Israël en guerre - Jour 400

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Interview

Pleine d’espoir malgré tout, la mère d’un otage trouve un nouveau sens à l‘enlèvement de son fils

Tamir Nimrodi n'a donné aucun signe de vie depuis le 7 octobre. Sa mère Herut n'en finit pas de découvrir comme il était heureux dans l'armée, avant son enlèvement

Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Tamir Nimrodi, au centre, pris en otage à sa base militaire le 7 octobre 2023, avec ses deux jeunes sœurs, Mika, à gauche et Amit (Autorisation)
Tamir Nimrodi, au centre, pris en otage à sa base militaire le 7 octobre 2023, avec ses deux jeunes sœurs, Mika, à gauche et Amit (Autorisation)

Lorsque Tamir Nimrodi, soldat du corps de formation, a été pris en otage par des terroristes du Hamas sur sa base, non loin du passage d’Erez, le 7 octobre, il venait tout juste de s’habituer à sa nouvelle vie et à son service militaire.

Au sein du corps de l’armée israélienne en charge de la formation continue des soldats, le jeune homme avait été récompensé pour l’excellence de ses services et on envisageait de lui proposer une formation d’officier, explique au Times of Israel sa mère, Herut Nimrodi.

Pour Tamir, les choses n’ont pas toujours été simples : le garçon a eu des difficultés tout au long de son parcours scolaire, que ce soit sur le plan social ou intellectuel, en raison d’un TDAH et de problèmes sensoriels.

« Un jeune avec de tels problèmes aurait facilement pu s’attirer des ennuis », estime Nimrodi. « Il a tiré le meilleur de son vécu. Il se sentait bien mieux ; il s’épanouissait. »

Au cours des 12 mois écoulés depuis que son fils a été pris en otage, Nimrodi a eu des nouvelles d’autres soldats qu’il a croisés lors de ses six mois de service : ces derniers lui ont fait prendre conscience de l’influence que son fils a eue sur eux.

Une de ces soldates a raconté que Nimrodi l’avait rejointe avec son dîner lorsqu’il avait découvert qu’elle prenait ses repas seule dans sa chambre. Une autre, que Nimrodi lui avait glissé quelques shekels dans la poche, lors d’une pause dans un centre commercial, quand elle s’était rendue compte qu’elle n’avait pas d’argent sur elle.

Tamir Nimrodi a été pris en otage par des terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 à sa base militaire, non loin du passage d’Erez. (Autorisation)

« Je n’en aurais jamais rien su s’il n’avait pas été pris en otage », confie Nimrodi. « Toutes montrent son désir de comprendre les autres et de les aider. »

À l’approche du 20e anniversaire de Tamir, le 15 novembre prochain, Nimrodi avoue qu’elle n’est même pas certaine qu’il ait pu avoir 19 ans.

Tamir venait de s’endormir, aux premières heures du matin du 7 octobre, lorsque les terroristes du Hamas ont attaqué le sud d’Israël, et notamment sa base, située près de Gaza, où il travaillait pour l’organe du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens (COGAT).

Une quinzaine de minutes après avoir entendu les sirènes d’alerte roquettes, à 6h29, Nimrodi a envoyé un texto à sa mère pour lui demander comment elle allait et l’informer des tirs de roquettes.

À 7 h 12, il a été enlevé, en même temps que ses camarades soldats Ron Sherman et Nik Beizer. Tous trois ont été conduits par les terroristes, en short et t-shirt, jusqu’à la porte de la base.

Beizer, Sherman et un autre otage ont été tués lors d’une frappe de Tsahal contre un commandant du Hamas début novembre. Leurs corps ont été découverts ultérieurement et rapatriés en Israël pour y être inhumés.

On n’a eu aucun signe de vie de Tamir, si ce n’est une vidéo diffusée par le Hamas le 7 octobre dans laquelle on le voit sans ses lunettes.

L’armée israélienne a confirmé qu’il était entré dans Gaza en marchant. Après cela, il n’y a plus qu’un tourbillon de rumeurs, explique Nimrodi, surtout depuis que les corps de Baizer et Sherman ont été retrouvés.

Dans ses moments les plus sombres, Nimrodi revoit la vidéo du Hamas et la terreur, dans les yeux de son fils, privés de ses lunettes.

« Il a été pris dans l’une des choses qui lui fait le plus peur », poursuit-elle en parlant des attentats terroristes à la bombe.

Nimrodi a fait appel à la Croix-Rouge et à d’autres organisations humanitaires pour faire porter des lunettes à son fils, mais on lui a fait comprendre qu’il ne fallait pas trop en attendre du Hamas, une organisation terroriste.

