Pentagone : L’Iran a échoué à lancer un satellite dans l’espace en juin
Le programme spatial iranien a longtemps été accusé d'être une façade pour le développement de missiles balistiques ; les analystes civils prédisent de nouvelles tentatives
L’Iran a tenté sans succès de lancer un satellite dans l’espace à la mi-juin et apparaît vouloir tenter un nouveau lancement, selon le Pentagone et des images satellites du centre spatial de Semnan, à quelque 300 km à l’est de Téhéran, obtenues mercredi.
« Le commandement américain de l’espace a connaissance de l’échec du lancement d’une fusée iranienne, qui s’est produit tôt le 12 juin », a indiqué dans un communiqué un porte-parole du Pentagone, le lieutenant-colonel Uriah Orland, confirmant des informations de CNN.
Les responsables israéliens et internationaux de la Défense soutiennent depuis longtemps que l’apparent programme spatial iranien sert en fait de couverture au développement de missiles balistiques intercontinentaux, qui reposent en grande partie sur la même technologie.
Le porte-parole a rappelé que le précédent lancement iranien s’était produit en avril 2020, lorsque Téhéran avait mis en orbite un microsatellite Nour-1, que l’armée américaine continue de surveiller. « Nos observations constantes de cet objet démontrent qu’il est incontrôlé et non opérationnel », a-t-il conclu.
Selon CNN, qui cite des experts de l’université californienne de Middlebury, une activité accrue ces derniers jours sur le centre spatial de Semnan semble montrer qu’une nouvelle tentative de lancement est en préparation.
Des images de la société d’imagerie Planet Labs, datées des 19 et 20 juin, montrent des citernes de carburant, des véhicules de transport et une plateforme mobile en place sur le centre spatial.
Téhéran a nié l’échec du lancement du 12 juin. « Les deux satellites du ministère de la communication, Nahid et Pars, sont entre les mains de l’agence spatiale » iranienne, a déclaré le ministre iranien des Télécommunications Mohammad Javad Azari Jahromi, cité mercredi par l’agence officielle iranienne Irna.
« J’ai vu ce matin aux informations qu’ils ont été lancés il y a dix jours », a-t-il ajouté.
Au début du mois de juin, Dave Schmerler et Jeffrey Lewis, de l’Institut d’études internationales de Middlebury, ont remarqué les signes indicateurs d’un lancement imminent sur des images satellites de Planet Labs Inc. et Maxar Technologies du port spatial iranien de Semnan – plus précisément, un grand nombre de véhicules, de réservoirs de carburant et d’autres équipements.
« Nous ne voyons jamais ces équipements, sauf avant les lancements spatiaux », a écrit Lewis dans une série de tweets à ce sujet mercredi.
Environ une semaine plus tard, l’activité au Centre de lancement de satellites de Semnan Imam Khomeini a considérablement diminué, ce qui indique que le lancement avait déjà eu lieu. Cependant, contrairement aux cas de lancements réussis, l’Iran n’a fait aucune annonce à ce sujet et aucun nouveau satellite n’a été signalé en orbite autour de la Terre.
« Nous étions pratiquement sûrs que le lancement avait échoué », a déclaré Lewis.
Last week, Iran conducted a failed space launch. Iran is now getting ready to try again. @DaveSchmerler and I worked it all out with open sources, then @ZcohenCNN got the Pentagon to confirm it. A short OSINT thread. 1/10
— Dr. Jeffrey Lewis (@ArmsControlWonk) June 23, 2021
Les deux chercheurs se sont alors adressés à CNN afin de faire confirmer leur intuition. Mardi, le porte-parole du Pentagone, le lieutenant-colonel Uriah Orland, a déclaré à la chaîne d’information qu’il y avait bien eu un lancement raté.
« Le commandement spatial américain est au courant de l’échec du lancement de la fusée iranienne qui s’est produit au début du 12 juin », a déclaré Orland à CNN.
On ne sait pas, à l’heure actuelle, comment ni à quel stade le lancement a échoué. Le Pentagone n’a pas immédiatement répondu à une demande d’informations supplémentaires du Times of Israël.
