Paris : Une plaque en hommage au décorateur français Jean-Michel Frank
L'artiste, cousin d'Anne Frank, avait meublé et décoré de nombreux logements de l’élite parisienne dans les années 1920 et 1930
Jean-Michel Frank avait été l’un des principaux décorateurs français de la période Art déco. Le 30 novembre dernier, la ville de Paris lui a rendu hommage, avec la pose d’une plaque devant son ancien domicile de la rue de Verneuil, où il avait vécu de 1925 à 1940.
Rachida Dati, maire du 7e arrondissement de Paris, et Laurence Patrice, adjointe à la maire de Paris pour la mémoire et le monde combattant, ont assisté à la cérémonie.
Né en 1895 dans une famille bourgeoise juive parisienne, l’homme s’était éteint en 1941 à New York. Il avait meublé et décoré de nombreux logements de l’élite parisienne dans les années 1920 et 1930. « Il y a eu à Paris, dans la vie du style, un moment Frank », explique Jacques Lassaigne, ancien directeur du Musée d’art moderne de la ville de Paris.
Cousin d’Anne Frank, Jean-Michel Frank avait réussi à fuir l’Europe pour Buenos Aires, partant ensuite pour New York après la débâcle de l’armée française en 1940. Il s’était suicidé peu après son arrivée aux États-Unis.
« Jean-Michel Frank aimait ce qu’il y a d’invisible de la véritable élégance et tout ce qui sautait à l’œil lui semblait odieux. La sottise d’une forme, la vulgarité d’une étoffe, l’outrecuidance d’une couleur le mettaient en fuite. Sans doute a-t-il sauté hors de cette époque parce qu’il la trouvait inhabitable et qu’il en prévoyait l’informe », avait écrit Jean Cocteau dans un hommage au décorateur quelques années plus tard.
Cérémonie de dévoilement de la plaque en l'honneur de Jean-Michel #FRANK au 7 rue de #Verneuil, là où cet artiste-décorateur de génie a vécu de 1925 à 1940. Grâce à l'action du Comité FRANK, son œuvre et son influence perdurent. #art #Paris7 pic.twitter.com/63zU4PrVmf
— Rachida Dati ن (@datirachida) November 30, 2022
Ce matin nous rendions hommage rue de Verneuil, aux côtés de @LaurenceBenaim sa biographe à Jean-Michel Frank gd décorateur d’intérieur de l’entre deux guerres qui imposa une signature magnifique et épurée. Il fut lié aux plus gds artistes et intellectuels de son temps. #memoire pic.twitter.com/keNdksNMt9
— Laurence Patrice (@lau_patrice) November 30, 2022
En 2017, la journaliste Laurence Benaïm a publié la biographie Jean-Michel Frank : Le chercheur de silence.
« Jean-Michel Frank ? L’auteur de la ‘huitième merveille du monde’. C’est ainsi qu’Yves Saint Laurent qualifie sa décoration du fumoir de l’hôtel de Charles et Marie Laure de Noailles, que Frank avait imaginée au milieu des années 1920. Avec quelques passionnés, le plus grand couturier du monde a ainsi contribué à faire redécouvrir dans les années 1970 celui dont on avait oublié l’importance primordiale dans l’histoire du goût », a-t-elle écrit.
« Fils de Juifs allemands installés en France avant la Première Guerre mondiale, Jean-Michel Frank fait partie de la bourgeoisie ‘assimilée’ de la 3e République. Élève à Janson-de-Sailly, il s’y lie d’amitié avec René Crevel, qui lui présente Drieu la Rochelle. À côté de ces jeunes écrivains en devenir, Frank choisit la décoration. Très vite, il invente son style. Un style apuré, épuré, dépouillé, renversant la lourde esthétique qui triomphait jusque-là. Minimaliste avant l’heure, il traite la marqueterie de paille comme le parchemin ou le gypse d’une manière inédite ; avec Jean-Michel Frank, c’est une révolution de l’art décoratif qui se joue. Des personnalités aussi diverses que Cole Porter, François Mauriac – qui l’appelle le ‘Dr Frank’ –, Elsa Schiaparelli, ou Nelson Rockefeller font appel à son talent. Ses complices ont pour nom Francis Poulenc, Christian Bérard, Alberto Giacometti. La vie de Frank est à l’image de ses créations : effacé, fantomatique, il cherche le silence comme il cherche la pureté : ‘Il aimait l’invisible de la véritable élégance’, écrira Jean Cocteau. Homosexuel dans une société où cela n’est admis que par certaines personnes, Juif à une époque de montée du fascisme et de l’antisémitisme, Frank cherche un refuge dans la drogue. Paris occupé, il s’exile à New York en 1941 et s’y suicide. »