Le pape François rencontre avec des proches des otages israéliens de la famille Bibas (Shiri, Yarden, Ariel, Kfir), Omri Miran, Agam Berger, Guy Gilboa Dalal et Tamir Nimrodi, détenus à Gaza depuis les attaques du 7 octobre par des militants du Hamas, au Vatican, le 8 avril 2024. (Crédit : VATICAN MEDIA / AFP)

« Je ne peux pas l’aider, je ne peux pas prendre sa place, je ne peux pas le sauver, je le vois juste en difficulté », regrette Nimrodi, dont le prénom, Herut, signifie liberté.

Elle continue de se battre pour lui même si son énergie décline et que l’espoir s’estompe : la perspective d’un accord diplomatique pour Tamir et les 100 autres otages de Gaza reste très incertaine.

Tamir est l’aîné des enfants de Nimrodi, qui est divorcée du père de ses trois enfants. Ses deux filles, Mika, 17 ans, et Amit, 15 ans, réagissent toutes deux différemment aux événements de l’an dernier.

Amit n’est pas allée à l’école l’année dernière, quand bien même sa mère et l’école ont tenté de trouver le moyen de l’y encourager.

Mika, quant à elle, s’en sort en ignorant le traumatisme, en faisant en sorte de continuer à vivre comme si la famille ne vivait pas un véritable cauchemar.

« Une sorte de conflit les oppose », explique Nimrodi à propos de ses deux filles.

Herut Nimrodi, à gauche, avec ses deux cadettes, Amit et Mika, et leur chien, déguisées pour Pourim en 2024, six mois après l’enlèvement de son fils Tamir par le Hamas à Gaza. (Autorisation)

Nimrodi fait en sorte de tout gérer : ses responsabilités de mère célibataire de trois enfants, son travail de directrice d’un laboratoire alimentaire à Osem, l’éducation de ses filles et la lutte pour obtenir la libération des otages.

« Je ne souhaite cela à personne », souffle-t-elle. « Nous nous battons pour 101 otages et nous savons que 40 d’entre eux, au bas mot, sont morts. On ignore qui est encore en vie, nous n’en avons aucune idée. Chaque jour peut être leur dernier jour. »

Elle ne fait pas partie de ces parents d’otages qui participent aux manifestations et aux rassemblements, mais elle a pris part à quelques missions diplomatiques organisées par le Forum des familles d’otages, une façon de s’assurer que la question reste d’actualité.

Elle n’est pas en colère non plus, du moins pas encore.

« Etre en colère en ce moment ne ferait rien de bon, je gaspillerais juste de l’énergie que je n’ai pas », poursuit-elle. « J’ai un Premier ministre et des attentes envers lui, justement parce qu’il est le Premier ministre », ajoute-t-elle. « C’est son travail » de diriger.

Elle garde de l’énergie pour rester une bonne mère pour ses filles qui ont besoin de rire et de bonheur.

« Je ne veux pas qu’elles grandissent dans une maison écrasée par le deuil et ce n’est pas non plus ce que Tamir voudrait », précise Nimrodi, qui a adopté un chiot l’an dernier.

« Ces petits moments de joie sont très importants pour elles, cela préserve leur part d’enfance. Je ne veux pas leur enlever ça. »

Herut Nimrodi, à gauche, et son fils, l’otage Tamir Nimrodi, deuxième à partir de la droite, avec d’autres membres de la famille dans leur soucca. (Autorisation)

Nimrodi ne pensait pas que le premier anniversaire du 7 octobre serait si difficile, mais ce fut le cas, même entourée de ses amis et de sa famille, histoire de ne pas sombrer dans la dépression.

Un ancien professeur de Tamir a envoyé une vidéo de lui dans son uniforme de l’armée lorsqu’il est venu au lycée chercher son diplôme de fin d’études secondaires. Le fait d’entendre sa voix a bouleversé Nimrodi, qui dit avoir du mal à se rappeler à quoi il ressemble.

Et puis, le 9 octobre dernier, elle l’a vu en rêve, pour la première fois depuis l’an dernier.

« Je lui ai demandé de me faire un câlin et nous nous sommes pris dans les bras et c’est là que je me suis réveillée », confie-t-elle. « J’en ai pleuré, peut-être qu’il essaie de m’envoyer un message, peut-être qu’il ne reviendra pas. »

Malgré tout, Nimrodi tient bon grâce à la routine qu’elle s’est établie, grâce à ses filles, son travail et sa maison, ce qui leur permet de continuer jour après jour.

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