Proposition de Trump sur Gaza: une « menace pour la Jordanie », selon des analystes
Le roi Abdallah II a rejeté le projet et doit rencontrer Trump la semaine prochaine ; l'Egypte a déjà mis en garde contre un "déplacement forcé" vers le Sinaï

La proposition du président américain Donald Trump d’envoyer les Palestiniens de Gaza vers l’Egypte et la Jordanie est « hostile », menace la « sécurité » des deux alliés de Washington et vise à « liquider la cause palestinienne », estiment des analystes jordaniens.
Donald Trump a évoqué samedi l’idée d’un plan visant à « faire le ménage » dans la bande de Gaza, disant vouloir envoyer les Palestiniens de ce petit territoire palestinien vers l’Egypte et la Jordanie pour obtenir la paix.
Comparant à un « site de démolition » la bande de Gaza dévastée par 15 mois de guerre entre Israël et le groupe terroriste islamiste palestinien du Hamas, il a dit avoir parlé de la situation au roi Abdallah II de Jordanie, ajoutant qu’il allait faire de même dimanche avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.
Selon lui, un « ménage » devrait être fait parmi la population. « Je préférerais m’impliquer avec certaines nations arabes et construire des logements à un autre endroit où ils pourraient peut-être vivre en paix pour une fois », a ajouté le président américain, suggérant un déplacement « temporaire ou à long terme ».
« C’est une position hostile de la nouvelle administration américaine envers les Palestiniens d’abord, puis envers la Jordanie et l’Egypte », dit à l’AFP Oraib Rantawi, directeur du Centre d’études politiques d’al-Qods à Amman, y voyant « une menace pour la sécurité et la stabilité » des deux pays voisins d’Israël.
La Jordanie, qui accueille 2,3 millions de réfugiés palestiniens, a maintes fois exprimé son rejet de tout projet visant à en faire une « patrie alternative ».

La proposition de Trump intervient après le gel de l’aide étrangère des Etats-Unis, à l’exception de celle destinée à l’Egypte et à Israël.
« Liquider la cause palestinienne »
M. Rantawi estime qu’il s’agit d’un « message de pression à Amman » et d’un « cadeau empoisonné » pour Le Caire. Selon lui, un tel plan serait une étape vers un déplacement plus large des Palestiniens, en particulier de Cisjordanie, vers la Jordanie, et viserait à « liquider la cause palestinienne aux dépens des pays arabes ».
L’écrivain et analyste politique jordanien Adel Mahmoud qualifie pour sa part la proposition du président américain d' »irréaliste », faite « sous couvert humanitaire », y voyant le reflet de « la position de l’extrême droite israélienne ». Or, « la Jordanie et l’Egypte ne l’accepteront pas ».
M. Rantawi rappelle qu’une initiative similaire avait déjà été avancée par l’ex-secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, lors d’une tournée dans la région, mais avait été rejetée aussi bien par les Palestiniens, que par les Jordaniens et les Egyptiens.

« Selon notre expérience des 70 à 80 années du conflit israélo-palestinien, toute mesure temporaire adoptée par Israël finit par devenir permanente », affirme-t-il.
Le député Saleh al-Armouti, membre du parti Front d’action islamique, principal parti d’opposition, qualifie la proposition de Trump de « violation de la souveraineté de la Jordanie » et de « déclaration de guerre ». Il rappelle que le roi Abdallah II avait tracé des « lignes rouges » : « pas de judaïsation de Jérusalem, pas de réinstallation des Palestiniens et pas de patrie alternative ».
L’Egypte a déjà mis en garde contre un « déplacement forcé » vers le Sinaï. Pour Amman, « la Jordanie est pour les Jordaniens et la Palestine pour les Palestiniens ».