Israël en guerre - Jour 371

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Interview

Pour Eduardo Bolsonaro, le futur transfert de l’ambassade n’est qu’un début

Le fils du président brésilien évoque un possible revirement à 180 degrés de la politique du pays, notamment par l'interdiction du Hezbollah et la reconnaissance des implantations

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Eduardo Bolsonaro, député fédéral brésilien et fils du président du Brésil Jair Bolsonaro, s'exprime lors de l'un événement pour l'ouverture de l'Agence brésilienne de promotion du commerce et de l'investissement à Jérusalem, le 15 décembre 2019. (Photo par Hadas Parush/Flash90)
Eduardo Bolsonaro, député fédéral brésilien et fils du président du Brésil Jair Bolsonaro, s'exprime lors de l'un événement pour l'ouverture de l'Agence brésilienne de promotion du commerce et de l'investissement à Jérusalem, le 15 décembre 2019. (Photo par Hadas Parush/Flash90)

Le parlementaire brésilien Eduardo Bolsonaro s’est rendu en Israël dimanche le temps d’une demi-journée pour inaugurer le bureau commercial du Brésil à Jérusalem, qu’il a présenté comme l’étape préalable au déménagement de l’ambassade du pays de Tel Aviv à Jérusalem l’année prochaine.

Mais le fils du président Jair Bolsonaro est ouvert à de nombreux autres changements tout aussi importants dans la politique moyen-orientale du pays.

Dans un vaste entretien avec le Times of Israel quelques minutes avant qu’il n’inaugure, avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le bureau commercial de Jérusalem, Eduardo Bolsonaro s’est engagé à déclarer le Hezbollah libanais organisation terroriste, a indiqué qu’il était possible que son gouvernement reconnaisse la légalité des implantations israéliennes et envisagé la fermeture de l’ambassade palestinienne au Brésil.

Il a également refusé de soutenir une solution à deux États, estimant qu’il était probablement impossible pour Israël de se retirer des territoires qu’il contrôle tant que ses voisins arabes ne reconnaissent pas l’État juif.

Eduardo Bolsonaro a promis à plusieurs reprises le déménagement de l’ambassade, même si son père a semblé reculé à ce sujet ainsi que sur de nombreuses promesses de campagne pro-Israël, par craintes présumées de dégradation des relations diplomatiques et commerciales avec le monde arabe.

Il n’a pas fait de promesse concernant un changement radical de politique à l’égard d’Israël, mais a déclaré : « nous pouvons tout changer ».

Pour le moment, il se concentre sur la réalisation de la promesse de campagne de son père concernant la relocalisation de l’ambassade brésilienne de Tel Aviv à Jérusalem.

« Nous attendons simplement le meilleur moment pour le faire », a-t-il expliqué. « Cette décision revient au président. Mais il a dit, à plusieurs occasions, qu’il le ferait ».

Son père a été élu en 2018 pour un mandat de quatre ans, a-t-il souligné. « Peut-être l’année prochaine, bientôt, il pourrait le décider ».

Le président brésilien Jair Bolsonaro (D) reçoit une plaque marquant le 71e anniversaire de la naissance d’Israël lors d’un événement à l’ambassade israélienne à Brasilia, le 22 mai 2019 (Crédit : autorisation de l’ambassade israélienne à Brasilia)

Près d’un tiers des Brésiliens sont des chrétiens évangéliques, « qui font beaucoup pression sur le président pour déménager l’ambassade », a commenté Eduardo Bolsonaro. Cette initiative jouit également d’un grand soutien au Congrès, a-t-il ajouté. « La question n’est pas si, mais quand nous allons déménager l’ambassade », a-t-il assuré, reprenant une de ses déclarations passées.

Il a invoqué le Paraguay, le pays voisin du Brésil qui a transféré son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem en mai 2018, mais avait fait marche arrière quatre mois plus tard, pour justifier la prudence de son gouvernement.

