Retour au compte-gouttes des habitants de Shlomi, où règne l’incertitude
Les premiers des 10 000 résidents déplacés commencent à revenir mais l’ombre d’un fragile cessez-le-feu plane, et les responsables locaux attendent des instructions claires
SHLOMI – Yonatan Baleli a maintenu son restaurant de falafels ouvert pendant toute la durée de la guerre, même lorsque les roquettes du Hezbollah pilonnaient la ville évacuée de Shlomi, située juste à la frontière avec le Liban.
Jeudi matin, au lendemain de l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu de 60 jours négocié entre Israël et le Hezbollah, le groupe terroriste chiite libanais soutenu par l’Iran, Baleli a confié que, bien qu’il apprécie le calme retrouvé, « il n’y a toujours pas de sécurité pour nous, ici, dans le nord », dit-il en jetant un regard vers la colline qui marque la frontière entre Israël et le Liban.
Depuis le 8 octobre 2023, le Hezbollah a mené des attaques quasi-quotidiennes contre Shlomi et d’autres communautés ainsi que des positions militaires le long de la frontière. Le groupe avait déclaré agir en soutien à Gaza dans le cadre de la guerre déclenchée par le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas en Israël le 7 octobre.
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« Tout au long de la guerre, je pensais que je ressentirais un soulagement une fois que ce serait terminé », explique Baleli, prenant une pause dans les travaux de rénovation de son restaurant. « Mais tout ce que je ressens, c’est de l’incertitude. »
« On a tué [le chef du Hezbollah Hassan] Nasrallah », a-t-il déclaré. « On a éliminé de nombreux terroristes du Hezbollah. Mais il reste encore 101 otages à Gaza et une guerre en cours dans la région. Et le gouvernement nous demande d’attendre encore 60 jours pour voir ce qui va se passer. »
Cessez-le-feu temporaire
L’accord négocié par les États-Unis prévoit que le Hezbollah cesse ses tirs de roquettes et confie aux Forces armées libanaises (FAL) la tâche d’empêcher le groupe terroriste de reconstruire son infrastructure, a indiqué mercredi Amos Hochstein, envoyé spécial des États-Unis.
Les sceptiques ont mis en doute la capacité des FAL à tenir tête au Hezbollah, étant donné qu’elles n’ont pas été en mesure de le faire jusqu’à présent, mais les responsables américains affirment que les alliés occidentaux et arabes ont maintenant accepté de fournir aux FAL plus d’argent, d’équipement et d’entraînement.
Jeudi après-midi, Tsahal a indiqué avoir mené une frappe aérienne contre une installation du Hezbollah dans le sud du Liban, après avoir identifié des activités en violation flagrante de l’accord de cessez-le-feu. Selon Tsahal, le site était utilisé pour stocker des roquettes de moyenne portée. Par ailleurs, jeudi également, un missile d’interception a été tiré au-dessus de la Galilée occidentale après ce qui s’est avéré être une fausse alerte, selon l’armée.
Jeudi matin, à Shlomi, les habitants de cette ville peuplée de 10 000 âmes semblaient émerger d’une longue guerre, mais pour une paix fragile. Le trafic sur les routes était plus dense qu’il ne l’avait été depuis des mois. Les combats temporairement suspendus, il régnait un calme étrange et sinistre en l’absence des explosions habituelles. Pourtant, la méfiance restait palpable parmi la population, incertaine de ce que l’avenir leur réserve.
« Les politiciens ont donné leur accord, mais personne ne nous a informés de ce qui se passait », a déclaré Baleli, qui vit à Nahariya, une ville voisine qui n’a pas été évacuée mais qui a été touchée par des attaques meurtrières. Chaque jour depuis plus d’un an, il est venu ouvrir les portes de son restaurant de falafels, malgré les dangers.
Environ 60 000 habitants ont été évacués des villes frontalières du nord d’Israël peu après les massacres perpétrés par le groupe terroriste palestinien du Hamas, par crainte que le Hezbollah ne mène une offensive similaire et en raison de l’augmentation des tirs de roquettes de ce groupe. Israël a entrepris d’assurer le retour des habitants, en lançant notamment une opération terrestre en septembre.
Est-il temps de rentrer chez soi ?
Les récents incidents, incluant des frappes aériennes et des tirs de missiles d’interception, ont incité de nombreux habitants à se demander s’ils devaient rentrer ou attendre davantage de garanties.
