Israël en guerre - Jour 349

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« Pas d’armée de l’air, pas de soldats, nous étions seuls », dit un survivant du massacre du Hamas

Des rescapés de Netiv Haasara se sont cachés dans des pièces sécurisées pendant 12 heures, réconfortant leurs enfants alors que les terroristes exécutaient les habitants du moshav

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Liat et David Ben Shimol, évacués de Netiv Haasara, sont restés cachés durant 12 heures dans une pièce sécurisée lors de l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, à l’hôtel Yearim de Maale HaHamisha. (Crédit : Jeremy Sharon)
Liat et David Ben Shimol, évacués de Netiv Haasara, sont restés cachés durant 12 heures dans une pièce sécurisée lors de l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, à l’hôtel Yearim de Maale HaHamisha. (Crédit : Jeremy Sharon)

Dans l’enceinte d’un hôtel perché dans les collines de Jérusalem, au milieu de paisibles forêts de pins qui s’étendent à l’horizon sous un ciel azur, des centaines de personnes se prélassent au soleil.

Des mères surveillent de près leurs enfants qui courent entre des châteaux et toboggans gonflables, les plus grands participent à un atelier floral et les hommes et les femmes plus âgés observent le tout, tranquillement assis.

Ce vernis de tranquillité est trompeur. Car, en ce moment, tous les hôtes de l’hôtel Yearim de Maale Hahamisha sont des rescapés des villes frontalières de Gaza, qui ont vécu cette semaine un traumatisme inimaginable. Fuyant le souvenir des horreurs perpétrées par les terroristes du Hamas samedi, ils tentent de se remettre de leur rencontre avec les terroristes brutaux qui ont massacré des centaines de personnes.

La plupart des personnes évacuées viennent de Netiv Haasara et du kibboutz Zikim. Une vingtaine d’habitants au moins de Netiv Haasara ont été massacrés par les terroristes.

Ils sont nombreux à me dire ressentir la même chose, à savoir la stupéfaction face à une telle attaque de la part d’ennemis d’Israël, le sentiment de ne plus être en sécurité et enfin une grande colère contre le gouvernement.

Certaines de ces personnes – pas toutes – disent leur souhait de rentrer chez elles et de reconstruire ce qui a été détruit.

Glen Eilon, un habitant de Netiv Haasara qui a survécu à l’attaque du Hamas sur le sud d’Israël, parle depuis Maale HaHamisha, près de Jérusalem, le 12 octobre 2023. (Crédit : Jeremy Sharon/Times of Israel)

« Je ressens de la colère et un désir de vengeance », dit Glen Eilon, qui habite depuis de nombreuses années à Netiv Haasara, localité splendide et bucolique en temps normal, qui a pourtant fait les frais d’innombrables attaques à la roquette et au mortier ces vingt dernières années.

Situé à quelques centaines de mètres de la partie nord de Gaza, le moshav est la communauté civile la plus proche du territoire palestinien.

« Je ne suis pas terrifié, je n’ai pas peur, je ne tremble pas. Si j’avais le pouvoir, je l’exercerais avec ces deux sentiments à l’esprit », assure-t-il.

Eilon, 82 ans, sa femme, son plus jeune fils, sa belle-fille et ses trois petits-enfants ont fort heureusement tous échappé aux terroristes du Hamas qui ont pris d’assaut la communauté et assassiné ceux qui ont eu le malheur de croiser leur chemin, comme en de nombreuses autres villes et communautés de la région.

On sait que des terroristes sont entrés dans Netiv Haasara au moyen de parapentes motorisés. L’un a atterri derrière la maison d’Eilon, et un autre, derrière la maison de son fils aîné, quelques maisons plus bas.

« Un de mes voisins a perdu ses deux fils dans l’attaque. Nos deux voisins âgés se sont cachés dans leur pièce sécurisée. Quand les assaillants ont vu qu’ils ne pourraient pas entrer, ils ont empilé des pneus contre la maison et l’ont incendiée, avec eux à l’intérieur », dit-il.

