Ross : le discours de Kerry est “quelque chose qu’il devait sortir”
L’ancien envoyé américain affirme qu’il existe une “distance” entre les positions du président et du secrétaire d’Etat ; la nomination de Friedman a poussé Obama à l’action diplomatique
Le discours mercredi du secrétaire d’Etat américain John Kerry fustigeant l’activité d’implantation israélienne et a prévenu du danger qu’elle pose à la solution à deux états était « quelque chose que le secrétaire d’Etat devait sortir », a déclaré jeudi Dennis Ross, ancien conseiller du président américain Barack Obama.
Bien que l’ancien envoyé américain au Moyen Orient ait reconnu dans un entretien accordé à la radio militaire que le choix de la date du discours était « déconcertant », Ross a déclaré que Kerry « avait clairement une grande passion pour le sujet » et que le secrétaire d’Etat « a le sentiment que cela devait être dit » avant qu’il ne quitte le pouvoir le mois prochain.
Pendant l’entretien, Ross a affirmé que le discours reflétait « une certaine distance » entre les positions de Kerry et Obama sur le conflit, ce qui explique pourquoi ce n’est pas le président américain qui a donné un tel discours après la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies votée la semaine dernière, qui condamne les implantations israéliennes.
« La réponse est que le président a fondamentalement décidé qu’il n’y avait rien de nouveau qu’il puisse faire », a supposé Ross. Suite aux efforts de Kerry, qui ont finalement échoué, pour négocier un accord de paix entre Israël et les Palestiniens en 2013 et 2014, « il existe une certaine distance entre la position du président et celle du secrétaire d’Etat », a-t-il déclaré.
Ces dernières années, Kerry a toujours cru qu’il pouvait pousser les deux parties à revenir à la table des négociations, et il n’a par conséquent pas sonné de tel discours avant pour ne pas gâcher ces chances, a suggéré Ross.
Dans son discours de plus d’une heure, Kerry a fustigé les implantations, qui sont d’après lui l’obstacle principal à la paix avec les Palestiniens, et déclaré que « le seul moyen d’assurer le futur d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique » était la solution à deux états. Posant six principes pour parvenir à la paix, Kerry a également défendu la décision américaine de ne pas apposer son veto à la résolution anti-implantations du Conseil de sécurité, lui permettant ainsi d’être votée, mais a affirmé que les Etats-Unis n’imposeraient pas le cadre d’un accord de paix à l’Etat juif.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a répliqué mercredi soir, affirmant que les propos de Kerry étaient « presque aussi déséquilibrés que la résolution anti-Israël [votée] aux Nations unies la semaine dernière », ce qui depuis entraîné une brèche diplomatique entre Israël et les puissances mondiales.
Dore Gold, diplomate expérimenté et ancien directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères, a rejoint jeudi les rangs des détracteurs de Kerry, rejetant catégoriquement la proposition du secrétaire d’Etat, car elle ne prend pas en compte la sécurité d’Israël.
« Nous devons nous inquiéter, au final, qu’il existe des frontières défendables », a-t-il déclaré à la radio militaire jeudi matin. « M. Kerry n’a pas expliqué comment Israël doit se défendre quand le chaos qui règne en Syrie peut atteindre les autres états du Moyen Orient. Israël doit rester fort, c’est la politique. »
Ross a été plus modéré, disant que bien que Netanyahu ait exposé des « arguments légitimes » dans son refus, Kerry avait aussi soulevé des sujets cruciaux. « Si les choses restent en l’état, vous vous dirigez vers une résolution à un état », a prévenu Ross;
Même si la date et le contexte du discours sont « questionnables », a déclaré Ross, « c’est un sujet qui doit au moins être discuté. »
Selon un article publié mercredi par le New Yorker, Obama a été poussé à l’action diplomatique par la nomination « exagérée » par le président américain élu Donald Trump de David Friedman, avocat pro-implantations, comme prochain ambassadeur des Etats-Unis en Israël.
Le choix du futur président « a beaucoup pesé dans la réflexion du président », a déclaré au magazine un responsable anonyme de l’administration Obama.
« La dernière chose que vous voulez quand vous quittez le pouvoir, c’est de chercher l’affrontement avec la communauté juive organisée, mais Friedman est tellement inacceptable, a-t-il déclaré. Il a accordé un soutien politique et caritatif aux implantations directement ; il compare les juifs de gauche aux kapos des camps de concentration ; il est tout simplement exagéré. »