Pourquoi le Hezbollah est obsédé par le mont Dov, comment Israël a changé d’approche
Le ministre de la Défense a assimilé le Liban au Hezbollah, ce qui constitue une menace subtile pour le pays après que le groupe terroriste a installé des tentes côté israélien
Lors d’un discours prononcé mercredi à l’occasion d’un service commémoratif pour les soldats tombés pendant la deuxième guerre du Liban, le ministre de la Défense Yoav Gallant a mis sur le même plan les activités de Tsahal au Liban et les opérations menées à Jénine et à Gaza.
« Ne sous-estimez pas notre force et notre détermination », a déclaré Gallant. « Ce que vous avez vu il y a deux mois à Gaza et hier à Jénine, nous serons capables de le faire également au Liban. Ne nous provoquez pas, car le résultat sera dévastateur. »
Il s’agit d’une déclaration plutôt inhabituelle concernant le Liban, compte tenu du fait qu’Israël a passé les deux dernières semaines à tout faire pour réduire les tensions autour des tentes du Hezbollah installées à l’intérieur du territoire israélien dans la zone frontalière du mont Dov. Jusqu’à mercredi, il semblait que le mot d’ordre était de se montrer prudent dans les médias afin de s’assurer une marge de manœuvre diplomatique aussi large que possible, de manière à ce que la crise puisse être résolue en douceur.
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Israël sait qu’il faut du temps pour résoudre une crise par la diplomatie. Il serait merveilleux qu’un effort diplomatique aboutisse, et si ce n’est pas le cas, l’action militaire sera plus légitime aux yeux de la communauté internationale.
Les Nations unies travaillent intensément sur ce front pour résoudre le différend sur le mont Dov.
Mercredi, le commandant de la FINUL, la Force intérimaire des Nations unies au Liban, a rencontré le major-général Ori Gordin, commandant du Commandement du Nord de l’armée israélienne, pour lui demander plus de temps pour négocier avec le gouvernement libanais.
Le fait que le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah ait accepté de retirer l’une des tentes est un signe de son intérêt pour la résolution de la crise ; c’est du moins ce que l’ONU essaie de dire à Israël.
Les efforts de Jérusalem pour éviter un conflit avec le Hezbollah ont été révélés par le groupe de surveillance de la presse Middle East Monitor, citant l’agence de presse turque Anadolu. Il s’avère que le médiateur entre le Hezbollah et Israël, par l’intermédiaire du gouvernement libanais, est l’ambassadrice américaine au Liban, Dorothy Shea.
Shea a expliqué au Premier ministre libanais Najib Mikati qu’Israël n’était pas intéressé par un « conflit militaire » au sujet des tentes. Le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, l’a également confirmé en citant des membres du Hezbollah qui ont déclaré que des pourparlers étaient en cours avec un certain nombre d’organismes internationaux.
« Plus les déclarations officielles seront apaisantes et plus le Hezbollah réduira sa présence dans la région, plus il sera facile de résoudre cette crise en douceur », a déclaré Shea aux Libanais.
Ce qui est intéressant dans les propos de l’ambassadrice, c’est leur ambiguïté. Le terme « conflit militaire » a été clairement énoncé, mais on ne sait pas très bien avec qui Israël n’est pas intéressé par un conflit : le Liban ou le Hezbollah ? Cette ambiguïté n’est probablement pas le fruit du hasard et elle fait écho aux remarques de Gallant mercredi.
Israël souffre encore du traumatisme de la deuxième guerre du Liban, au cours de laquelle il a été handicapé – en particulier par l’Administration Bush – pour combattre exclusivement le Hezbollah sans nuire à l’État libanais. Ce handicap est généralement considéré comme ayant poussé Israël à prendre des précautions qui ont prolongé la durée de la guerre.
Le message israélien de mercredi était donc beaucoup plus clair : lors du prochain conflit, si et quand il éclatera, le Liban et le gouvernement libanais seront tenus pour responsables et subiront les mêmes dommages que le Hezbollah.
Dans le jargon israélien, on parle de la « Doctrine Dahiyeh », du nom de Dahieh Janoubyé, un quartier chiite d’habitations du sud de Beyrouth qui abritait un bastion du Hezbollah avant d’être rasé par l’aviation israélienne au cours des derniers jours de la deuxième guerre du Liban de 2006. Israël n’a pas manqué de publier des photos des décombres, que le Hezbollah a tenté de cacher, sans toujours y parvenir.
Cette doctrine a été rendue publique lors d’une interview approfondie accordée au quotidien Yedioth Ahronoth par Gadi Eisenkot, alors chef du Commandement du Nord, qui est devenu par la suite chef d’état-major de Tsahal. Depuis, Israël n’a cessé de parler de cette doctrine. Cela est directement lié aux déclarations de Gallant, qui faisait délibérément référence au Liban, et pas seulement au Hezbollah.
Malgré les remarques agressives du ministre de la Défense, qui ont probablement été approuvées par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le Hezbollah a retiré l’une des tentes du mont Dov. Il s’agit peut-être d’une tentative de limiter les risques d’un conflit militaire, le Hezbollah ayant déjà remporté sa victoire en matière de relations publiques au Liban.
Si cela ne se produit pas, certains en Israël considèrent qu’un conflit limité à propos des tentes est l’occasion de redéfinir les règles. « Le Hezbollah d’aujourd’hui est différent du Hezbollah que nous connaissions », a déclaré un haut responsable de la sécurité à Zman Yisrael, la version en hébreu du Times of Israel.
« Le Hezbollah est plus grand, plus audacieux, plus étendu et plus armé de part et d’autre de la frontière. C’est l’occasion de modifier l’équilibre des forces que le Hezbollah a récemment créé. »
Ce n’est pas un hasard si le Hezbollah a choisi d’opérer à nouveau au mont Dov. Chaque fois que le groupe terroriste se trouve en difficulté, il s’y rend. Le problème actuel est la barrière qu’Israël construit le long de la Ligne bleue, la frontière internationalement reconnue entre les deux pays. La clôture grillagée est remplacée par une haute barrière de ciment dotée de systèmes de surveillance avancés.
Tout comme la barrière à Gaza, qui a neutralisé les tunnels stratégiques du groupe terroriste palestinien du Hamas, le Hezbollah comprend que la découverte et la neutralisation de ses tunnels rendront beaucoup plus difficiles ses plans de guerre visant à occuper certaines parties de la Galilée israélienne. Le mont Dov est précisément l’endroit où le Hezbollah peut opérer sans avoir à payer un prix international ou local.
Cette zone est contestée depuis 1916 entre la Syrie et le Liban. Les Accords Sykes-Picot qui prévoyaient le découpage n’étaient pas assez précis. En conséquence, il y a toujours ceux qui prétendent aujourd’hui que la zone appartient au Liban, et non à la Syrie.
Ce différend permet au Hezbollah d’opérer dans cette région. Le groupe terroriste est présenté à la communauté internationale comme luttant pour libérer le territoire libanais. Au Liban, cela lui permet de renforcer sa position de protecteur des intérêts du Liban et de tous ses citoyens. C’est ce qui s’est passé lorsque le Hezbollah a enlevé et tué trois soldats israéliens au mont Dov en octobre 2000, immédiatement après le retrait israélien du Sud-Liban, ainsi qu’après l’assassinat du fils d’Imad Mughinyeh en Syrie.
Le Hezbollah considère le mont Dov comme sa zone opérationnelle de confort diplomatique. Israël cherche à saper cette idée, et cela ne prendra pas des mois, que la solution vienne par la diplomatie ou par la force.
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