Où sont les terroristes mandataires de l’Iran quand il a besoin d’eux ?
Téhéran a développé un réseau terroriste régional pour se protéger, mais maintenant qu'il est attaqué, le Hezbollah et les autres sont soit trop faibles, soit trop intimidés pour agir

Lorsqu’Israël a annoncé le lancement de son opération « Rising Lion », aux premières heures du matin, vendredi dernier, c’était la première fois en plus de 50 ans que le pays déclarait la guerre à un État souverain et non à une organisation terroriste opérant depuis un sol étranger, que ce soit la Cisjordanie ou Gaza.
Un grand nombre de ces organisations auxquelles Israël a été confronté, au fil des ans, étaient et demeurent soutenues, financées voire directement contrôlées par l’Iran, le pays aujourd’hui dans la ligne de mire d’Israël.
Depuis la révolution iranienne, le régime de Téhéran a consenti des efforts considérables pour diffuser son idéologie parmi les populations chiites du Moyen-Orient, tout en se constituant un réseau d’organisations terroristes dans la région, parfois avec des groupes sunnites.
Ces dernières décennies, la Force Qods, unité spéciale du Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran, s’est focalisée sur le soutien à ces organisations par le biais d’une aide financière, de la fourniture d’armes et de munitions, et même de formations, parfois menées depuis le sol iranien.
Pour l’Iran, ce réseau terroriste était tout à la fois une projection de puissance et un bouclier : les organisations n’auraient de cesse de harceler les deux plus grands ennemis de la République islamique, à savoir les États-Unis et Israël, tout en restant isolées des représailles à venir. Et l’existence d’une ligue d’armées de sbires prêtes à venir à sa défense en cas de guerre a contribué à décourager toute velléité occidentale d’invasion ou de changement de régime.
Suite au 7 octobre 2023, jour où le Hamas a mené un effroyable pogrom en Israël qui a déclenché la guerre à Gaza, l’étendue du dispositif iranien est apparue au grand jour, avec ces organisations soutenus par Téhéran, du Liban au Yémen, qui ont attaqué Israël dans ce que le ministre de la Défense de l’époque, Yoav Gallant, qualifiait de guerre sur sept fronts.
Maintenant que la puissance de feu d’Israël est dirigée contre l’Iran lui-même, ces mêmes mandataires sont aux abonnés absents. Certains, comme le Hezbollah, ont été gravement affaiblis par Israël pour avoir tenté d’aider le Hamas. D’autres semblent convaincus par leur pays d’accueil de rester en dehors du combat.

L’Iran se trouve aujourd’hui dans une position très inhabituelle et même dangereuse, forcé de compter principalement sur sa propre puissance militaire et sur son propre sol. Jusqu’alors, il s’agit en grande partie de salves de missiles balistiques tirés par l’armée de l’air du Corps des gardiens de la révolution islamique, qui ont occasionné d’importants dégâts mais n’ont guère affaibli la puissance de feu d’Israël.
L’Iran, qui a vu son pays se transformer en champ de bataille, tente tant bien que mal de faire face aux attaques israéliennes de Téhéran à Tabriz, signe de la vulnérabilité stratégique d’un pays qui préfère d’ordinaire laisser ses mandataires faire son sale boulot en sol étranger.
Le Hezbollah en panne
Le soutien de l’Iran aux organisations terroristes de l’étranger est estimé à plusieurs milliards de dollars par an, directement tirés des coffres de l’État. Cette aide s’est poursuivie ces dernières années malgré la situation économique désastreuse de l’Iran, aux prises avec une dévaluation persistante de sa monnaie et de récurrentes pénuries d’énergie.
Une bonne partie de cet argent est allée au groupe terroriste libanais du Hezbollah, le client le plus important de l’Iran.
Mais suite aux lourdes pertes subies et face à une opposition croissante à la guerre, le Liban est aujourd’hui gravement affaibli et réticent à affronter Israël.
Fondé en 1983 avec le soutien de l’Iran, le Hezbollah a servi ces vingt dernières années de principal outil militaire de l’Iran contre Israël, avec des missiles à longue portée et armes à guidage de précision.
Mais depuis qu’Israël a commencé à frapper en Iran, vendredi dernier, les seules choses lancées par le Hezbollah sont des mots. Cette retenue serait la conséquence directe de sa guerre contre Israël, au cours de laquelle le groupe a lancé presque chaque jour des attaques contre Israël entre octobre 2023 et le cessez-le-feu de novembre 2024.
Lors des six derniers mois de la guerre, et particulièrement à partir de septembre, le groupe a essuyé de graves revers militaires. La quasi-totalité de sa chaîne de commandement a été éliminée par Israël, à commencer par son chef de longue date, Hassan Nasrallah.