« Une jeune mère se trouvait dans sa salle de bain quand les terroristes l’ont vue. Ils ont lancé une grenade et l’ont tuée. »

« Ils ont descendu le chemin entre ma maison et celle du voisin, ont marché 100 mètres sur la route et commencé à tirer sur ceux qu’ils croisaient».

« Pour quelle raison ils ont fait une chose pareille et nous ont laissés tranquilles, je l’ignore. Peut-être y a-t-il une raison pour laquelle Il a pensé à nous », ajoute-t-il, évoquant indirectement Dieu.

Une maison touchée par une roquette tirée depuis la bande de Gaza à Netiv Haasara, le 4 mai 2019. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Il s’empresse de dire que, malgré ses derniers mots, il n’est pas religieux, ayant perdu la foi depuis la mort dans un accident de l’un de ses fils, il y a de cela 30 ans, au cours du test d’un canon d’artillerie.

Son fils est enterré à Netiv Haasara et il se rend sur sa tombe chaque semaine.

Lorsque le Hamas a commencé son assaut par d’intenses tirs de roquettes, vers 6 heures du matin samedi, Eilon et les siens se sont précipités vers leur pièce sécurisée. Pendant les deux premières heures de l’attaque, il ignorait que des terroristes s’étaient infiltrés en territoire israélien, car il n’y avait ni d’électricité ni connexion Internet.

À un moment, la femme d’Eilon est sortie préparer le petit-déjeuner des petits-enfants, âgés de 12, huit et cinq ans.

« C’est à ce moment que nous les avons entendus tirer avec des kalachnikovs, dans la rue, à côté de chez nous », dit Eilon. C’et là qu’ils prennent pleinement conscience de l’horreur de la situation.

« Ma famille était terrifiée… mon fils tremblait comme une feuille, je ne pouvais rien faire, je ne pouvais pas protéger mes petits-enfants. »

Après avoir passé environ 12 heures dans leur pièce blindée, alors que les bruits de coups de feu diminuaient à Netiv Haasara, les habitants ont finalement reçu des messages du centre de sécurité du moshav leur disant qu’il était possible de partir. Eilon et sa famille ont pris leur voiture vers 18 heures et sont partis.

Des terroristes palestiniens lançant des roquettes depuis la Bande de Gaza en direction d’Israël, à Gaza, le 7 octobre 2023. (Crédit : Hatem Moussa/AP Photo)

Comme Eilon, Liat et David Ben Shimol ont passé une douzaine d’heures dans leur pièce sécurisée en entendant les bruits de la guerre tout autour d’eux.

Lorsque les sirènes ont retenti pour la première fois, ils ont sauté de leur lit et se sont précipités dans leur pièce blindée avec deux de leurs trois enfants, Shira, 14 ans, et Ariel, 10 ans (la troisième, Noga, 18 ans, était à l’étranger).

Utilisées pour donner l’alerte en cas de tirs de roquettes, les sirènes de samedi matin donnaient l’impression que quelque chose d’autre était en train de se passer.

Puis, vers 10 heures du matin, ils ont commencé à entendre des coups de feu.

« Nous ne comprenions pas ce qui se passait, le courant était coupé, il n’y avait pas Internet, on nous avait juste dit de rester dans les pièces sécurisées vers 8 heures le matin, quand les portables fonctionnaient encore », explique David.

Au bout d’une heure, pendant laquelle leurs seules informations se limitent aux sons venus de dehors, ils reçoivent un appel téléphonique du cousin de David, membre de l’équipe de défense civile de la communauté.

« Il disait avoir reçu une balle dans la jambe et aussi qu’il y avait des terroristes partout dans le moshav, qu’il nous fallait nous enfermer », dit Liat.

« C’est à ce moment-là que nous avons réalisé que nous étions seuls. Pas d’armée de l’air, pas de soldats, nous étions seuls », poursuit-elle.

« Les bruits à l’extérieur étaient si forts, c’était fou. Notre fils a eu une crise de panique, il tremblait de manière incontrôlable. Notre fille a commencé à prier et réciter des psaumes », explique Liat.

