Retour sur l’hommage aux victimes du terrorisme devant l’Hyper Cacher
"Quand la France ne comprend pas les juifs de France, elle ne se comprend pas elle-même," a déclaré Manuel Valls devant une foule émue
La France a commémoré hier soir les victimes de la prise d’otages de l’Hyper Cacher, où quatre Juifs ont été tués le 9 janvier 2015 par le jihadiste Amédy Coulibaly. Le 8 janvier 2015, ce même terroriste avait abattu une jeune policière municipale, Clarissa Jean-Philippe, âgée de 26 ans, à Montrouge.
Ce rassemblement unitaire d’hommage aux victimes des attentats de janvier 2015 a commencé à l’issue de Shabbat, Porte de Vincennes, samedi soir, devant le supermarché casher.
Ce rassemblement a été organisé à l’appel du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) en collaboration avec de nombreuses institutions et associations dont le Consistoire de France, le Fonds Social Juif (FSJ), l’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF), le B’nai B’rith France, l’Association françaises des Victimes du Terrorisme, le BNVCA, l’AJC Paris, l’OJE et le collectif Haverim.
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De très nombreuses personnalités politiques et publiques avaient fait le déplacement.
Manuel Valls, le Premier ministre français et Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, représentaient le gouvernement français. Nicolas Sarkozy était également présent en tant que représentant du parti Les Républicains.
Anne Hidalgo, Maire de Paris et Valérie Pécresse, nouvelle présidente du conseil régional d’Île-de-France, étaient présentes devant l’Hyper cacher ainsi que Jean-Christophe Cambadélis, premier Secrétaire du parti socialiste.
Des représentants de toutes les communautés religieuses de France ont tenu à soutenir la communauté juive de France. L’imam de Drancy, Hassen Chaghoumi, a été accueilli sous les applaudissements de la foule dès son arrivée.
Sur une estrade, installée pour l’occasion, avaient été alignées 19 bougies. Une bougie commémorait chacune des victimes des attentats de janvier 2015, deux autres bougies ont été allumées pour les victimes du 13 novembre dernier et pour toutes les victimes du terrorisme dans le monde.
Elles ont été allumées une à une par plusieurs responsables dont le grand rabbin de France, Haïm Korsia, l’archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois et le dirigeant du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech.
Le Premier ministre Manuel Valls et le président du parti Les Républicains, l’ancien président de la république Nicolas Sarkozy, ont également allumé des bougies.
Lassana Bathily, l’ex-manutentionnaire de l’épicerie casher, salué comme un « héros » après avoir réussi à s’enfuir des locaux du supermarché et qui a aidé la police, s’est rendu sur l’estrade pour allumer une bougie sous l’acclamation générale des participants.
Dans une atmosphère de recueillement, plusieurs centaines d’anonymes encore traumatisés avaient fait le déplacement malgré le froid. Un important dispositif de sécurité, particulièrement contraignant, avait été mis en place pour assurer la protection de l’événement.
Une poignée de personnalités politiques et religieuses se sont relayées sur l’estrade. Tous les intervenants ont eu à coeur de rappeler les valeurs de la république française, le combat sans relâche qui doit être réalisé contre le terrorisme et le soutien aux familles des victimes et aux anciens otages.
« L’année 2015 a été une année horrible pour les Juifs, les journalistes, pour la police et finalement pour tous les Français, » a déclaré le président du CRIF Roger Cukierman.
Joël Mergui, président du Consistoire de Paris, a déclaré être « traumatisé d’avoir pu entendre ici que des juifs dans notre belle démocratie, que des juifs quelque part dans le monde, particulièrement en France pouvaient avoir peur. Depuis, je n’ai cessé de répéter que je ne voulais plus jamais entendre des juifs dire qu’ils avaient peur.»
Saluant les décisions du gouvernement luttant contre l’antisémitisme, il déclare « vous nous avez redonné confiance, nous avons entendu que ‘sans les juifs, la France ne serait pas la France’, vous avez pris des mesures de sécurité exceptionnelles (…), vous nous avez donné la possibilité de continuer à vivre comme juifs, comme citoyens, en sécurité. »
Joël Mergui a tenu à exprimer sa gratitude au nom de tous les Juifs de France pour ces mesures de protection.
