New-York: un inventeur juif expose ses œuvres d’art géométriques au MoMath
L'exposition des 37 œuvres de l'artiste, mathématicien et survivant de la Shoah, Ivan Moscovich, permet à un nouveau public de s’intéresser à l'histoire de la Shoah
New York Jewish Week via la JTA — Le magazine Wallpaper décrit les œuvres exposées au Musée National des Mathématiques comme « le travail d’un Spirograph sous acide – tourbillonnant avec élégance, des stylos à encre multicolore entraînés par la gravité associée à la précision des mathématiques ». Ces œuvres d’art aux multiples couleurs incarnent un génie de précision géométrique.
Les 37 œuvres, actuellement exposées au MoMath, l’un des plus célèbres musées de New York, sont signées par Ivan Moscovich, un artiste juif de 95 ans, auteur, mathématicien, inventeur, survivant de la Shoah et créateur de jouets et de puzzles. Ses œuvres d’art sont le résultat d’une collaboration entre l’homme et la machine : en 1969, Moscovich a breveté sa version d’harmonographe, un appareil mécanique qui utilise des pendules oscillants pour dessiner des images.
Moscovich a déclaré au New York Jewish Week qu’à l’époque, il était « assez impliqué dans la conception de l’art mathématique ».
« La fonctionnalité principale de cet appareil était que chaque dessin était absolument différent », a-t-il déclaré à propos de son œuvre cinétique, dans une interview audio depuis son domicile aux Pays-Bas. « Aucun ne se copie par quelque moyen que ce soit. Par conséquent, je l’ai aimé et j’ai créé de nombreuses œuvres inspirées de cet art mathématique. »
L’intérêt de Moscovich pour l’art mathématique peut sembler surprenant. Les mathématiques, après tout, sont un moyen d’analyser ou de classer avec précision des propriétés ou des modèles existants, tandis que l’art, selon la célèbre phrase de Marshall McLuhan, « est tout ce avec quoi vous pouvez vous en sortir ».
Et pourtant Moscovich trouve sa créativité dans la précision des mathématiques, et l’ordre dans les accidents de l’art. Comme il l’a écrit dans son autobiographie, « The Puzzleman »: « Cela a à voir d’une manière ou d’une autre avec le mécanisme mystérieux de l’esprit humain qui, je crois, m’a aidé non seulement à survivre aux camps de concentration, mais m’a aussi fait faire ce que j’ai fait depuis », a-t-il écrit. « Pour survivre, j’ai dû devenir créatif. »

Les expériences déchirantes de Moscovich pendant la Shoah étaient chargées de rebondissements aussi horribles qu’inattendus, dans lesquels tant d’aspects de sa survie semblaient laissés aux main du destin.
Né de parents juifs hongrois à Novi Sad, en Yougoslavie, en 1926, il a échappé de justesse au massacre notoire de sa ville natale en 1942. Par hasard, il est tombé sur un sac de sucre, qui l’a aidé à rester en vie pendant plusieurs semaines. Il a survécu à plusieurs camps de concentration dont Auschwitz avant d’être libéré. Il y est resté caché – pendant plusieurs jours – au milieu d’un tas de cadavres « qui atteignait presque le plafond », a-t-il raconté.
Bourreau de travail autoproclamé, Mocsovich a connu une vie pleine de rebondissements, prenant sans cesse des tournants incroyables.
Il a travaillé pour le ministère yougoslave des Transports et a obtenu un diplôme en génie mécanique de l’Université de Belgrade. Il a ensuite déménagé en Israël où il a travaillé comme chercheur scientifique et, en 1964, a fondé le Musée des sciences et de la technologie à Tel-Aviv. Bien que le musée n’ait été ouvert que peu de temps, sa nature interactive et pratique a inspiré les musées scientifiques où « il est interdit de ne pas toucher » du monde entier, y compris l’Exploratorium de San Francisco, qui à son tour a influencé d’innombrables musées scientifiques à travers les États-Unis, y compris le MoMath, qui a ouvert sur East 26th Street à Manhattan en 2012.

Sa longue et fructueuse carrière a inclus la création de puzzles et de jeux pour Mattel et la publication de dizaines de livres, dont « The Big Book of Brain Games ». En 2019, il a reçu un prix pour l’ensemble de ses réalisations du Chicago Toy & Game Group.
Les œuvres de Moscovich ont été exposées dans des musées à Londres, Berlin et Mexico, raison suffisante pour lui valoir une exposition au MoMath. Mais Cindy Lawrence, PDG et directrice exécutive du MoMath, a tenu à expliquer l’une des raisons supplémentaires:
« Le fait que nous puissions célébrer sa vie était important pour moi en tant que juive », a-t-elle déclaré au New York Jewish Week. De plus, « les jeunes générations sont tellement moins aux faits de la Shoah, maintenant que les survivants sont très peu nombreux. Voici donc une raison supplémentaire suffisante. »

« Building Beauty: The Harmonograph Art of Ivan Moscovich » est exposé au National Museum of Mathematics de New York, au 11 East 26th St.