Netanyahu : la proposition initiale de refonte judiciaire était « mauvaise »
Dans un entretien avec Elon Musk, le Premier ministre a toutefois indiqué qu'Israël devait redéfinir la manière dont le pays sélectionne ses juges
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré lundi que la proposition de refonte radicale du système judiciaire israélien qui a été avancée par son gouvernement avait été « mauvaise ». Se référant apparemment et en particulier à la dite « clause dérogatoire » – qui aurait interdit à la Cour suprême de bloquer un texte de loi adopté par la Knesset – il a évoqué une « erreur » qui, en prétendant régler un déséquilibre, en aurait créé un autre. Mais il a par ailleurs indiqué qu’il avait toujours l’intention de changer la composition de la commission chargée de la sélection des juges en Israël, ce qu’il a estimé être « une correction mineure ».
Ces propos – qui ont été tenus pendant un échange avec le milliardaire américain Elon Musk, à San Francisco, une conversation qui a été diffusée en direct sur X, anciennement Twitter, le réseau social dont Musk est le propriétaire – ressemble à une sorte de volte-face publique de la part de Netanyahu qui, au mois de janvier, avait autorisé son gouvernement à faire avancer ce projet très controversé de refonte du système judiciaire israélien et ses nombreuses législations à un rythme effréné, et ce, malgré un mouvement de protestation populaire massif et l’opposition exprimée par d’innombrables responsables de premier plan. Il avait défendu ces réformes dans de multiples déclarations et autres apparitions devant les médias.
Netanyahu avait suspendu ce plan à la fin du mois de mars alors que le pays menaçait réellement de sombrer dans le chaos, avec des manifestations intenses, des menaces de grève nationale et des menaces proférées par des dizaines de milliers de réservistes, qui affirmaient qu’ils refuseraient de se présenter au service si le projet devait aller de l’avant. Certains projets de loi sont restés en suspens depuis, mais la loi du « caractère raisonnable » – interdisant à la Cour de réexaminer les décisions gouvernementales et ministérielles à l’aune de leur « caractère raisonnable » – a été adoptée par la Knesset en juillet. Un autre texte de loi, qui restructurerait la commission chargée de nommer les juges au sein de l’État juif, attend d’être présenté à son vote final.
Et pourtant, lundi, le Premier ministre a paru opter pour un narratif différent – affirmant qu’il avait décidé de stopper lui-même le projet de loi en raison de sa nature problématique.
« Je dispose d’une majorité au Parlement, à la Knesset, qui me permet de tout légiférer mais je ne l’ai pas fait. Je ne l’ai pas fait parce que je veux qu’il y ait un consensus », a-t-il affirmé.
« J’ai pris mes fonctions et il y avait une proposition qui, selon moi, était mauvaise », a dit Netanyahu pendant sa discussion avec Musk. Le projet de refonte du système judiciaire israélien avait été dévoilé par le ministre de la Justice Yariv Levin (Likud) au mois de janvier, moins d’une semaine après l’arrivée au pouvoir de la coalition. « J’aurais réparé un déséquilibre en créant un autre déséquilibre », a ajouté Netanyahu. « Si la Cour peut rejeter toute décision faite par le gouvernement ou par le Parlement, alors ne réglons pas le problème en faisant en sorte que la Knesset puisse rejeter toutes les décisions qui sont prises par la Cour avec une majorité simple. »
« J’ai pensé que c’était une erreur », a-t-il poursuivi. « Cela faisait, en réalité, simplement pencher la balance de l’autre côté. »
Lors d’un échange qui a également abordé les thématiques de l’antisémitisme, de la lutte contre les acteurs et contre les « nations-voyous » et de l’intelligence artificielle (IA), c’est Musk qui a, le premier, soulevé la question du plan de refonte en Israël, faisant remarquer les manifestations qui avaient lieu aux abords des bureaux de Tesla, son entreprise, des rassemblements organisés dans le cadre du mouvement de protestation qui a accompagné le chef du gouvernement israélien depuis son arrivée aux États-Unis.
Musk, un habitué de la controverse, a déclaré que « pour être franc, j’ai probablement eu le plus de réactions négatives de la part des employés de Tesla en ce qui concerne cette interview que cela n’a jamais été le cas auparavant. »
Netanyahu, en réponse, a affirmé qu’un grand nombre des protestataires ignoraient, en réalité, les dispositions du plan de refonte.
« Israël était, est et sera toujours une démocratie solide », a-t-il asséné.
“ »Mais c’est ‘nous’ le peuple, pas ‘nous’ les élites, » a-t-il continué. « Nous, le peuple, gouvernons. »
Il y a trois décennies, a-t-il poursuivi, « l’équilibre entre les trois branches de gouvernance a commencé à changer ». « Et nous avons la Cour de justice la plus activiste de toute la planète (…). La démocratie doit être l’équilibre du pouvoir entre les trois branches du pouvoir, qui s’assurent que cet équilibre est respecté. En Israël, le système judiciaire n’a pas de contre-pouvoir : elle n’a que du pouvoir. Il y a donc une demande qui est de tenter de remettre les choses en place, c’est quelque chose qui couve en permanence. »
Le plan de refonte du système judiciaire initial, qui avait été présenté par Levin en date du 4 janvier, limiterait drastiquement l’autorité de la Haute Cour de justice qui, jusque-là, était en mesure de rejeter les lois et les décisions gouvernementales considérées comme discriminatoires ou non-démocratiques. Il permettrait aussi à la Knesset d’interdire, de façon préemptive ou rétroactive, le réexamen judiciaire d’une législation et il donnerait au gouvernement le contrôle complet de la sélection de presque tous les juges du pays, autorisant également les ministres à nommer ou à limoger leurs conseillers juridiques.