« C’est fondamental de continuer à oeuvrer, pour la liberté d’expression, pour la fraternité, pour toutes nos libertés, et notamment pour notre liberté religieuse, pour que les juifs puissent continuer à porter une kippa sur la tête, puissent continuer à manger casher, puissent continuer à respecter le Shabbat, et à transmettre avec force notre identité.»
Remerciant la communauté musulmane de France de sa présence, il a souligné que « plus vous dénoncerez le terrorisme, le jihadisme, et moins il y aura d’amalgames et ce que vous faites dans ce combat est essentiel et fondamental.»
Haim Korsia a, quant à lui, appelé à une union fraternelle entre tous les citoyens français comme ce fut le cas le 11 janvier dernier.
« C’est important que l’ensemble des familles des victimes soient rassemblées aujourd’hui parce que c’est ce que nous essayons de défendre, nous essayons de porter l’idée d’une société rassemblée, unie avec des différences, heureusement avec des différences. C’est lorsque nous sommes unis que nous pouvons faire face à l’adversité.»
Après l’allumage des bougies, Manuel Valls est intervenu dans un discours de dix minutes salué par des tonnerres d’applaudissement. « La flamme du judaïsme est l’âme de la République, côte à côte fraternelles comme elles le sont depuis près de deux siècles, » a-t-il débuté son discours.
Un an après les événements, Manuel Valls déclare se souvenir de « l’effroi, de l’angoisse, et de la peur » qui régnaient au lendemain des attentats devant l’Hyper Cacher.
« Une fois de plus, on venait de tuer des juifs parce que juifs, on venait de les exécuter alors qu’ils venaient faire leur course avant de célébrer en famille le shabbat, des larmes au bord de regards interrogateurs, de ces regards qui transpercent les coeurs, personne ne pourra oublié. Je me souviens de cette colère, de votre colère et aussi du désarroi immense et la foule ne faisait qu’un. »
« Comment la France, patrie de l’émancipation des juifs, comment la nation qui s’est battue pour la défense du capitaine Dreyfus, comment la France qui avait reconnu les crimes odieux perpétrés entre 1940 et 1944, comment la France pourrait-elle laisser ses compatriotes juifs vivre dans la peur, » s’interroge le Premier ministre français devant la foule attentive.
Pour ce dernier, voir des juifs quitter la France parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité est intolérable. Il a réitéré ses paroles clamées il y a un an devant l’Assemblée Nationale, « sans les juifs de France, la France ne serait pas la France, et ce 9 janvier, tout le monde en a pris la pleine mesure. »
Le Premier ministre a tenu à rappeler tous les actes terroristes perpétrés depuis une dizaine d’années à l’encontre de la communauté juive française qui ont commencé par Ilan Halimi, les attaques de Toulouse, et aussi les agressions de Créteil. Tous ces faits n’ont, selon lui, pas assez suffisamment mobilisé l’indignation et la nation.
« Quand la France ne comprend pas les juifs de France, elle ne se comprend pas elle-même » a-t-il déclaré.
Il a rendu hommage aux forces de sécurité, à l’armée et aux policiers et à leur travail quotidien.
« La flamme du judaïsme est l’âme de la République, côte à côte fraternelles comme elles le sont depuis près de deux siècles, »
Manuel Valls
« Nous sommes en guerre, c’est le terrorisme islamiste, c’est le jihadisme, » que Manuel Valls dénonce avec force car selon lui rien ne peut expliquer de tels actes. « Cette guerre nous devons l’affronter et la gagner. »
Dans son discours, il a dénoncé les spectacles de « négationnistes en tout genre », qu’il faut continuer à combattre au quotidien, la détestation d’Israël en soulignant les campagnes de boycott récurrentes en France. Le dernier événement de ce genre a eu lieu devant l’Opéra de Paris contre la Batsheva Company, la semaine dernière.
« L‘antisémitisme, qu’il vienne de l’extrême droite ou de l’extrême gauche, qu’il vienne du fond des âges ou d’une partie de la jeunesse de nos quartiers doit être combattu avec la même détermination parce qu’il en va de la République et de nos valeurs » s’insurge Manuel Valls.
