Projecteur sur la communauté samaritaine en Israël
Un livre, un film et une exposition montrent la lutte menée par un peuple unique en son genre pour assurer sa survie sans compromettre ses traditions très particulières
Les Samaritains ont vécu en Terre d’Israël depuis 3 600 ans. Certains connaissent peut-être les références qui y sont faites dans le nouveau testament, mais peu savent qui ils sont vraiment.
Un nouveau projet à multiples facettes du Yeshiva University Center for Israel Studies présente les Samaritains à un public nombreux et varié, et tente de comprendre comment ils ont réussi à survivre pendant des millénaires malgré les efforts des puissances conquérantes pour les évincer. Surtout, le projet cherche à savoir comment les Samaritains envisagent de continuer à survivre, – ils ne sont plus que 862 aujourd’hui.
Les Samaritains sont un groupe religieux distinct descendant des tribus du nord de l’Israël biblique, plus précisément des tribus d’Ephraïm, de Menashe et de Lévi. Ils ne sont pas – et n’ont jamais été – juifs, musulmans ou chrétiens. Ils ont la double nationalité israélienne et palestinienne.
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« Nos programmes et projets ont pour but d’étudier Israël dans toute son étonnante complexité. Et il n’y a pas plus complexe que les Samaritains », a déclaré l’historien Steven Fine, directeur du Center for Israel Studies.
Le projet Samaritains comprend un livre d’essais universitaires, un documentaire et une exposition au Musée de la Bible à Washington, DC. Tous trois portent le même titre : « The Samaritans : A Biblical People ». Un livre de cuisine samaritain et des œuvres d’art créées grâce à une collaboration avec le Jewish Art Salon font également partie du projet.
Le film du réalisateur et producteur israélien Moshe Alafi sera présenté en Israël le 17 décembre au Festival du film de Jérusalem.
« Les gens sont surpris de l’existence des Israélites non juifs. Il est difficile de se faire à l’idée que ces personnes observent tous les commandements de la Torah, mais ne sont pas pour autant juives », a confié Fine au Times of Israel.
Édité par Fine, de la Yeshiva University, ce livre universitaire comporte de nombreuses photos de très bonne qualité de découvertes archéologiques et archivistiques, ainsi que de la vie des Samaritains dans le passé et le présent. Ses 24 essais érudits couvrent de nombreux sujets, notamment la scission historique entre les Samaritains et les Juifs, le christianisme primitif et les Samaritains, la rencontre des musulmans avec les Samaritains et les Samaritains dans l’Israël moderne.
« Les Samaritains ont toujours été un peuple fantôme marginal. Ce n’est que dans les années 1980 qu’une quantité importante d’études et de documents archéologiques les concernant ont commencé à émerger », a déclaré Fine.
Le soutien apporté aux Samaritains par les premiers sionistes européens et les dirigeants juifs en Terre d’Israël a été déterminant pour la survie des Samaritains au XIXe et au début du XXe siècle.
Un essai du Dr Katharina E. Keim sur le rabbin, érudit et folkloriste Moses Gaster décrit sa relation (essentiellement par correspondance) avec les Samaritains. Il souligne l’importance que cela a eu dans la légitimation de leur identité et leurs liens historiques avec les Juifs.
Un essai du Dr Reuven Gafni cite une lettre critique envoyée par le rabbin Ḥayyim Abraham (Mircado) Gagin, alors grand rabbin de Jérusalem, aux autorités ottomanes en 1842, à un moment où la communauté samaritaine de Naplouse était menacée. Dans ce document, il « décrète que les Samaritains doivent être considérés comme une branche des enfants d’Israël, qui reconnaît la vérité de la Torah ».
« Cette assertion faite par le grand rabbin juif… peut, avec une certaine certitude, être considérée comme ayant eu des conséquences d’une grande portée, à la fois en ce qui concerne la protection de la communauté samaritaine de Naplouse contre un préjudice immédiat, et, dans une certaine mesure, en ce qui concerne le façonnement des relations sociales et des perceptions mutuelles entre les communautés minoritaires samaritaine et juive de la ville au cours des décennies suivantes », écrit Gafni.
Pour Fine, « les Juifs ont tout simplement sauvé les Samaritains et changé les relations entre les deux communautés – les ont rendues plus positives – après trois millénaires et demi d’inimitié ».
La coopération entre les Samaritains (qui vivent traditionnellement sur leur mont sacré Gerizim, au-dessus de Naplouse) et le deuxième président israélien Yitzhak Ben-Zvi a permis l’intégration des Samaritains dans la société israélienne et la création d’une communauté samaritaine à Holon, au sud de Tel Aviv.
Selon le Dr Jeffrey Kloha, conservateur en chef du Musée de la Bible de Washington, une exposition sur les Samaritains concordait parfaitement avec la mission du musée, qui consiste à explorer l’histoire biblique, les traditions manuscrites et l’impact de la Bible sur différents groupes. Le partenariat avec la Yeshiva University a permis de réunir différents domaines d’expertise et de contexte.
L’exposition présente un contexte historique, des manuscrits anciens et des objets archéologiques provenant de la Terre d’Israël, ainsi que de différentes régions d’Europe et d’Asie où des communautés samaritaines ont vécu à différents moments de l’histoire avant de disparaître. Mais ce sont les Samaritains qui subsistent et leur mode de vie actuel à Kiryat Luza (sur le mont Gerizim) et à Holon qui sont au cœur de l’exposition.