Peu de temps avant cela, les attaques israéliennes au moyen de téléavertisseurs et de talkie-walkies ont occasionné des dommages physiques et psychologiques considérables parmi les forces terrestres du groupe. Selon les informations libanaises, quelque 4 000 personnes ont été blessées lors de cette opération secrète, la grande majorité d’entre elles des agents du Hezbollah.
Le réseau de missiles du groupe, autrefois redoutable, semble avoir été en grande partie épuisé ou détruit, la Syrie n’étant plus une route de contrebande facile.
En octobre 2024, l’armée israélienne estimait que le Hezbollah conservait moins de 30 % de sa puissance de feu d’avant la guerre.
Même après la signature du cessez-le-feu, l’armée israélienne a continué à intervenir régulièrement au Liban contre des membres du Hezbollah, essentiellement dans le sud du pays.
Israël a bombardé à deux reprises des bâtiments dans le quartier de Dahiyeh, à Beyrouth, ce qui a détruit des bâtiments abritant des lignes de production et de stockage de drones, a indiqué l’armée israélienne.
Par conséquent, le Hezbollah est considérablement affaibli et bien moins susceptible de menacer Israël.
L’organisation est également en proie à des pressions politiques internes croissantes, le pays se remettant encore des lourdes frappes israéliennes visant à mettre fin aux attaques du Hezbollah.

Ces six derniers mois, au Liban, deux des trois plus hauts postes de direction ont été occupés par des personnalités considérées comme « anti-Hezbollah », à l’instar du Premier ministre, Nawaf Salam, ou du président Joseph Aoun. Tous deux ont fait des déclarations disant clairement leur intention de désarmer le Hezbollah et rappelant que la décision d’entrer en guerre revenait à l’État.
Dans un récent discours prononcé à l’occasion des 100 premiers jours de son gouvernement, Salam a signalé que l’armée libanaise avait démantelé plus de 500 dépôts d’armes dans le sud du pays. Bien qu’il n’ait pas précisé de quels dépôts il s’agissait, on pense qu’ils appartenaient au Hezbollah.
Selon le média saoudien Al Arabiya, le gouvernement libanais aurait fait passer un message au Hezbollah pour lui signifier qu’il ne laisserait pas le pays se laisser entrainer dans des représailles iraniennes contre Israël et que « l’époque où l’organisation contournait l’État s’agissant de la décision de faire ou non la guerre est révolue ».
Les autorités libanaises auraient averti le Hezbollah que ceux qui tenteraient d’entraîner le pays dans la guerre en assumeraient les conséquences, un avertissement surtout à destination de l’Iran et du Hezbollah pour leur signifier que ce serait bien eux, et non Israël, qui seraient à blâmer si Israël s’en prenait au Liban.

Ces événements mettent le Hezbollah dans une position problématique, qui l’empêche de mener des attaques contre Israël alors même s’il conserve des capacités pour le faire.
Vendredi, quelques heures après le début de l’opération israélienne, le Hezbollah a publié une longue déclaration condamnant fermement les frappes israéliennes contre l’Iran et déclarant qu’Israël ne comprenait « que le langage de la mort, du feu et de la destruction ».
La déclaration ne disait pas si ou quand il riposterait, mais un responsable du Hezbollah a déclaré à Reuters le même jour que le groupe ne riposterait pas aux attaques sur l’Iran.
Les milices irakiennes ploient sous la pression
Depuis l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, l’Iran y a renforcé les milices pro-iraniennes et chiites afin d’approfondir sa propre influence. Ces milices s’en sont surtout prises aux États-Unis, mais elles ont également retourné leurs armes vers Israël suite au 7 octobre.
Des pressions internes et externes croissantes ont mis fin à ces opérations.
Depuis 2014, les milices en Irak opèrent sous l’égide d’une organisation parapluie connue sous le nom de Forces de mobilisation populaire, qui tire des missiles sur les soldats américains stationnés dans la région et affronte le groupe terroriste de l’État islamique lorsque l’organisation djihadiste prend le contrôle de certaines parties de l’Irak.
Mais depuis le 7 octobre, ces milices prennent une part active à la guerre régionale sur plusieurs fronts contre Israël, manifestement avec l’appui de l’Iran. En 2023 et 2024, elles ont lancé des drones vers Israël, surtout en direction du plateau du Golan mais aussi, une fois, sur Eilat, tout en continuant d’attaquer des bases américaines en Irak. En octobre 2024, deux soldats de Tsahal ont été tués par une frappe de drone lancée par des milices pro-iraniennes dans le nord du plateau du Golan.

Cependant, avant même le deuxième cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, en décembre 2024, les milices pro-iraniennes irakiennes ont, dans le cadre d’un accord avec le gouvernement irakien, accepté de cesser d’attaquer les États-Unis et Israël.
Un haut responsable de la milice al-Nujaba, l’une des principales factions irakiennes, a confirmé au journal libanais Al-Akhbar, en décembre 2024, qu’un accord avait été conclu pour mettre fin aux activités militaires. Selon les médias arabes, l’accord était lié au retour au pouvoir du président américain Donald Trump et à la chute du régime de Bachar al-Assad en Syrie, qui a laissé la place à un gouvernement opposé à l’Iran.
Il est largement admis que les États-Unis, qui soutiennent le gouvernement irakien et s’opposent à la reprise des attaques contre ses bases, ont joué un rôle actif en coulisses. Les États-Unis n’ont pas officiellement abordé la question, mais ils ont revendiqué les frappes contre des bases de milices en Irak, en 2024, suite à une attaque meurtrière contre une base américaine.
Les combats entre Israël et le Hamas ont repris mais ces milices irakiennes sont restées en retrait.
Le 14 juin, le journal saoudien Asharq Al-Awsat a rapporté que le gouvernement irakien avait transmis aux milices un message similaire à celui que le Liban a donné au Hezbollah, à savoir de rester en dehors de la guerre entre Israël et l’Iran.