En adoptant la loi de la « raisonnabilité », a déclaré Netanyahu lundi, « nous avons fait des changements minimaux qui ramèneront un peu l’équilibre que nous avions au cours des 50 premières années de l’existence d’Israël ». « C’est ce que nous tentons de faire. »
La loi du « caractère raisonnable » a fait l’objet de contestations devant la Cour suprême – une bataille juridique qui menace d’entraîner une crise constitutionnelle sans précédent.
Netanyahu a expliqué qu’il recherchait le consensus avec l’opposition sur le plan de refonte largement controversé et que lorsqu’il rentrerait en Israël, il se concentrerait alors sur la nécessité de trouver un « juste milieu le plus heureux possible ». Netanyahu a confié toutefois à Musk qu’il avait l’intention de changer la manière dont sont nommés les magistrats au sein de l’État juif – l’élément central du projet de refonte.
Et s’il échoue à trouver un consensus avec l’opposition, a-t-il continué, « alors que je veux échanger avec le peuple – pour avoir un consensus le plus large possible en ce qui concerne une correction mineure, une correction qui consiste tout simplement à redéfinir comment nous choisissons les juges parce que le cas échéant (…) nous avons (…) 15 responsables non-élus – qui par ailleurs sont des gens compétents mais qui remplacent le peuple ». « Ce sont des non-élus mais ce sont eux qui décident de tout. Ce n’est pas exactement ça, la démocratie. »
La version actuelle de la législation sur la recomposition de la commission de sélection des juges – qui accorderait à la coalition le contrôle de presque toutes les nominations des magistrats dans le système judiciaire – est prête pour sa dernière lecture et elle pourrait, en théorie, passer dans les jours qui suivront la reprise des activités de la Knesset au lendemain des congés d’été, le 15 octobre prochain – même si de nombreuses informations laissent entendre que la coalition réfléchirait à modifier ses dispositions.
Netanyahu a indiqué qu’il était injustement décrit par ses opposants comme quelqu’un qui serait un mélange d’Attila le Hun et de Genghis Khan : « Ce n’est pas facile d’être ainsi calomnié », a-t-il dit.
« Il est certain que la presse, aux États-Unis, n’a pas fait le portrait de ce projet de refonte dont vous parlez de manière [si] positive », a répondu Musk avant que Netanyahu ne dénonce la couverture assurée par le New York Times – une campagne « fantastique, obsessionnelle », a-t-il estimé. « Mais ils se trompent dans l’ensemble et ce n’est donc pas important. »
Israël, a martelé Netanyahu, « sera une démocratie plus forte une fois que cette dernière sera dépoussiérée ».
Le parti de Netanyahu, le Likud, a cherché, après l’entretien avec Musk, à relativiser sur ses propos laissant entendre que la proposition législative originale dans le cadre du plan de refonte du système judiciaire était « mauvaise », affirmant que Netanyahu avait « seulement » fait référence à la clause dite « dérogatoire », qui permettait à la Knesset de passer outre les jugements rendus par la Haute cour concernant le rejet de législations – c’était l’un des textes les plus radicaux du projet de refonte.
Netanyahu avait ouvertement déclaré que la coalition abandonnait ce projet de clause « dérogatoire » mais il aurait affirmé aux ministres, au mois de juillet, que la loi était toujours d’actualité.
« Contrairement à ce qui a été rapporté, le Premier ministre n’a pas du tout rejeté la refonte du système judiciaire », a dit le Likud dans un communiqué. « Au cours de sa conversation avec Elon Musk, il a simplement fait référence à une clause ‘dérogatoire’ assortie d’une majorité simple et les leaders de la coalition ont d’ores et déjà convenu, il y a quelques mois, qu’un rééquilibrage du pouvoir des tribunaux pouvait se faire autrement. »
Alors que Netanyahu se trouvait aux États-Unis, Levin, de son côté, a rencontré à la Knesset des responsables d’organisations de droite. Il leur a dit qu’il n’avait aucunement l’intention de stopper le plan de refonte, a fait savoir la Treizième chaîne.
« Si quelqu’un pense que la refonte doit être retirée, stoppée ou abandonnée, cela ne fera que renforcer les pressions exercées sur le gouvernement. L’objectif, ici, c’est de renverser ce gouvernement et quelle que soit la situation, cela n’arrivera pas », a-t-il martelé.
« Il est évident que tout ça concerne en fin de compte la question de savoir qui gouvernera le pays – et certains ne sont pas prêts à nous laisser gouverner le pays. Ainsi, et même s’il n’y a pas d’accord avec l’opposition, je n’ai aucunement l’intention d’abandonner ces réformes », a-t-il poursuivi.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.