Des soldats israéliens retirant les corps de civils israéliens dans le kibboutz Kfar Azza, près de la frontière entre Israël et Gaza, dans le sud d’Israël, le 10 octobre 2023. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

« Les enfants étaient terrifiés, ils tremblaient, ils n’arrêtaient pas de poser des questions, ils s’inquiétaient pour leurs amis et ils demandaient ce qui se passerait si les terroristes venaient chez nous », dit-elle.

Ils ont appris plus tard que des terroristes avaient ouvert le feu sur les habitants d’une maison située à deux portes de la leur. Par miracle, ils n’ont pas tenté d’entrer dans leur maison.

De temps en temps, David et Liat récupéraient du réseau et recevaient alors sur le groupe WhatsApp du moshav des messages de voisins blessés et effrayés. Certains ont laissé des messages vocaux disant que les terroristes étaient chez eux et qu’ils avaient besoin d’aide. Lorsqu’ils ont cessé de répondre, « nous avons su qu’ils avaient été tués », explique Liat.

Une femme âgée vivant à proximité disait avoir été blessée. Elle saignait, mais personne ne pouvait venir jusqu’à elle pour lui porter secours. Elle a finalement été sauvée et a survécu, se réjouit le couple.

À un certain moment, alors que le massacre se poursuivait dehors, David a envoyé un message vocal à sa fille Noga, qui fait actuellement du bénévolat auprès de l’Agence juive de San Francisco, pour lui dire qu’ils allaient bien.

« Je voulais qu’elle ne s’affole pas si elle voyait ou entendait parler de ce qui se passait avant que nous puissions nous parler, même si c’était un mensonge, je ne voulais pas qu’elle s’inquiète », dit-il, tremblant et s’effondrant en larmes.

Lorsqu’ils ont finalement reçu l’information qu’il était possible de partir, le couple s’est précipité avec ses enfants et a jeté quelques vêtements et effets personnels dans la voiture. En sortant, ils ont vu les cadavres par terre, certes recouverts par le personnel d’urgence et de secours. L’odeur âcre des maisons en feu rendait l’air difficilement respirable.

« C’est une immense douleur. Nous avons peine à croire que pareille chose ait pu se produire », dit David. « Comment reconstruire le moshav après ça ? »

Une proche d’un disparu après l’attaque surprise du Hamas, lors d’une conférence de presse à Ramat Gan, le 8 octobre 2023. (Crédit : Maya Alleruzzo / AP)

Pourtant, le couple dit qu’ils reviendront et reconstruiront.

« Nous ne ferons pas que revenir, nous reviendrons pour reconstruire en mieux. Tous les enfants du moshav disent qu’ils veulent participer, aider, faire quelque chose, rejoindre les rangs de l’armée et se battre », explique Liat.

Eilon est très critique envers le gouvernement, qu’il tient responsable de l’échec qui a permis au Hamas de mener cette attaque sans précédent.

« Je suis en colère parce que personne ne prend ses responsabilités, en colère parce que quelque chose comme ça a pu arriver, en colère parce que le gouvernement ne savait pas ce qui se passait. »

« Où étaient nos forces de sécurité tant vantées, où étaient les soldats, où était l’armée pendant les sept premières heures ? », demande-t-il.

« Les gens imploraient de l’aide, mais il n’y avait pas de chars, pas de jeeps, pas de soldats. »

Bien qu’il soit de droite, Eilon est profondément déçu par l’actuel gouvernement.

« Nous n’avons pas de gouvernement. Nous avons des gens qui cherchent à faire porter le chapeau aux autres ».

« Si le Premier ministre était vraiment un homme, il démissionnerait et dirait ‘Je n’ai pas su aider le pays, je n’ai pas su aider la population, j’ai laissé tomber tout le monde, je rentre chez moi’ – la queue entre les jambes. »

Eilon dit qu’il n’est pas sûr de retourner à Netiv Haasara, compte tenu de sa proximité avec Gaza. Mais en supposant que cela soit possible, sa décision est claire.

« Est-ce que je vais laisser le moshav alors que mon fils y est enterré ? Je lui rends visite chaque semaine. Je ne bougerai pas », promet-il. « Est-ce que je vais rentrer chez moi ? Bien sûr, c’est notre maison, où irions-nous autrement ? »

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