Netanyahu: la politique « pas de surprise sur l’Iran », met Israël en danger
Yair Lapid et Benny Gantz ont rejeté les accusations du chef de l'opposition, qui a pris un engagement similaire envers Washington lorsqu'il était Premier ministre
Le leader de l’opposition, Benjamin Netanyahu, a accusé lundi le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid de mettre Israël en danger, en s’engageant à informer à l’avance les Etats-Unis de toute action militaire qu’Israël pourrait entreprendre contre l’Iran.
Selon le ministère des Affaires étrangères, M. Lapid et le secrétaire d’État américain Antony Blinken, se sont mis d’accord sur une politique « pas de surprise » lors de leur entretien jeudi, et ont promis de maintenir des canaux de communication ouverts et réguliers.
Dans le cadre du précédent gouvernement, dirigé par M. Netanyahu, de hauts responsables israéliens avaient également convenu, lors des discussions avec les États-Unis sur le dossier nucléaire iranien, qu’il n’y aurait « aucune surprise » sur le sujet et que les désaccords seraient abordés à huis clos, a confirmé une source familière de la question, au Times of Israël lundi.
« S’il n’y avait pas eu de surprises, nous n’aurions pas pu détruire le réacteur en Irak », a déclaré lundi Netanyahu à propos de la frappe de 1981, ordonnée par l’ancien Premier ministre Menachem Begin, affirmant qu’un tel engagement, lui avait été demandé, plusieurs fois par Washington, au cours de ses 15 années au pouvoir et qu’il avait toujours refusé.
Netanyahu a déclaré que, le président Joe Biden et le secrétaire à la défense Lloyd Austin, lui avaient demandé spécifiquement : « ne nous surprenez pas » sur l’Iran, mais qu’il avait refusé de prendre un tel engagement, leur disant seulement : « je prendrai votre demande en compte. »
« A partir de maintenant, le nouveau gouvernement israélien doit coordonner toutes ses actions contre le programme nucléaire iranien avec l’administration à Washington, une administration qui s’empresse de rejoindre le dangereux accord nucléaire, et dont il est évident pour tous qu’elle ne prendra pas de mesures militaires contre l’Iran », a déclaré Netanyahu.
« Je ne peux pas penser à un message plus faible et plus piètre que nous pourrions envoyer à l’Iran », a-t-il dit, ajoutant que les ayatollahs de la République islamique peuvent maintenant « dormir tranquilles la nuit ».
Il a conclu que le nouveau gouvernement n’est « pas apte à diriger » et a promis de faire tout son possible pour renverser la coalition, qui l’a écarté du pouvoir la semaine dernière.
« Ce n’est pas une question politique, c’est une question de sécurité, de vies en danger », a accusé Netanyahu.
Lapid a réagi en déclarant que « la première partie de la phrase n’est pas vraie et la deuxième partie ne se produira pas », contestant à la fois l’affirmation de Netanyahu sur un accord avec Blinken, et le vœu du chef du Likud de remplacer le gouvernement actuel.
« Je remercie le chef de l’opposition pour ses suggestions. Nous allons prendre les choses en main », a déclaré Lapid.
Le ministre de la Défense, Benny Gantz, qui a également occupé ce poste dans le gouvernement de Netanyahu, a fustigé le leader du Likud pour ses commentaires.
« L’utilisation de nos conversations intimes avec notre allié le plus proche par l’ancien Premier ministre à des fins politiques, est embarrassante et dangereuse », a déclaré Gantz.
« En tant que ministre de la Défense d’Israël, je déclare qu’Israël continuera à faire valoir son droit à l’autodéfense contre toute menace, où que ce soit. »
En dépit de ses commentaires de lundi, Netanyahu, en tant que Premier ministre, a également accepté une politique « pas de surprise » avec les États-Unis sur l’Iran, a confirmé l’ancien ministre des Affaires étrangères, Gabi Ashkenazi, aux journalistes en mars. Un accord similaire avait été conclu en 2014, lors des négociations sur l’accord nucléaire, entre l’Iran et les puissances mondiales, dont les États-Unis.
En avril, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré à NBC News : « Nous croyons, profondément et passionnément, qu’il faut s’assurer que nous et Israël avons une politique sans surprise, que nous communiquons l’un avec l’autre sur une base continue, afin que nous ayons une meilleure compréhension… de ce que l’autre partie a l’intention de faire en ce qui concerne, toute une série de questions de sécurité, dans la région. »
Depuis son entrée en fonction en début de semaine, le nouveau gouvernement israélien a précisé qu’il s’opposait lui aussi au projet de Biden de rejoindre l’accord sur le nucléaire iranien, mais que, contrairement à son prédécesseur, il exprimerait ses critiques en privé.
Le Premier ministre Naftali Bennett a ouvert dimanche, la première réunion du cabinet de son nouveau gouvernement, en condamnant le président iranien nouvellement élu, Ebrahim Raissi. Il a déclaré que le choix de l’Iran était un signe que les puissances mondiales devaient « se réveiller » avant de revenir sur un accord nucléaire avec Téhéran.
M. Raissi est sanctionné par les États-Unis, en partie pour son implication dans l’exécution massive de milliers de prisonniers politiques en 1988, à la fin de la guerre Iran-Irak. M. Raissi n’a pas fait de commentaires spécifiques sur cet événement.
Lors de la réunion du cabinet à Jérusalem, M. Bennett a déclaré que « de toutes les personnes que [le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali] Khamenei aurait pu choisir, il a choisi le bourreau de Téhéran, l’homme tristement célèbre, parmi les Iraniens, et dans le monde entier, pour avoir dirigé les comités de la mort qui ont exécuté des milliers de citoyens iraniens innocents, au fil des ans ».
Il a déclaré que le nouveau gouvernement s’alignerait à la politique de l’administration israélienne précédente, qui s’oppose résolument à ce que l’Iran se dote de l’arme nucléaire.
« Un régime de bourreaux brutaux, ne doit jamais être autorisé, à disposer d’armes de destruction massive, qui lui permettront de tuer non pas des milliers, mais des millions », a déclaré le Premier ministre, s’exprimant brièvement en anglais.
L’Iran et les puissances mondiales ont repris dimanche à Vienne des discussions indirectes, pour ressusciter l’accord nucléaire de 2015 en lambeaux, qui accordait à l’Iran un allègement des sanctions, en échange de la limitation de son programme nucléaire.
Depuis des semaines, les diplomates iraniens et américains négocient un retour à l’accord dans la capitale autrichienne par le biais d’intermédiaires européens.
Ces pourparlers sont les premiers depuis l’élection de M. Raissi, qui permettra aux partisans de la ligne dure de contrôler fermement le gouvernement iranien.
L’accord nucléaire historique, entre les puissances mondiales, et l’Iran, auquel Israël s’est opposé, s’est effondré après que l’ancien président américain Donald Trump a retiré, unilatéralement, Washington, de l’accord en 2018. Cette décision a vu l’Iran, au fil du temps, abandonner toute limitation de l’enrichissement, Téhéran enrichissant actuellement l’uranium à ses niveaux les plus élevés jamais atteints, bien qu’encore loin des niveaux de qualité militaire.