyahu, prononçant un discours de campagne électorale à l’intérieur d’un camion de livraison modifié dont la paroi latérale a été remplacée par du verre pare-balles, à Beer Sheva, le 13 septembre 2022. (Crédit : AP Photo/Ariel Schalit)

Scott Lasensky, professeur en études israéliennes et juives à l’Université du Maryland, a déclaré que l’incapacité des organisations juives à s’exprimer pourrait être attribuée à un certain nombre de facteurs, dont un qui frappe également les Israéliens – la fatigue électorale.

Il s’agit du cinquième scrutin depuis 2019, a-t-il noté, et les organisations peuvent penser qu’il est plus sage d’attendre et de voir comment se dérouleront les élections avant de se prononcer.

« Compte tenu de la fatigue et de l’incertitude de ce à quoi ressemblera la coalition, certains groupes prennent des précautions et préfèrent attendre la période post-électorale », lorsque les partis négocieront pour mettre en place une coalition, pour exprimer leurs éventuelles objections, a-t-il dit.

Un autre facteur, selon Lasensky, sont les crises qui accablent les Américains depuis 2019 – la pandémie de coronavirus, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’inflation et l’insurrection du 6 janvier 2021. Les organisations juives n’ont peut-être pas la marge de manœuvre nécessaire pour se soucier de coalitions futures au sein du gouvernement israélien.

Lasensky a également déclaré que les groupes juifs adhèrent à une « norme de déférence » lorsqu’il s’agit d’Israël, et ne la rompent que dans des circonstances extraordinaires. Si la perspective de voir Otzma Yehudit au gouvernement était extraordinaire en 2019, elle ne l’est plus aujourd’hui, car le parti a été normalisé parmi les Israéliens.

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