« La municipalité de Shlomi n’a donné aucune directive aux habitants, que ce soit pour revenir ou rester loin », a confié Ofir Shpigel, porte-parole de Shlomi. « Nous attendons des instructions. »
Le maire de Shlomi, Gabby Neeman, a dit mercredi à la radio de l’armée qu’il n’y avait « pour l’instant, pas de projet de retour ». Il a également critiqué le manque de soutien de l’État en expliquant « qu’aucune compensation n’a été offerte aux habitants pour leurs pertes, et qu’aucun engagement n’a été pris pour investir dans la reconstruction de notre communauté. »
« Rien ne bouge », a-t-il déploré.
Neeman a participé jeudi à une réunion de tous les chefs de municipalités du forum de la ligne de confrontation avec Zeev Elkin, membre de la Knesset et responsable de la direction de la réhabilitation du Nord.
Lors de la réunion, Moshe Davidovich, président du Forum de la ligne de front, a déclaré que s’ils « veulent dire aux habitants du nord de rentrer chez eux en toute sécurité, il faut leur garantir qu’ils se sentent réellement en sécurité. Nous devons également nous assurer que tous les budgets nécessaires sont mis en œuvre, car rien n’a été fait jusqu’à présent. »
Il a déclaré que les deux principaux objectifs étaient « le retour à la maison et la réhabilitation de la région, et le développement de la région avec un plan pluriannuel pour l’ensemble de la ligne de confrontation nord ».
Depuis le début de la guerre, environ 1 000 bâtiments ont été endommagés à Shlomi, selon Shpigel. Jeudi, des ouvriers ont commencé à revenir dans la ville, au compte-gouttes, pour entamer les réparations.
La succursale de la Bank Mizrahi-Tefahot, fermée depuis le 8 octobre 2023, a rouvert ses portes dans une ambiance festive, avec des ballons et des rafraîchissements gratuits pour accueillir à la fois les nouveaux clients et ceux qui revenaient.
« Malgré la situation encore loin d’être normale, nous jouons un rôle de repère essentiel dans la ville », a déclaré Sagit Davidson-Cohen, la directrice de la banque. Elle a dit qu’elle attendait depuis plus d’un an de pouvoir rouvrir les portes de la banque. « C’est très excitant », a-t-elle ajouté.
Baleli, quant à lui, reste sceptique face à ce qu’il qualifie d’attitude « attentiste » concernant le cessez-le-feu temporaire.
« La destruction d’un mur prend quelques minutes », a-t-il souligné. « Mais il faudra deux à trois ans pour reconstruire, pour se relever. »
Tout près de la frontière
La route menant à Shlomit, l’un des quartiers les plus récents de Shlomi, traverse la forêt de Hanita, où l’odeur persistante des arbres brûlés imprègne encore l’air. La forêt semble abandonnée et figée, avec une impression palpable de danger qui plane.
Yaron Sella a fait visiter sa maison à cette journaliste. Située dans l’une des dernières rangées de logements donnant sur la frontière, elle a été endommagée par des tirs de roquettes du Hezbollah.
Sella et sa famille avaient évacué pendant toute la durée de la guerre, et il ignore précisément quand l’attaque a eu lieu.
« Nous ne sommes pas encore revenus, nous sommes encore en train de nous organiser », a-t-il déclaré.
Depuis le porche de Yaron Sella, on aperçoit la frontière avec le Liban, qui serpente en zigzag sur le flanc de la colline, à seulement 300 mètres.
En contrebas, les premières infrastructures d’un nouveau quartier sont encore plus proches, à moins de 130 mètres de la frontière.
Au cours de l’année écoulée, plus de 8 000 roquettes ont été tirées depuis le Liban vers Israël, accompagnées de centaines de drones et de missiles guidés antichars, causant la mort de 45 civils.
En outre, 76 soldats et réservistes de Tsahal ont été tués au cours d’affrontements transfrontaliers, d’attaques contre Israël et de l’opération terrestre lancée dans le sud du Liban à la fin du mois de septembre.
« C’est inimaginable aujourd’hui », confie Yaron Sella. « Mais avant le 7 octobre, je faisais du vélo sur les sentiers de cette colline, et mes seules craintes étaient les vaches et les sangliers. »
Yaron Sella dit qu’il est habitué à la guerre. Il s’est installé à Shlomi un mois avant la deuxième guerre du Liban en 2006 et sa famille avait également été évacuée à l’époque.
« Il y a une semaine à peine, il y avait tellement d’explosions que nous n’aurions même pas pu nous tenir ici », dit-il depuis son porche, désormais silencieux.
« Peut-être que ce cessez-le-feu nous offrira 20 années de paix », espère-t-il.
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