Selon cette information, le Premier ministre irakien Mohammed al-Soudani se serait entretenu avec les chefs des milices pour leur faire comprendre que l’Irak ne voulait pas participer à la guerre.
L’influent leader chiite Moqtada al-Sadr semble également faire pression sur les milices pour qu’elles se retirent.
« L’Irak et son peuple n’ont pas besoin de nouvelles guerres », a-t-il écrit sur X le 13 juin dernier. « Nous appelons à faire taire les voix imprudentes qui souhaitent l’implication de l’Irak dans la guerre et à écouter la voix de la sagesse et celle des religieux. »
La Syrie quitte le bercail
Depuis le début de la guerre civile en Syrie, en 2011, l’Iran n’a cessé de renforcer son influence sur le pays, non seulement par une présence militaire directe, mais aussi en l’utilisant comme voie de transit principale pour les armes destinées au Liban.
Les milices soutenues par l’Iran y ont opéré, mais la principale valeur stratégique de la Syrie résidait dans son rôle de corridor, et non de champ de bataille.
Désormais, ce n’est plus ni l’un ni l’autre. Lorsqu’Assad s’est envolé pour Moscou, début décembre 2024, il a pris avec lui la présence de l’Iran dans le pays, à toutes fins utiles.

Avec le nouveau président Ahmad al-Sharaa, les dirigeants syriens ont complètement rompu leurs relations avec l’Iran et l’ont privé de tête de pont dans le pays. L’ambassade iranienne a été fermée et les vols iraniens ont été interdits dans l’espace aérien syrien.
Le nouveau régime syrien a également publié de multiples déclarations, ces derniers mois, faisant état de saisies d’armes destinées à la contrebande au Liban, vraisemblablement pour le Hezbollah.
Ce changement spectaculaire entrave considérablement la capacité de l’Iran à utiliser le territoire syrien pour soutenir ses alliés régionaux, comme il l’a fait pendant des années.
Chasser les Houthis
Les rebelles houthis du Yémen sont le seul mandataire de l’Iran à continuer à livrer bataille contre Israël. Mais les capacités du groupe sont limitées par son éloignement, qui le prive de tout effet de surprise, et son arsenal, somme toute relativement modeste. Depuis vendredi dernier, il joue un rôle des plus modestes dans les combats.
A leurs débuts, les Houthis étaient une milice indépendante, qui s’est rebellée contre le gouvernement yéménite lors de la guerre civile. Depuis 2014, le groupe bénéficie d’une aide financière, militaire et logistique de la part de l’Iran, qui fournit aux Houthis des armes, des technologies militaires et une expertise technique.
Les Houthis affirment que depuis vendredi, ils ont tiré des missiles balistiques contre d’importantes infrastructures militaires israéliennes. En réalité, le groupe a lancé un seul missile balistique, qui s’est abattu sur une ville palestinienne près de Hébron en faisant plusieurs blessés, et qu’il a préféré ne pas revendiquer.

Il a également lancé trois drones samedi, qui ont tous été abattus loin des frontières d’Israël, a indiqué l’armée israélienne.
Pourtant, le groupe, qui a résisté à des mois de frappes américaines et israéliennes, fait au moins mine de soutenir l’Iran.
Même si le Hezbollah, les FMP, le Hamas et d’autres sont en retrait, les Houthis demeurent les mandataires les plus constants de l’Iran, qui tirent des missiles balistiques sur Israël de temps en temps et assurent faire preuve de « soutien à Gaza tant que le massacre continuera », comme ils le disent eux-mêmes.

À une époque, les tirs des Houthis sur Israël étaient nouveaux, surprenants et terrifiants, mais des mois plus tard, ils semblent avoir perdu de leur effet et le groupe, ne pas avoir d’autres atouts dans sa manche. Entre temps, Israël a donné le sentiment de redoubler d’activité à leur encontre, notamment par une utilisation sans précédent de sa puissance navale.
Les récentes tentatives d’assassinat de hauts responsables houthis au Yémen, dont le chef d’état-major du groupe, Mohammed Abd al-Karim al-Ghamari, sont le signe qu’Israël dispose de renseignements substantiels sur les Houthis, sans doute inhérent à cette longue fréquentation.
Les capacités des Houthis contre Israël – des missiles balistiques et des drones tirés de trop loin pour prendre le pays par surprise ou faire plus que terroriser la population – semblent à l’unisson avec celles de l’Iran, mais à une plus petite échelle.
Alors qu’Israël et l’Iran s’affrontent dans un combat annoncé depuis longtemps, le dernier mandataire en lice – un groupe hétéroclite qui à un moment donné a mis le commerce mondial à genoux – risque de se retrouver une fois de plus un acteur marginal.
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