Pétain : du « héros de Verdun » au banc des accusés
Condamné à mort au terme d'un procès de trois semaines, il voit sa peine commuée en détention perpétuelle par le général de Gaulle et meurt à l'île d'Yeu en 1951
Erigé en héros de la Première Guerre mondiale après la victoire de Verdun mais jugé comme traître à la fin de la Seconde, Philippe Pétain reste dans l’Histoire comme un être pétri de contradictions.
Né à Cauchy-à-la-Tour en Artois, le 24 avril 1856, dans une famille de cultivateurs, il fait des études militaires à Saint-Cyr d’où il sort lieutenant. Il va faire sa carrière dans l’infanterie et mener une vie sans éclats.
Quand commence la Première Guerre mondiale, en août 1914, le colonel Pétain a 58 ans et est tout près de la retraite. Promu général de brigade dès le mois d’août, il doit à sa belle conduite lors de la bataille de la Marne – où est évité de justesse un désastre français – d’être fait général de corps d’armée en octobre puis, après plusieurs offensives victorieuses, général d’armée en 1915.
A Verdun, en 1916, il va imposer sa conception de la guerre : reculs tactiques, emploi massif de l’artillerie, refus des offensives inutiles. Et imposer sa légende.
En mai 1917, il est nommé commandant en chef des armées françaises et redonne confiance aux troupes. Pour mater les mutineries de 1917, il améliorera le quotidien du poilu mais continuera de faire fusiller « pour l’exemple ».
Au sortir de la guerre, en novembre 1918, il est maréchal de France et auréolé d’un immense prestige. Il ne se marie qu’à 64 ans, avec Eugénie Hardon, une femme divorcée de 42 ans, dont il n’aura aucun enfant.
En 1925, il est envoyé en mission au Maroc pour diriger la campagne du Rif.
L’émeute du 6 février 1934 organisée par les ligues d’extrême droite le fait entrer dans la vie politique : soucieux de bénéficier du prestige du maréchal Pétain auprès des anciens combattants, le président du Conseil Gaston Doumergue lui confie le ministère de la Guerre.
En 1939, il est envoyé comme ambassadeur auprès du gouvernement espagnol pour aider à établir des relations avec le général Franco.
Le 18 mai 1940, alors que le front français de la Meuse vient d’être enfoncé par les Panzerdivisionen allemandes, il est rappelé à Paris par Paul Reynaud qui le nomme vice-président du Conseil.
Quand la France paraît condamnée à une défaite rapide, Pétain tient un armistice comme la seule issue pour sauver l’honneur de l’armée. Le président Lebrun l’appelle pour former un nouveau gouvernement.
Le 17 juin, Pétain lance à la radio un appel : « Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur » et adresse sa demande d’armistice. Les 22 (à Rethondes) et 24 juin (à Rome), les conventions franco-allemande et franco-italienne sont signées.
L’Assemblée nationale lui vote les pleins pouvoirs le 10 juillet. Il met aussitôt fin à la République et, sous la devise « Travail, Famille, Patrie », installe un régime autoritaire et confie le gouvernement à Pierre Laval.
Dès lors, le destin de Pétain se confond avec celui de Vichy. Devançant la demande des autorités allemandes, la France publie dès le mois d’août les premiers décrets contre les Juifs. Pétain pratique d’abord une politique ambiguë : désireux de bonnes relations avec l’Allemagne nazie – il rencontre Hitler à Montoire en octobre 1940 -, il s’efforce de garder le contact avec le gouvernement anglais, les Etats-Unis et l’Espagne de Franco.
En décembre 1940, il remplace Laval, qui défend une collaboration sans limites avec les nazis, par l’amiral Darlan. Mais, sur ordre des nazis, il rappelle Laval en avril 1942.
Ne disposant plus de marge de manœuvres, il laisse la Milice de Darnand se livrer aux pires exactions et des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, juifs en grande majorité, sont déportés.
En août 1944, il est enlevé par les Allemands qui l’installent à Sigmaringen (Allemagne). En avril 1945, il passe en Suisse et se rend à la justice française pour être jugé.
Condamné à mort au terme d’un procès de trois semaines, il voit sa peine commuée en détention perpétuelle par le général de Gaulle et meurt à l’île d’Yeu en 1951.