« Oui. Cela arrivera. Faisons-le simplement de manière intelligente », a-t-il ainsi expliqué, s’exprimant en anglais. « Il vaut mieux prendre un peu plus de temps et faire la bonne chose que de faire la mauvaise chose et devoir revenir en arrière ».

Il a prédit que le Brésil étant le plus grand et le plus puissant pays d’Amérique du Sud, cela permettrait à d’autres de suivre le mouvement. « Lorsque le Brésil prend une bonne mesure comme le transfert de l’ambassade, ça donne assurément plus de pouvoir pour encourager le reste de la région à en faire autant ».

Les dirigeants israéliens portaient les mêmes espoirs lorsque les États-Unis sont devenus le premier pays depuis plusieurs décennies à déplacer son ambassade à Jérusalem en 2018, le Premier ministre ayant déclaré que d’autres pays emboîteraient le pas à Washington.

Même si plusieurs pays en ont fait la promesse, seul le Guatemala l’a tenue, et la Hongrie, la République tchèque et d’autres ont ouvert des bureaux commerciaux ou culturels symboliques à Jérusalem, afin de maintenir l’équilibre délicat entre leurs alliances avec Israël et le monde arabe.

Dernier pays en date à avoir ouvert un petit bureau commercial dans la ville sainte, le Brésil aurait finalement hésité à y installer son ambassade par crainte que cela pourrait nuire à sa place de plus grand exportateur mondial de viande halal.

Le député brésilien, qui dirige la commission des Affaires étrangères et de la Défense nationale de la chambre basse du Congrès, a souligné que son père avait travaillé dur pour renforcer les liens commerciaux avec les États du golfe Persique, laissant entendre que le déménagement pourrait survivre à un retour de bâton.

Les dirigeants palestiniens ont déjà décrié l’ouverture de l’agence commerciale brésilienne à Jérusalem, la qualifiant d’illégale et appelant les pays arabes à boycotter le Brésil.

Hanan Ashrawi de l’OLP est même allé jusqu’à accuser la nation sud-américaine de complicité dans les crimes de guerre israéliens et d’être responsable de « davantage de violence et d’instabilité » dans la région.

Des critiques balayées par Eduardo Bolsonaro.

« Je ne crois pas que si nous déménageons l’ambassade, nous souffrirons de représailles sur les produits brésiliens, je ne pense pas que cela se produira ».

« Ce que nous voulons, c’est avoir une bonne relation avec tout le monde. Nous ne voulons pas prendre part à ce conflit. Mais nous pensons en revanche que celui qui décide où se trouve la capitale de votre pays est la plus haute autorité de notre pays, le Premier ministre ou le Parlement », a-t-il expliqué.

D’où vient le soutien indéfectible des Bolsonaro à Israël ?

Âgé de 35 ans, Bolsonaro est né à Rio de Janeiro et a officié comme avocat et policier avant d’entrer au Parlement en 2015 comme élu de Sao Paulo. D’après son site internet, il a remporté son siège avec 1 843 735 de voix — plus que tout autre parlementaire de l’histoire du Brésil.

À l’image de son père populiste, de droite et homophobe, il n’a pas échappé aux controverses.

Plus tôt ce mois-ci, lors d’un entretien avec une chaîne de télévision israélienne, il a réitéré son opposition au mariage homosexuel, expliquant que s’il épousait son chien, cela ne constituerait pas une famille.

En juillet, le président l’avait désigné futur ambassadeur du Brésil aux États-Unis, une nomination qui avait été chaleureusement accueillie par la Maison Blanche, mais qui avait suscité des soupçons de népotisme au Brésil. Les parlementaires locaux avaient finalement bloqué la décision.

Le parlementaire brésilien Eduardo Bolsonaro, fils du président Jair Bolsonaro, et le conseiller de la Maison Blanche, Jared Kushner, gendre du président Donald Trump, se rencontrent à la résidence du chef d el’État américain, le 27 novembre 2018. (Crédit : Twitter via JTA)

En mai 2016, Eduardo Bolsonaro et ses frères accompagnés de leur père et d’autres membres du Parti social-libéral s’étaient rendus en Israël à l’écart des projecteurs. C’est là qu’il est devenu fan du pays, s’est-il souvenu.