« Il était important de représenter correctement le peuple. Notre objectif est de raconter l’histoire des Samaritains comme ils la raconteraient eux-mêmes, car c’est ce qui a fait de la communauté ce qu’elle est aujourd’hui et c’est ce qu’ils transmettent », a déclaré Kloha.
À cette fin, cinq installations vidéo montrent des Samaritains expliquant leurs traditions, leurs pratiques rituelles, leur identité et leur vie.
Grâce à ces vidéos et à d’autres installations, les visiteurs découvrent la Torah samaritaine, qui est écrite dans une ancienne écriture connue sous le nom de paléo-hébreu. La Torah samaritaine est similaire à une version découverte à Qumran et utilisée par les Juifs durant la période du Second Temple. Elle est en grande partie identique à la Torah juive, la principale différence étant le dixième commandement samaritain, qui demande la construction d’un autel et la réalisation de sacrifices sur le mont Gerizim. (Les Samaritains ont construit un temple à Dieu sur le mont Gerizim au 5e siècle avant notre ère. Le mont du Temple de Jérusalem n’est pas considéré comme saint par les Samaritains).
Le jour de la Pâque, les Samaritains reconstituent littéralement le sacrifice biblique en égorgeant un grand nombre de moutons et de chèvres et en les brûlant dans des fosses. Après s’être marquée avec le sang des animaux, la communauté mange la viande à la main avec des herbes amères, comme c’est écrit dans le livre.
La mezouza samaritaine est une grande plaque de pierre portant des inscriptions, et qui est placée au-dessus de la porte d’entrée d’une maison, et non une petite boîte étroite contenant les Écritures, fixée au cadre de la porte. Les couples samaritains ne se tiennent pas sous une huppah lors de leur mariage.
« Comment intégrer la Bible dans la vie de tous les jours, dans un contexte quotidien, est une question à laquelle tout le monde est confronté. Les Samaritains sont un exemple qui peut faire réfléchir les gens », a déclaré Kloha.
Le film percutant d’Alafi se concentre sur la question la plus urgente pour les Samaritains : leur survie physique. Ils sont tous extrêmement inquiets, mais ils ne sont pas d’accord sur la manière de garantir non seulement leur survie, mais aussi leur croissance. C’est une situation douloureuse pour un peuple qui affirme avoir compté autrefois un million de personnes.
Certains sont favorables à l’apport de sang neuf (littéralement, car il n’y a que quatre lignées familiales chez les Samaritains) pour élargir le pool génétique et faire en sorte que chaque jeune membre de la communauté puisse épouser la personne de son choix.
Alafi consacre une grande partie du film à la relation entre un jeune Samaritain nommé Shadi et sa nouvelle épouse ukrainienne Natasha, qui tente de s’adapter à un nouvel environnement et à un mode de vie très différent.
« Il y a actuellement 30 femmes ukrainiennes qui se sont mariées dans la communauté. Cela la change sans aucun doute, mais je pense que c’est une situation gagnant-gagnant pour les hommes samaritains et les femmes ukrainiennes », a déclaré Alafi.
D’autres s’opposent fermement à cette tendance et insistent sur la poursuite de la tradition de longue date des mariages consanguins, malgré les risques génétiques évidents.
Le film montre l’historien samaritain et l’émissaire de la communauté Benyamin Tzedeka essayant de convaincre le grand prêtre et sa femme qu’ils devraient envisager de faire venir en Israël un groupe important de Brésiliens qui ont exprimé un intérêt sincère pour la religion et le mode de vie samaritains. Il suggère de les faire vivre à l’écart de la communauté jusqu’à ce qu’ils aient appris les coutumes et fait leurs preuves. Le grand prêtre et sa femme ne semblent pas enthousiasmés par cette idée.
Alafi, qui a passé six ans à tourner le film, a déclaré qu’il a délibérément évité d’aborder des sujets tels que la façon dont les Samaritains pourraient traiter des questions modernes comme l’homosexualité ou le végétarisme. Il n’a pas non plus abordé explicitement les dangers de l’endogamie.
« C’est un peuple qui vit sur la ligne de partage entre d’une part une civilisation ancienne et d’autre part un amalgame de questions géopolitiques modernes compliquées. Je pense que ce point est beaucoup plus intéressant à traiter », a déclaré le cinéaste.
Selon Kloha, une partie importante de l’exposition au Musée de la Bible porte sur la manière dont les chrétiens, les musulmans et les juifs ont interagi avec les Samaritains au cours de l’Histoire.
Les relations entre juifs et samaritains ont été mauvaises pendant des milliers d’années et ne se sont améliorées que relativement récemment. Selon Alafi, cela peut être attribué à la capacité d’entrer en contact avec quelqu’un « qui est moi mais pas moi », de manière sincère et appréciative. Fine, de la Yeshiva University, estime que cette idée peut être appliquée de manière plus large.
« Sur le plan social, il est important pour le monde juif – et pour les autres – de côtoyer des personnes qui leur ressemblent beaucoup sans les détester pour autant. Les Samaritains représentent un environnement sûr pour développer ces compétences. Nous devons établir des liens avec d’autres personnes et groupes sur la base de ce que nous partageons et de ce sur quoi nous sommes d’accord, et mettre nos différences dans une boîte », a-t-il déclaré.
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