Netanyahu compare la France à l’Espagne avant l’Inquisition
Les personnes qui ont participé à la réunion avec le Premier ministre et les dirigeants juifs disent qu’il était insultant
Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes
Lors d’une réunion à huis clos avec les chefs des organisations juives de France lundi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a comparé la situation des Juifs français à celle des Juifs en Espagne avant l’Inquisition espagnole de 1492 (qui a conduit à leur expulsion du royaume catholique), a appris le The Times d’Israël.
La réunion, qui a eu lieu à l’hôtel de Netanyahu dans le 8e arrondissement de Paris, a duré environ une heure. Les chefs de trois organisations représentatives des Juifs de France – le Consistoire, qui traite des affaires religieuses, le Conseil représentatif des organisations juives de France (CRIF) et le Fond juif social unifié (FSJU) qui traite de l’éducation et de la culture – ont participé à cette réunion.
Bien que Netanyahu ait lancé un appel à la population juive lors de sa visite de deux jours à Paris pour les convaincre d’émigrer en Israël, il s’est attiré les foudres de ses adversaires politiques israéliens et des dirigeants communautaires européns.
Sa rencontre avec les dirigeants juifs a été décrite par les participants comme « dure » et « profondément insultante ».
Un participant à la réunion, qui ne souhaite pas révéler son nom par crainte de représailles politiques, décrit l’appel lancé sans vergogne aux Juifs français par Netanyahu lors de la réunion, comme étant « extrêmement suffisante » et « condescendante ».
« Imaginez qu’après une attaque terroriste à Netanya, le président français vienne en Israël et exhorte les Juifs à venir en France, poursuit-il. Déjà que les Juifs sont perçus par certains [en France] comme étant la cinquième colonne. »
Un autre participant relate la manière dont la rencontre s’est déroulée.
« Il [Netanyahu] a commencé par expliquer que son travail en tant que Premier ministre israélien était de dire aux Juifs de venir en Israël, comme le travail de Premier ministre français est de dire aux Juifs de rester en France », indique un participant.
Netanyahu a ensuite évoqué les recherches de son père, Benzion Netanyahu, qui s’est spécialisé dans le domaine des Juifs au siècle d’Or en Espagne.
Netanyahu père a étudié les écrits du sage juif espagnol Isaac Abranavel, qui se sentait bien avant d’être expulsé aux côtés de toute la communauté par la reine Isabelle de Castille en 1492.
« Il [Netanyahu] ajoute : ‘bien sûr, vous aimez votre vie ici et vous pensez que les choses vont bien, mais ce n’est pas le cas’. Il a affirmé cela avec sévérité mais pas méchamment ».
Netanyahu a admis que les immigrants français en Israël avaient à faire face à des difficultés financières et professionnelles – chose que les participants ont compris comme une critique implicite des bureaucrates israéliens présents dans la pièce – mais a insinué que ces difficultés étaient moins hasardeux que le danger existentiel [qui existe en France], ajoute un participant.
Dans le même temps, le député français et proche de Netanyahu, Meyer Habib, a été à plusieurs reprises accusé par les Juifs français de donner au Premier ministre israélien une vision déformée de la réalité complexe de la France, contournant le ministère israélien des Affaires étrangères, le quai d’Orsay, et les institutions juives dans le processus.
« Il [Habib] a tendance à s’immiscer partout et à prendre en charge les communications sans demander aux dirigeants ce qu’ils veulent », s’insurge un participant.
« En vérité, il est le seul à qui Netanyahu prête une oreille attentive. Netanyahu n’entend aucun dirigeant communautaire autre que Meyer [Habib] ; on a le sentiment qu’il a déjà tout entendu de Meyer ».
« C’est un comportement étrange », ajoute-t-il. Afin d’être diplomate, il souligne l’engagement profond de Habib et sa connaissance de la communauté juive, qu’il a acquis en tant que vice-président du CRIF ».
« Malgré tout, l’image [de la France] de Bibi [Netanyahu], c’est celle de Meyer. C’est clair, et il n’y a rien que l’on puisse faire à ce sujet. Il est difficile de toujours avoir quelqu’un entre vous et une autre personne, même s’il est bon… Au bout d’un moment, vous en avez assez. »
Un responsable du bureau du Premier ministre, qui a accepté de parler au The Times of Israel sous couvert d’anonymat, a précisé que dans son discours à la Grande synagogue de Paris, Netanyahu a clairement déclaré que « les Juifs ont le droit de vivre où ils le souhaitent », mais « qu’ils ont une opportunité qui n’existait pas dans le passé, de vivre librement dans le seul Etat juif, l’État d’Israël », où ils seront « accueillis à bras et à cœur ouverts ».
Quant aux allégations concernant la confiance excessive de Netanyahu envers Habib, le responsable a affirmé que Netanyahu a tenu plusieurs réunions avec les dirigeants juifs en France lors de sa visite et a entendu toutes leurs opinions, pas seulement celle de Habib.
Habib n’était pas disponible au moment de la publication de cet article pour commenter ces affirmations.