Pendant une semaine, un guide touristique israélo-brésilien lui a fait découvrir le pays et avait efficacement porté les arguments du gouvernement israélien, ce qui l’a fait passer de soutien occasionnel d’Israël à fervent militant.

« Les informations biaisées sur Israël dans les médias me mettent en colère », a-t-il commenté, assurant qu’il passait son temps à mettre en ligne sur ses réseaux sociaux des vidéos prenant la défense de l’État juif. Il possède une application sur son téléphone qui l’informe dès qu’une roquette gazaouïe cible Israël.

« Je ne soutiendrais jamais ceux qui utilisent des boucliers humains pour tenter d’attaquer les civils d’un autre pays. Ça me rend furieux », a-t-il commenté.

Il n’a rien contre les Palestiniens, a-t-il souligné. Mais il a du mal à comprendre comment on peut critiquer l’armée israélienne, qui s’efforce d’avertir la population gazaouïe avant d’attaquer le bâtiment dans lequel ils se trouvent.

« C’est incroyable toute la presse du monde qui s’en prend à vous. C’est vraiment écœurant », a-t-il indiqué.

Sa foi chrétienne est l’une des autres raisons de son soutien indéfectible pour Israël, a précisé le jeune marié, ajoutant que l’un de ses objectifs de parlementaire était d’améliorer la réputation d’Israël dans le monde.

Des manifestants brandissent des drapeaux palestiniens pour protester contre les émeutes à Gaza à le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, à Sao Paulo, au Brésil, le 15 mai 2018. (Crédit :AP/Andre Penner)

Et les Palestiniens ? Lors de sa campagne présidentielle, Jair Bolsonaro a indiqué que la Palestine n’était pas un État et promis de fermer son ambassade à Brasilia.

Mais son fils a fait savoir qu’il ne s’agissait plus d’un objectif politique, précisant que le Brésil entretient de « bonnes relations » avec les Palestiniens. Tout comme avec l’Iran ou le Venezuela — le problème ne vient pas du peuple, mais du régime, a-t-il assuré.

« Les Palestiniens ont une présence au Brésil. Ils y vivent aux côtés de Juifs, de musulmans et de chrétiens — sans problème. Alors pourquoi ne pas transposer ces relations pacifiques ici ? », a-t-il interrogé.

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, à gauche, serre la main de Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, durant une cérémonie à son arrivée au siège de l’Autorité palestinienne à Bethléem, en Cisjordanie, le 16 mars 2010 (Crédit : AP Photo/Musa al-Shaer, pool)

En décembre 2010, le président brésilien de l’époque, Luiz Inácio Lula da Silva, avait officiellement reconnu un État palestinien.

« Nous pouvons tout changer, virer à 180 degrés », estime Eduardo Bolsonaro. « Je ne dis pas que cela peut se produire. L’ambassade palestinienne est toujours là au Brésil. Mais je ne serais pas surpris que le pays suive la même position que les États-Unis ».

Après une brouille au sujet du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, l’administration Trump a fermé le bureau de l’OLP à Washington et rétrogradé le consulat général américain à Washington, qui faisait office d’ambassade pour les Palestiniens.

Le Brésil va-t-il clore l’ambassade palestinienne ?

« Nous n’en avons pas beaucoup parlé. Nous nous concentrons davantage sur le déplacement de l’ambassade à Jérusalem », a-t-il expliqué.

Quelle est sa position sur un État palestinien et la solution à deux États ?

« Je pense que c’est pratiquement impossible aujourd’hui », a-t-il répondu, citant le désengagement de Gaza en 2005 qui a donné lieu au tir de milliers de roquettes sur des centres de population israéliens de la part du Hamas.

