Procès Netanyahu : Yinon Magal raconte les « interventions poitiques » sur Walla
Selon l'ex-rédacteur en chef du site d'information, des "pressions politiques et économiques" étaient exercées pour faire supprimer les articles défavorables au Premier ministre
Le procès du Premier ministre Benjamin Netanyahu a continué mardi devant la Cour de district de Jérusalem avec le témoignage d’Yinon Magal, journaliste de la Quatorzième chaîne, ex-député et ancien rédacteur en chef du site d’information Walla.
Son témoignage a porté sur l’affaire Bezeq-Walla, connue aussi sous le nom d’Affaire 4000. Dans ce dossier, Netanyahu est accusé d’avoir autorisé des régulations – il était alors Premier ministre – qui auraient financièrement beaucoup profité à l’actionnaire majoritaire du géant des télécommunications Bezeq, Shaul Elovitch, rapportant à ce dernier des centaines de millions de shekels. En retour, Netanyahu serait intervenu dans la couverture médiatique sur le site Walla, qui était la propriété d’Elovitch à ce moment-là, pour s’assurer que sa couverture lui serait favorable.
Devant le tribunal, Magal a déclaré qu’il y avait « des pressions constantes » exercées par les politiciens en général s’agissant du contenu du site d’information et pas seulement de la part de Netanyahu.
Magal a indiqué qu’il n’entretenait « aucune relation personnelle ou amicale avec Netanyahu » – que ce n’avait pas été le cas lorsqu’il était rédacteur en chef de Walla et que ce n’était pas non plus le cas aujourd’hui, même s’il soutenait ses positionnements politiques. Ses seules rencontres avec le Premier ministre ont consisté en de brefs échanges dans les couloirs de la Knesset, a-t-il déclaré.
En 2015, Magal avait été député pendant très peu de temps dans l’ancien parti HaBayit HaHYehudi qui était dirigé par l’ex-Premier ministre Naftali Bennett. Il avait quitté la Knesset à la fin de la même année alors qu’il était accusé de harcèlement sexuel – des accusations qui n’avaient finalement pas entraîné de poursuites judiciaires.
Dans la salle du tribunal, la procureure Yehudit Tirosh a interrogé Magal sur une campagne de financement participatif qu’il avait lui-même lancé pour couvrir les frais de justice de Netanyahu. Magal a confirmé qu’il était parvenu à collecter quatre millions de shekels dans le cadre de cette initiative.
Les fonds étaient toutefois restés gelés dans la mesure où ils n’avaient pas pu être transférés légalement à Netanyahu. Un projet de loi de la coalition qui aurait autorisé les fonctionnaires à conserver de l’argent donné pour couvrir des frais médicaux ou juridiques – une législation qui, selon les critiques, avait été créée spécifiquement au bénéfice de Netanyahu – avait été retirée au mois de mars dernier, sous les pressions des membres de la coalition et des membres de l’opposition.
Détaillant le type de pressions exercées sur Walla, Magal a indiqué qu’il y avait « des interférences constantes » des politiciens – concernant, par exemple, des demandes visant à supprimer une photographie peu flatteuse de Sara Netanyahu ou un article consacré à la relation amoureuse entre Yair Netanyahu et une jeune femme non-juive.
Ces requêtes avaient lieu en permanence et pas seulement pendant les périodes électorales, a-t-il continué. « D’un point de vue journalistique, le site internet n’était pas géré de manière sérieuse », selon Magal. « La décision finale, sur les publications qui paraissaient sur le site, était toujours prise par le directeur-général de la compagnie, Ilan Yehoshua. Il me demandait d’être prudent, de ne pas lui faire de surprise, de ne pas m’en prendre frontalement à Sara Netanyahu, » a-t-il expliqué.
« A l’origine, Walla était très anti-Netanyahu. Le monde des médias tout entier lui était hostile ; il était dirigé par des personnes de gauche. Il était très difficile de s’éloigner de cette trajectoire », a continué Magal, contredisant les propos qu’il avait tenus en 2018 lorsqu’il avait estimé que le site d’information était objectif et qu’il ne nourrissait pas d’hostilité particulière à l’encontre du Premier ministre.
Alors que la procureure lui demandait pourquoi il s’opposait autant aux interventions extérieures en faveur du Premier ministre alors que lui-même était l’un de ses soutiens, Magal a répondu que les pressions exercées n’étaient pas seulement d’ordre politique mais aussi d’ordre économique. « Netanyahu faisait partie de ces interférences extérieures et en ce qui me concerne, j’étais opposé à toutes les formes d’intervention, qu’elles soient politiques ou économiques », a-t-il dit, ajoutant qu’il y avait eu « des cris et des menaces » et que le directeur-général de Walla avait déploré que « la dame » – à savoir Sara Netanyahu – « est en train de me rendre fou ».
Magal a noté qu’il avait finalement quitté Walla et qu’il avait rejoint le parti de Bennett en raison de la situation prévalant au sein du site d’information, une situation qui ne cessait pas de se dégrader.
La procureure Tirosh avait demandé au tribunal de procéder à un contre-interrogatoire officiel de Magal en raison des contradictions apparaissant entre son témoignage le plus récent et les déclarations qu’il avait faites à la police en 2018, quand il avait été interrogé pour la première fois dans le cadre de l’affaire Bezeq-Walla. Mais les magistrats avaient rejeté sa demande dans la mesure où elle aurait nécessité, pour le parquet, d’apporter la preuve que Magal était un témoin hostile.
Le procès de Netanyahu a commencé il y a trois ans et, compte-tenu du rythme de la procédure – avec de potentiels appels – il ne devrait pas se terminer avant 2028 ou 2029. A la fin du mois de juin, des informations avaient laissé entendre que les juges songeaient à abandonner le chef de pots-de-vin dans le procès du Premier ministre et qu’ils avaient rencontré le parquet et les avocats de la défense de Netanyahu pour examiner la possibilité d’une négociation de peine.
Le Premier ministre est également sur le banc des accusés dans le cadre de deux autres dossiers, l’Affaire 1000 et l’Affaire 2000. Dans l’Affaire 1000, le Premier ministre et sa famille sont accusés d’avoir reçu des cadeaux de luxe de la part de riches bienfaiteurs en échange de faveurs qu’il aurait octroyées à ces derniers. Dans l’Affaire 2000, le Premier ministre est accusé de fraude et d’abus de confiance pour avoir prétendument tenté de conclure un accord avec l’éditeur du journal Yedioth Ahronoth afin que Netanyahu bénéficie d’une couverture médiatique plus positive en échange d’une législation qui aurait limité le distribution d’un quotidien rival, Israel Hayom.
Netanyahu, de son côté, n’a cessé de clamer son innocence, affirmant que les accusations à son encontre résultent d’une chasse aux sorcières lancée par la police et par le parquet.
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