Regev demande à l’Italie d’agir contre l’antisémitisme dans le football
La ministre de la Culture a écrit à son homologue italien, et s'inquiète des conséquences de ces actes sur la sécurité des Juifs du pays
Miri Regev, la ministre de la Culture et des Sports, a envoyé mardi une lettre à son homologue italien, Luca Lotti, pour lui demander d’agir contre l’antisémitisme présent dans le football italien, a indiqué son bureau dans un communiqué.
Récemment, des fans de la Lazio, un club de football de Rome, ont utilisé une photographie modifiée d’Anne Frank portant le maillot de l’équipe rivale, et ont insulté les joueurs de cette équipe en les traitant de « Juifs ».
Regev s’est inquiétée dans sa lettre que de tels incidents puissent « nuire à la sécurité de la communauté historique » de Rome, qui existe depuis 2 000 ans et compte plus de 10 000 membres.
La ministre a également remercié Lotti pour « ses actions immédiates » de lutte contre le racisme, et l’a encouragé « à faire tout ce qui est en [son] pouvoir pour éradiquer ce phénomène dangereux. »
La police italienne a ouvert une enquête après que des supporters de la Lazio ont posté des images d'Anne Frank avec un maillot de l'AS Rome pic.twitter.com/rjzZONdfCv
— BeFootball (@_BeFootball) October 23, 2017
L’utilisation provocatrice d’images d’Anne Frank par des supporteurs de la Lazio avait suscité une vague de critiques en Italie et au-delà, poussant le président du club romain à annoncer qu’il emmènerait des jeunes à Auschwitz.
La fédération italienne de football (Figc) a aussi annoncé une minute de réflexion sur la Shoah, avec la lecture dès mardi soir et mercredi d’un extrait du célèbre journal de la jeune fille juive morte en déportation, avant chaque match de Serie A, B, C et le weekend prochain avant les rencontres des catégories jeunes comme amateurs.
Dimanche au stade Olympique de Rome, des supporteurs ultras de la Lazio, coutumiers des slogans ou gestes racistes et antisémites, ont assisté à un match de leur équipe fétiche depuis le virage des fans de leur rival historique l’AS Rome, leur virage habituel étant fermé pour deux matches après des cris de singes lancés pendant un match début octobre.
Là, ils ont marqué leur passage en laissant de nombreux autocollants, en particulier dans les toilettes, montrant Anne Frank avec le maillot de la Roma, dans un photomontage déjà utilisé en 2013.
« Ce n’est pas du football, ce n’est pas du sport. Sortez l’antisémitisme des stades », a réagi lundi Ruth Durghello, présidente de la communauté juive de Rome, tandis que le ministre des Sports, Luca Lotti, dénonçait des actes « très graves ».
Mais mardi, le président de la République lui-même, Sergio Mattarella, a appelé le ministre de l’Intérieur, Marco Minniti, pour s’assurer que les responsables seraient identifiés et « définitivement bannis des stades ».
‘Inhumain et alarmant’
Utiliser l’image d’Anne Frank « comme signe d’insulte et de menace, outre que c’est inhumain, est alarmant pour notre pays, qui a subi la contagion, il y a 80 ans, de la cruauté bornée de l’antisémitisme », a-t-il dénoncé dans un communiqué.
« C’est incroyable, inacceptable, il ne faut pas le minimiser ni le sous-évaluer », a insisté le chef du gouvernement, Paolo Gentiloni, tandis qu’à Bruxelles, le chef du Parlement européen, Antonio Tajani, répétait que l’antisémitisme appartenait « au siècle dernier. »
Au milieu de cette tempête et alors que son club risque de nouvelles sanctions sportives, le président de la Lazio, Claudio Lotito, est allé déposer une gerbe de fleurs mardi à la mi-journée devant la synagogue de Rome.
« Aujourd’hui nous entendons réaffirmer notre position encore une fois avec ce geste clair et sans équivoque: personne ne peut utiliser la Lazio, a-t-il insisté. La plupart de nos supporteurs sont avec nous contre l’antisémitisme. »
Et pour s’en assurer, il a annoncé qu’à partir de 2018, le club emmènerait chaque année 200 jeunes supporteurs au camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz, où Anne Frank a été déportée avant de mourir à Bergen-Belsen.
Les insultes à caractère raciste et antisémite restent fréquentes dans les tribunes voire sur le terrain dans le football italien, depuis les championnats de jeunes jusqu’à la Serie A. Et les sanctions ne sont pas systématiques.
‘Si c’est un homme’
Mais à partir de mardi soir, ce sont les mots d’Anne Frank qui devront retentir dans les stades, a ordonné la Figc.
« Je vois comment le monde se transforme lentement en un désert, j’entends plus fort, toujours plus fort, le grondement du tonnerre qui approche et nous tuera, nous aussi, je ressens la souffrance de millions de personnes et pourtant, quand je regarde le ciel, je pense que tout finira par s’arranger, que cette brutalité aura une fin », assure l’extrait qui sera lu partout.
Parallèlement, les arbitres et capitaines de Serie A remettront aux enfants accompagnant les joueurs sur le terrain Le journal d’Anne Frank et le douloureux témoignage de Primo Levi, Si c’est un homme.
Mardi, les capitaines de l’Inter Milan et de la Sampdoria de Gênes ont été les premiers à remettre ainsi des exemplaires du Journal d’Anne Frank et de Si c’est un homme à des enfants qui les accompagnaient sur la pelouse de San Siro, avant le match avancé de Serie A entre leurs deux équipes.
Malgré tout, les « Irriducibili » de la Lazio ont refusé dans un communiqué de prendre leurs distances avec le photomontage, se disant surpris de la réaction médiatique qui vise avant tout, selon eux, à entraver la progression de la Lazio.
« Nous nous demandons simplement pourquoi personne ne prend notre défense quand nous sommes victimes d’incidents similaires. Nous nous demandons pourquoi personne ne parle de nos initiatives en hommage aux victimes du terrorisme », ont-ils expliqué.
Seule équipe à avoir battu l’indétrônable Juventus en championnat cette saison, la Lazio est actuellement quatrième de Serie A, juste devant l’AS Roma, qu’elle rencontrera le 18 novembre pour un derby délicat.