« Peut-être dans le futur. Je ne sais pas. Pour l’instant, il faut attendre un peu », estime-t-il.

« La première étape pourrait peut-être être les pays voisins reconnaissant les droits des Juifs à disposer de leur État ici. S’ils ne le font pas, il sera très dur pour Israël de céder des territoires qu’elle contrôle aujourd’hui. Les Israéliens ne soutiendraient pas un gouvernement qui céderaient des territoires aux Palestiniens sans trouver de nouveaux moyens d’empêcher des groupes comme le Hamas [de prendre le contrôle] de ces territoires ».

Eduardo Bolsonaro reçoit les étudiants le 6 septembre 2018. (Crédit : AP Photo/Leo Correa)

Eduardo Bolsonaro voit d’un bon œil la déclaration du secrétaire d’État américain Mike Pompeo au sujet des implantations israéliennes, mais précise qu’annoncer un changement similaire de la position brésilienne n’est pas une de ses prérogatives.

« Aujourd’hui, le Brésil suit toujours les résolutions de l’ONU. Alors cela doit venir du président, pas du pouvoir exécutif. Pas de moi, je représente le pouvoir législatif », a-t-il expliqué.

Il « y a toujours une possibilité » que Brasilia emboîte le pas à Washington, a poursuivi Eduardo Bolsonaro. Et quid de son opinion personnelle ? Il a souligné qu’il devait en discuter avec ses assistants. « Pompeo ne l’a pas dit depuis très longtemps. Nous allons devoir étudier un peu plus le sujet ».

« Mettre le Hezbollah sur une liste noire ? Impossible autrement. »

Quand le Brésil suivra-t-il le Paraguay, l’Argentine et le Guatemala et classera le Hezbollah comme une organisation terroriste ?

« Nous examinons toujours la question », a répondu le député, soulignant que le Brésil était présent militairement au Liban. « Il y aura peut-être certaines choses à faire avant de procéder à cette classification, pour éviter tout risque pour nos militaires au Liban. Mais tôt ou tard, nous reconnaîtrons le Hezbollah comme une organisation terroriste ».

Surtout depuis que le groupe soutenu par l’Iran s’est rendu coupable de deux attentats à Buenos Aires au début des années 1990, « il est impossible de ne pas prendre cette mesure » a-t-il assuré.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à droite) et son épouse Sara prennent part à une cérémonie de bienvenue à leur arrivée à Rio de Janeiro, Brésil, le 28 décembre 2018. Le troisième à gauche est le député brésilien Eduardo Bolsonaro, fils du président élu Jair Bolsonaro. (Avi Ohayon/GPO)

Le gouvernement Netanyahu et les Bolsonaro s’entendent à merveille. Eduardo Bolsonaro se souvient s’être précipité sur le tarmac en décembre 2018, lorsque le Premier ministre et son épouse sont arrivés au Brésil, pour être la première personne à avoir le mérite de leur serrer la main.

Mais que faire pour préserver la bonne relation entre Jérusalem et le Brésil à l’ère post-Netanyahu, post-Bolsonaro ?

« Si on dispose d’un bon projet qui bénéficie au Brésil comme à Israël, on peut s’attendre à ce que l’autre gouvernement maintienne cette relation positive », a-t-il rétorqué. « Car c’est bon pour un pays. Du moins, c’est ce que l’on peut attendre d’un gouvernement juste et honnête ».

Un futur gouvernement de gauche redéplacerait-il l’ambassade brésilienne à Tel Aviv ? « Je ne sais pas », a-t-il répondu, indiquant qu’il ne pouvait pas répondre à des questions hypothétiques.

« Le mieux, c’est de vivre dans le présent. Le Brésil et Israël n’ont jamais été aussi proches, et nous avons beaucoup à apprendre l’un de l’autre dans les secteurs de la défense de la high-tech, de l’agriculture, etc. Nous sommes comme de vieux amis qui ne se parlaient plus. Aujourd’hui, nous nous parlons à nouveau. »

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