Enfin le Premier ministre a rendu hommage à Lassana Bathily, « Je suis fier que vous soyez devenu Français », et au courage de tous les otages du supermarché.
Les mots de Manuel Valls ont touché les très nombreux participants juifs de ce rassemblement qui se sont longtemps sentis désarmés face à la recrudescence de l’antisémitisme.
Fabien Belhassen, président de l’OJE (Organisation Juive Européenne), a déclaré au Times of Israel, que « la communauté juive est extrêmement inquiète parce qu’il y a beaucoup de déclarations mais on ne voit pas le résultat de ce qui est déclaré par les officiels. Cette communauté a de quoi être inquiète parce qu’elle est la seule communauté au monde qui a besoin que l’on garde nos synagogues, nos écoles, nos Gan [jardin d’enfants], nos maisons de retraite spécialisées. Nous demeurons des cibles privilégiées pour nos ennemis. Je comprends les personnes qui font leur alyah. Ils sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants, d’un autre coté l’alyah n’est pas facile, il faut pouvoir travailler en Israël, il y a des gens qui ne savent pas quoi faire quand ils arrivent en Israël. Le gouvernement israélien doit prendre des mesures drastiques pour permettre l’intégration des juifs de France. » Faisant ainsi écho aux récents propos du patron de l’association Qualita, Marc Eisenberg.
Jean Corcos, bloggeur au Times of Israel, a souligné la nouvelle dimension du terrorisme en France, avec la présence de jihadistes qui tuent avec des armes de guerre. « On n’imaginait pas que ce soit possible ».
« La communauté juive a été directement touchée, mais tout cela remonte à Mohamed Merah,» explique Corcos qui fait la comparaison entre la recrudescence de la violence à des poupées russes.
« En 2012, on voit sortir ce qu’on nous a présenté comme le loup solitaire. L’opinion publique n’était pas du tout solidaire à ce moment-là. Puis Bruxelles. Et en 2015 Charlie Hebdo, et novembre 2015 avec un véritable commando. Tout le monde est inquiet et plus seulement la communauté juive. La communauté juive est depuis un an protégée par l’armée et la police de façon puissante. Je pense que le gouvernement a pris les bonnes décisions quant à la sécurité mais en amont combien de frère Kouachi en puissance ? Et le malheur, c’est qu’aujourd’hui rien n’est fait pour lutter contre la propagande antisémite, » s’insurge Corcos.
Tony Danti, le conseiller municipal de Saint Mandé des enfants et sa mère Brigitte Contreras avaient fait le déplacement pour témoigner de leur soutien auprès de la communauté juive qui a longtemps été préservée des actes antisémites.
Aujourd’hui, toute la communauté française est dans le « même bateau et en réalité nous l’avons toujours été, » précise Mme Contreras soulignant l’unicité de la communauté nationale.
Geneviève Dachi souligne également que toute la France est aujourd’hui touchée par ces drames. Pour Geneviève, le gouvernement fait un travail remarquable pour protéger la communauté juive française. « Nous sommes Français, et j’adore la France, et je ne me sens pas prête à quitter la France. La réponse du gouvernement a été efficace.»
Après cet hommage national, un hommage communautaire a été organisé à la synagogue de Vincennes en présence du Grand rabbin de France, Haim Korsia, et du Grand Rabbin de Paris, Michel Gugenheim.
Un kaddish a été récité pour les victimes des attentats de l’Hyper Cacher et en l’honneur de toutes les victimes des attentats de 2015. Dans une synagogue remplie, des commentaires de la Torah ont été prononcés par les deux rabbins qui ont réaffirmé à la fois les valeurs du judaïsme et les valeurs de la république française.
La semaine de commémoration des attentats de janvier a pris fin aujourd’hui, avec un hommage populaire place de la République à Paris, dédié aux 149 personnes tuées en France par des jihadistes en 2015.
Une plaque a été dévoilée au pied d’un « arbre du souvenir », un chêne de dix mètres planté pour l’occasion, puis le chanteur Johnny Hallyday a interprété « Un dimanche de janvier » pour saluer la mobilisation du 11 janvier, quand près de quatre millions de personnes ainsi avaient défilé contre le terrorisme à Paris et partout en France.
L’AFP a contribué à cet article.
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