C’est au moins la quatrième fois consécutive que l’Iran ne parvient pas à mettre en orbite son lanceur de satellite Simorgh, la fusée explosant soit sur le pas de tir, soit à un stade ultérieur du lancement.
D’après Lewis, de nouvelles photos satellites du Centre de lancement de satellites Imam Khomeini prises le 20 juin montrent à nouveau les véhicules et les équipements que l’on ne voit généralement qu’avant un lancement, ce qui indique qu’un autre lancement est en préparation.
« Un véhicule de soutien et la plate-forme de travail mobile sont de retour au portique et il y a un autre chargement de carburant (et peut-être d’oxydant) sur le site. Les Iraniens vont essayer à nouveau », a-t-il écrit.
L’échec du lancement de ce mois-ci et l’imminence présumée d’un autre interviennent alors que les États-Unis et l’Iran négocient un retour mutuel à l’accord nucléaire de 2015, connu sous le nom de Plan d’action global conjoint, qui était censé limiter le programme nucléaire de Téhéran en échange d’un allègement des sanctions. L’ancien président américain Donald Trump a abrogé l’accord en 2018, mettant en place un régime de sanctions écrasant contre l’Iran et les responsables iraniens. En retour, un an plus tard, l’Iran a lui aussi abandonné l’accord, enrichissant progressivement de plus en plus d’uranium et à des degrés de pureté supérieurs à ce qui était autorisé par l’accord, et faisant des progrès dans d’autres domaines liés à l’atome qui étaient proscrits par l’accord.
Le président américain Joe Biden a déclaré à plusieurs reprises son intention de revenir sur le pacte et de lever les sanctions mises en place par son prédécesseur, à condition que l’Iran se conforme d’abord à l’accord.
Au cours des derniers mois, les diplomates iraniens et occidentaux ont négocié à Vienne un tel retour dans l’accord nucléaire. Toutes les parties ont fait état de progrès mais n’ont pas encore trouvé de solution.
La semaine dernière, le partisan de la ligne dure Ebrahim Raissi a été choisi comme prochain président de l’Iran. On s’attend à ce que Raissi, tristement célèbre pour avoir ordonné des exécutions massives de prisonniers dans les années 1980, adopte une position plus dure à l’égard du programme nucléaire iranien, bien que la Maison Blanche et de nombreux analystes de la Défense estiment que la décision sur la manière dont Téhéran procède en termes d’accord sur le nucléaire et d’expansionnisme militaire est prise en dernier ressort par le guide suprême iranien Ali Khamenei, et non par le président.
L’Iran a également cherché à accroître la pression sur les États-Unis et l’Occident en procédant à des essais de ses lanceurs de satellites, qui pourraient également servir de missiles balistiques à charge nucléaire.
Lewis, qui écrit actuellement un livre sur le programme spatial iranien, affirme depuis longtemps que si certains lanceurs de satellites peuvent être utilisés comme missiles balistiques intercontinentaux, il ne pense pas que ce soit le cas du Simorgh, qui, de par sa conception, ne serait pas bien adapté à cette tâche, contrairement à certains des modèles testés par le Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran.
L’année dernière, le Corps des gardiens de la révolution islamique a réussi à mettre en orbite un petit satellite espion, ce qui en fait l’une des rares armées au monde à pouvoir le faire de manière indépendante. Toutefois, les responsables de la Défense ont estimé que les capacités du satellite n’étaient pas particulièrement inquiétantes.
« Il s’agit d’une webcam en mouvement dans l’espace, peu susceptible de fournir des renseignements », a écrit le chef du commandement spatial américain dans un tweet au moment du lancement.
Au début de l’année, la télévision d’État iranienne a diffusé le lancement de la toute nouvelle fusée porteuse de satellites du pays – pas la Simorgh – qui, selon elle, était capable d’atteindre une altitude de 500 kilomètres.
La fusée, baptisée Zuljanah en référence au cheval de l’imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet, n’a pas lancé de satellite en orbite. Le porte-satellite mesure 25,5 mètres de long et pèse 52 tonnes. Ahmad Hosseini, porte-parole du département de l’espace du ministère de la Défense, qui a supervisé le lancement, a déclaré que le porte-satellite n’avait pas été lancé.